De la plus riche à la plus chère en passant par la plus attractive, la plus smart, la plus green ou la plus innovante, focus sur dix villes africaines qui laissent entrevoir les contours de l’Afrique en devenir.
Par Dounia Ben Mohamed
#1. La Plus “Business” : Le Caire
“Al-Qāhira” a été classée première ville d’affaires par le dernier Statista Global Business Cities, un rapport évaluant deux cents villes du monde sur la base de certains critères (puissance économique, niveau de développement de la ville, infrastructure et logistique, évolution de la population, éducation, niveau de vie, tourisme, culture et environnement). En 2022, Le Caire y occupe la 113e place avec un indice de 31,84 sur 100, notamment en raison des bons résultats obtenus en matière d’environnement des affaires. L’immense capitale égyptienne représente 22 % de l’économie nationale et abrite le plus grand nombre de milliardaires d’Afrique (cinq). Sa richesse totale est estimée à 129 milliards de dollars. Porte d’entrée de la seconde économie continentale derrière l’Afrique du Sud, avec un PIB de plus de 410 milliards de dollars en juin 2022, la ville attire bon nombre de touristes et d’investisseurs, même si elle est aussi réputée pour sa pollution, ses embouteillages et ses problèmes d’infrastructures.
L’Iconic Tower, le plus haut building d’Afrique
Avec plus de 10 millions d’habitants (près de vingt-trois millions pour l’agglomération ou région du Grand Caire, seizième plus grande zone métropolitaine du monde) et une population jeune et en pleine expansion, Le Caire s’est résolument engagé dans une vision audacieuse. Sur le plan de l’urbanisme, celle-ci se traduit par des projets novateurs comme le futur métro et les bus électriques, ou encore la “forêt verticale” de l’architecte italien Stefano Boeri : trois gratte-ciel boisés “plantés” au coeur de la nouvelle capitale administrative de l’Égypte. En cours d’édification dans le désert, à environ cinquante kilomètres du Caire, cette “cité premium” ultramoderne, construite sur le modèle de Dubai, abritera notamment le plus haut building d’Afrique : l’Iconic Tower (394 m et 79 étages).
Porte d’entrée de la seconde économie continentale derrière l’Afrique du Sud, avec un PIB de plus de 410 milliards de dollars en juin 2022, Le Caire attire bon nombre de touristes et d’investisseurs, même si elle est aussi réputée pour sa pollution, ses embouteillages et ses problèmes d’infrastructures.
#2. La Plus “Riche” : Johannesburg
En dépit des crises traversées par l’Afrique du Sud, Johannesburg reste la ville la plus fortunée du continent. Une vocation inscrite dans son ADN, puisque son développement fulgurant est lié à la découverte de gisements aurifères en 1886 (ce qui lui a valu le surnom zoulou d’Egoli, “la cité de l’or”), et que le bassin du Witwaters Rand, sur lequel elle a été. bâtie, a produit à ce jour pr.s de 40 % de tout l’or extrait à travers l’histoire. Avec une richesse privée totale estimée à 239 milliards de dollars, “Jozi” s’impose comme la métropole la plus nantie du continent devant Cape Town, Le Caire et Lagos, selon l’Africa Wealth Report 2022 publié par le cabinet britannique Henley & Partners.
16 mille millionnaires
Parmi ses 5,5 millions d’habitants, on compte ainsi seize mille millionnaires, 840 multimillionnaires, trente-quatre centimillionnaires, et deux milliardaires. Dès lors, rien d’.tonnant . ce que la plus grande ville d’Afrique du Sud soit — en plus d’un pôle bancaire, commercial et industriel majeur, l’épicentre africain du luxe, avec un marché qui affiche un chiffre d’affaires de deux milliards de dollars par an. Et parce que l’argent attire l’argent, la ville, également reconnue comme capitale financière de la République sud-africaine, concentre 74 % des sièges d’entreprises du pays. Sa bourse, la Johannesburg Securities Exchange (JSE) figure en outre parmi les vingt premières bourses du monde en termes de capitalisation boursière, avec 330 sociétés cotées pour une capitalisation totale de plus de 1 100 milliards de dollars.
#3. La Plus “Chère” : Bangui
Dans la 28e édition de son enquête annuelle sur le coût de la vie et du logement pour les expatries, qui répertorie 227 des villes les plus chères du monde, le cabinet américain d’études économiques Mercer assure que Bangui arrive en tête du classement parmi les villes africaines. Sur la base des critères retenus (prix du logement, du transport, de la nourriture, de l’habillement, des articles ménagers et des loisirs), la capitale de la Centrafrique se positionne au 23e rang mondial, devant Libreville (28e) et Victoria, la capitale des Seychelles (38e).
