Portée par la Ligue nord-américaine de basket (NBA) et encadrée par la Fédération internationale de basket (FIBA), la Basketball Africa League (BAL) a lancé sa saison inaugurale en mai 2021, au Rwanda. Un événement majeur qui symbolise le poids économique croissant de l’Afrique dans la filière sport : la Basketball Africa League est la première compétition que la puissante NBA (10 milliards de dollars de revenus attendus cette saison) pilote en dehors de l’Amérique du Nord. Dans cet entretien accordé à Forbes Afrique, le président de la BAL, Amadou Gallo Fall, revient sur la genèse de cette compétition panafricaine et rappelle le rôle clé du sport dans la création de valeur économique.
PROPOS RECUEILLIS PAR LÉOPOLD MUTA
FORBES AFRIQUE : Comment l’idée de créer la BAL est-elle née ?
AMADOU GALLO FALL : La BAL est l’aboutissement de plusieurs décennies de travail, en Afrique. Entre l’organisation de camps pour les jeunes [2003], l’ouverture d’un bureau à Johannesburg [2010], l’organisation de matchs d’exhibition [NBA Africa Games] ou encore la construction de terrains de basket un peu partout sur le continent, nous avons posé une série de jalons qui nous ont amenés où nous sommes aujourd’hui. De fait, ce travail dans la durée est à l’image de l’histoire longue et fructueuse de la NBA avec l’Afrique, nombre des plus grands joueurs de la ligue nord-américaine étant issus du continent (Hakeem Olajuwon, Dikembe Mutombo…). D’une certaine manière donc, il s’agissait de revenir aux sources et d’acter le plein potentiel athlétique de l’Afrique.
Quels principaux défis vous a-t-il fallu relever ?
A.G.F. : Il n’est jamais aisé d’être un pionnier. Il a longtemps fallu convaincre, expliquer, éduquer pour faire comprendre la pertinence de notre projet. Sans parler des difficultés matérielles liées par exemple à un déficit d’infrastructures sportives de classe mondiale pour réaliser des compétitions telles que la nôtre. En dépit de tous ces facteurs limitants, nous avons réussi à capitaliser sur les leçons du passé et à tirer parti de notre expérience de plus de deux décennies pour mettre sur les rails notre initiative, qui est en définitive un pari sur le futur du continent et un acte de foi en ses talents multiples.
Quelle ambition nourrissez-vous aujourd’hui sur le continent ?
A.G.F. : Nous voulons rendre le basket plus accessible, tant au niveau de la couverture médiatique de notre compétition – qui est diffusée dans 215 pays – qu’en investissant dans les infrastructures sportives et nos différents programmes avec des opérateurs privés (Nike, Wilson, New Fortress Energy, ADS…) et des institutions (AFD, Visit Rwanda…), qui nous accompagnent comme partenaires. Mais au delà, il s’agit surtout de révéler les talents sportifs du continent et de mettre en place un environnement propice pour que ces derniers puissent évoluer dans de bonnes conditions localement. Les meilleurs partiront probablement toujours en NBA mais pour tous les autres, nous voulons pouvoir offrir une plateforme capable de fédérer des sportifs, afin qu’ils puissent évoluer au plus haut niveau, dans leur pays ou ailleurs sur le continent. C’est une tâche de longue haleine mais nous sommes précisément là pour agir sur le long terme, et impacter de manière positive l’économie du continent.
L’économie justement. De quelle manière le sport peut-il être un levier de croissance et d’emplois ?
A.G.F. : Le sport – au-delà du fait qu’il est un canal d’ambition pour les nombreux talents athlétiques du continent – est un écosystème qui génère une série d’activités connexes (construction d’infrastructures, restauration, hôtellerie, médias, transport…), créatrices d’emplois et de richesses. Quand vous vous rendez à la Dakar Arena (Sénégal), à la Kigali Arena (Rwanda) ou à la Kilamba Arena (Angola), toutes ces filières économiques sont présentes autour des matchs organisés. On maximise pour ainsi dire la chaîne de valeur, de bout en bout. Mais plus encore, le sport est un vecteur de valeurs positives (discipline, sens de l’effort, esprit d’équipe…) et d’un style de vie fondé sur la musique, la mode, le divertissement, ce qui le relie de facto à d’autres industries, telles que les industries culturelles et créatives, qu’il contribue à booster et à valoriser par ricochet. En définitive, à rebours de l’exemple des industries extractives où les matières premières ont longtemps été exportées brutes du continent pour être ensuite transformées ailleurs, l’idée ici est de faire en sorte que le maximum puisse être fait économiquement sur place, afin de capter au mieux la richesse en Afrique même.