Le déficit s’est creusé, le coût de la vie a flambé
En plus d’un contexte international marqué par une inflation ayant fait grimper le cours des matières premières et par ricochet, celui de la vie et du logement, Bangui reste depuis 2013 particulièrement vulnérable à la fragilité des conditions sécuritaires. Celles-ci ont notamment poussé le Cameroun à fermer le corridor Douala (principal port de la région) — Bangui (frontalière de la RDC) pendant trois mois en 2021, bloquant ainsi une grande partie des échanges centrafricains. Soumise . ces al.as, la ville a vu son niveau de vie flancher en 2021, l’inflation y a dépassé les 4 %. Malgré l’important soutien apport. par la communauté internationale via les bailleurs de fonds traditionnels (Banque mondiale, Union européenne, Agence française de développement, Banque africaine de développement…), la situation budgétaire du pays s’est dégradée et le déficit s’est creusé, participant à l’augmentation drastique du coût de la vie.
#4. La Plus “Innovante” : Nairobi
D’après le rapport Africa Horizons 2021/22 de Knight Frank, établi selon trois composantes de l’activité d’innovation (le nombre total de start-ups, le niveau de financement de l’innovation et les infrastructures d’innovation), la capitale du Kenya est la première ville du continent — et dans le Top 100 mondial — en matière d’innovation.
Konza Technopolis, vitrine de la Smart City kenyane
Emblématique de cette vitalité 2.0, le projet pilote du plan national “Vision 2030” : Konza Technopolis, vitrine de Konza city, smart city, entièrement dédiée à la technologie avec start-ups, bureaux, universités et logements, cette “Silicon Savannah”, située à une soixantaine de kilomètres de Nairobi, ambitionne de propulser le Kenya dans la voie du développement numérique. Initié en 2008 et entré en chantier en 2013, le projet, évalué à 400 millions de dollars, doit à terme contribuer à hauteur de 2 % au PIB, et résorber le chômage en créant 200 000 emplois directs d’ici 2030. Plusieurs investisseurs et partenaires potentiels — Huawei, Cisco, IBM… — se sont déjà positionnés. Microsoft développera par exemple un centre de recherche et d’innovation pour former des programmeurs et reliera les écoles, hôpitaux et foyers ruraux à une connexion internet haut débit. Reconnue comme une pépinière de start-ups ainsi que la capitale du mobile banking, avec des initiatives comme l’incubateur iHub ou le service électronique de paiement M-Pesa, Nairobi figure également dans le Top 3 des principaux marchés de centres de données d’Afrique, aux côtés de Johannesburg et Cape Town.
Nairobi figure dans le top 3 des principaux centres de données d’Afrique
#5. La Plus “Tech” : Lagos
Selon l’édition 2022 du Global Startup Ecosystem Index, classement des écosystèmes start-up établi par le site StartupBlink sur cent pays et mille villes, la capitale économique nigériane serait la plus “techie”. Si l’étude relève le retard accusé par les agglomérations africaines en termes d’attractivité pour les entreprises technologiques — seules sept villes du continent ont obtenu un score de plus de 1,0 point et hormis l’Afrique du Sud, aucun pays africain ne figure parmi les cinquante premiers mondiaux —, Lagos, unique ville africaine à se hisser dans le Top 100 (81e position, soit un bond de 41 places par rapport à 2021), prend la tête, suivie de Nairobi et du Cap.
Lagos, terre de licornes
Particulièrement bien classée dans certains secteurs (24e rang mondial dans la FoodTech et 43e dans l’e-commerce et la vente au détail), Lagos doit son succès à son vaste marché intérieur, une forte structuration grâce à des organisations comme le Co-Creation Hub, et la visibilité internationale que lui apportent des licornes comme Jumia, Flutterwave ou OPay. Deuxième plus grande ville du continent après Kinshasa, Lagos, qui génère à elle seule 10 % du PIB national (432,3 milliards de dollars), s’impose également comme un pôle technologique, et ses start-up ont un .norme potentiel pour transformer l’économie nigériane. Le pays doit néanmoins relever des défis de taille, comme la pénurie d’options de financement à laquelle sont confrontées les entreprises technologiques et surtout, l’insuffisance de l’infrastructure Internet à haut débit : selon de récents chiffres de l’Alliance for Affordable Internet (A4AI), 81 % des Nigérians ne profiteraient pas d’une connexion optimale.
#6. La Plus “Green” : Kigali
Déclarée “meilleure capitale africaine” par l’ONU et qualifiée en 2018 de “ville la plus propre de la planète” par le directeur exécutif du Programme des Nations unies pour l’environnement, Erik Solheim, Kigali fait office de modèle de développement urbain. Notable par l’entretien de ses routes, ses avenues bien tracées, son urbanisme maîtrisé et son absence d’ordures, elle est judicieusement maillée de poubelles, bénéficie d’un système de collecte des déchets performant et emploie de nombreux kigalois assignés à la propreté des rues et des squares.
La “Petite Singapour”
Prix de la Santé publique du Wellbeing Cities Award 2019, la “Petite Singapour” mène une politique volontariste en matière de salubrité et d’environnement, soutenue par un engagement actif de ses habitants. Depuis 2008, le pays a banni les sacs plastiques et emballages non biodégradables, tandis que l’umuganda réunit chaque dernier samedi du mois les Rwandais autour de travaux communautaires de nettoyage, recyclage et construction. Les tâches réalisées dans le cadre de cette pratique citoyenne (inscrite dans la Constitution et donc obligatoire) représenteraient entre dix et vingt millions de dollars par an. En 2015, la ville a fermé à la circulation huit cents mètres d’une des artères les plus commerciales de son centre, et depuis 2016, des Car Free Day se tiennent deux fois par mois. Résolument engagé en faveur du développement durable, notamment à travers la préservation du riche patrimoine patrimoine de la faune et de la flore sauvages du pays (dont les fameux gorilles des montagnes) et la promotion d’un écotourisme de luxe aux marges élevées, le gouvernement poursuit ses efforts, avec l’ouverture du parc écologique de Nyandungu Urban Wetland en attendant Kigali Green City…
#7. La Plus “Investie dans la R&D” : Casablanca
D’après le dernier rapport de l’UNESCO qui évalue l’investissement des pays dans la R&D, le Maroc, avec ses 14 milliards de dirhams de fonds alloués à la recherche, se classe troisi.me en Afrique, après l’Égypte et l’Afrique du Sud, et occupe la première place en termes de nombre de chercheurs (35 000). Si la part du PIB consacrée à la R&D reste inférieure à 1 % — un taux faible comparé à celui des pays de l’OCDE, de l’ordre de 2,3 % —, elle est depuis quelques années en constante augmentation.
Un centre névralgique de la Recherche
Capitale et poumon économique du Maroc avec une contribution de plus de 30 % au PIB, l’agglomération de Casablanca (région Casa-Settat) concentre le plus grand nombre d’entreprises pourvoyeuses d’emplois hautement qualifiés dans le Royaume. À cet égard, la mégapole se veut un centre névralgique de la R&D (LPRI : Laboratoire Pluridisciplinaire de la Recherche et de l’Innovation…) aux côtés de Rabat (SmarTiLAB…) ou Marrakech (Moroccan Foundation for Advanced Science, Innovation and Research…), ainsi qu’un pôle de compétence et d’innovation dans les secteurs stratégiques des nouvelles technologies, des énergies renouvelables, de l’industrie pharmaceutique, etc. Fief du développement continental de nombreux grands groupes, Casa met judicieusement à profit les transferts de compétences dont elle bénéficie pour hisser ses ressources humaines aux standards internationaux.
#8. La Plus “Agréable à vivre” : Port-Louis
Signe des temps et de leur développement, près de quarante agglomérations africaines ont intégré le classement 2019 du cabinet Mercer des villes o. il fait bon vivre. Et pour la troisième année consécutive, c’est Port-Louis qui remporte la palme. Championne continentale, la capitale mauricienne occupe le 83e rang de ce classement, qui passe en revue l’attractivité de 231 villes du monde en tenant compte de critères comme l’environnement socioculturel, les services publics et de transport, la situation médicale, l’offre en matière de logements et de divertissements, la qualité de l’enseignement et la sécurité des personnes. Seule ville africaine à figurer dans le classement sur le plan des infrastructures (94e rang mondial), Port-Louis s’impose aussi comme la plus sûre du continent (59e rang mondial).
l’IDH le plus élevé d’Afrique
Centre névralgique d’un État dont le PIB par habitant est le second d’Afrique (plus de 8 600 dollars, contre 1 500 dollars en moyenne pour le reste de l’Afrique) et l’indice de développement humain, le plus élevé, “Porlwi” concentre naturellement toutes les activités économiques et administratives de Maurice, qui reste une destination privilégiée pour les investissements directs étrangers. Outre son dynamisme, la ville peut se prévaloir de multiples atouts : ouverture sur l’océan, températures agréables toute l’année, nombreux trésors historiques et culturels, front de mer joliment aménagé, et foisonnement hétéroclite de maisons créoles, buildings, vestiges coloniaux et musées qui lui ont valu une réputation de “petit bijou”.
#9. La Plus “Smart” : Cape Town
Seconde plus grande ville d’Afrique du Sud, Le Cap est aussi l’une des plus modernes, et la plus intelligente d’Afrique (105e rang mondial), selon le Smart City Index 2020 publié par l’Institut international pour le développement de la gestion (IMD) et l’Université de technologie et de design de Singapour (SUTD). Impliquée depuis des années dans les innovations créatives, Cape Town accorde beaucoup d’importance au mieux-être de ses habitants, qui peuvent interagir avec leur ville à travers une armada d’applications couvrant divers services et activités. Pionnière, elle a lancé un plan d’action reposant sur quatre piliers (infrastructure numérique, inclusion numérique, e-gouvernement, économie numérique), et inauguré en 2015 un portail d’open data dans le cadre de sa Stratégie de la ville numérique.
Des Services publics connectés
Particulièrement connectée (le Wifi est fourni par les bus Myciti et des spots publics installés dans les arrondissements de la ville), la mégapole s’appuie notamment sur l’Internet des Objets (IoT) pour favoriser son développement, via le déploiement de capteurs intelligents capables d’analyser en temps réel les donn.es recueillies sur des millions d’objets pour satisfaire les demandes en électricité, la gestion de l’eau et le traitement des déchets. Cette collecte, accélérée par des fournisseurs de r.seaux IoT tels que Sqwidnet, permet de récolter des informations sur l’état des poubelles, des feux de circulation, de l’éclairage urbain, et vise à maximiser l’agriculture, la gestion du trafic, et même prévenir le crime, tout en optimisant les interventions d’urgence pour les incendies et les secours. Une digitalisation des segments stratégiques de la cité qui a fait de Cape Town la 5e ville la plus écologique du monde selon l’organisation Carbon Disclosure Project (CDP), 10 à 20 % de sa production énergétique provenant de sources renouvelées.
#10. La Plus “Architecturale” : Luanda
S’il y a un élément sur lequel nombre d’observateurs s’accordent s’agissant de Luanda, c’est la majesté de son site et la richesse de son patrimoine architectural et urbanistique. Le panorama de la Baixas est dominé par la forteresse Sao Miguel (aujourd’hui le Musée central des Forces armées), que les Portugais érigèrent en 1634 sur le flanc du mont Sao Paulo. Élément patrimonial fort, elle asseoit l’identité de cette baie urbanisée depuis le XVIIe siècle, et se prolonge par un boulevard menant à l’entrée du port, bordé d’un front de mer soigneusement aménagé : la promenade Marginal. En face, les bâtiments du centre-ville, construits pour la plupart entre les ann.es 1930 et 1970, composent une façade de plusieurs kilomètres. Typiques du style international — notamment l’immeuble BPC et l’hôtel Presidente Méridien, ils empruntent au vocabulaire architectural du Bauhaus et de figures comme Le Corbusier, tout en s’adaptant aux conditions climatiques. Ce vaste ensemble homogène constitue un exemple d’urbanisme assez remarquable, voire unique, confirmant la réputation de “Lua” comme étape incontournable de l’architecture contemporaine.
La “Petite Ville de la Banlieue du Monde”
Parangon de modernité, avec des réalisations récentes traduisant la richesse du savoir-faire angolais (Musée de la monnaie, Pavillon multisports de Luanda, immeuble Dyeji, bâtiment Sapiens, 1ère Tour des Congrès…), la capitale lusophone abrite aussi de nombreux édifices d’un grand intérêt historique et patrimonial, beaucoup remontant au XVIIe siècle. Traits d’union entre le passé et le présent, ces édifices contribuent au cachet de la “petite ville de la banlieue du monde”, mélange unique de culture africaine et portugaise dont l’histoire tourmentée a érigé le contraste au rang d’art.