Lancé en 2010, l’Africa International Film Festival (AFRIFF) de Lagos s’est hissé parmi les plus importants festivals de cinéma du continent. Un succès intimement lié à la fondatrice de cette manifestation culturelle, Chioma Ude.
Par Patrick NDUNGIDI
Figure de l’« entertainment » nigérian, Chioma Ude est aujourd’hui l’une des meilleures ambassadrices de Nollywood, l’industrie cinématographique du pays le plus peuplé du continent (210 millions d’habitants) ayant bénéficié pleinement de la réussite de l’AFFRIF pour renforcer sa visibilité à l’échelle internationale.
Rien ne prédestinait pourtant la cinéaste nigériane à une carrière dans l’industrie du divertissement. Après l’obtention de son diplôme de marketing à l’université de Nsukka, Chioma Ude entre dans la vie active comme cadre dans une société locale, avant de s’envoler pour les États-Unis, où elle vivra et travaillera comme infirmière pendant onze ans. En somme, une vie bien rangée, loin des strass et des paillettes.
De retour au Nigeria, en 2006, elle prend la tête d’une société de logistique, qu’elle développe avec succès, en se lançant notamment dans l’événementiel, sa passion de toujours. De la gestion des roadshows destinés à préparer l’introduction en Bourse de la United Bank for Africa (UBA) à la conclusion de contrats avec la Loterie nationale des sports du Nigeria, la cheffe d’entreprise multiplie les partenariats gagnants avec les grandes sociétés du pays.
Premiers pas dans le cinéma
Chioma Ude met finalement un pied dans le cinéma en pilotant, en 2009, la première du très attendu film Through the Glass, produit par Stephanie Okereke. Le début d’une longue histoire d’amour avec le 7e art. La même année, elle s’associe, comme productrice locale, au Festival international du film ION (ION International Film Festival, IONIFF), qui se tient à Port Harcourt. C’est dans la foulée de la réalisation de ce festival qu’elle décide de créer son propre événement. Ce sera l’Africa International Film Festival (AFRIFF), une manifestation annuelle dont la première édition est lancée en novembre 2010.
Perfectionniste, la patronne de l’AFFRIF sillonne les grands festivals de cinéma de la planète – à commencer par celui de Cannes – pour s’immerger dans ce monde très particulier du show-biz, tirant de la sorte des leçons inestimables pour son propre événement. « Quand on a commencé, je suis allée au Festival de Cannes. J’y suis restée sept jours, dont cinq où je n’ai fait qu’aller à des fêtes. J’étais fascinée par les fêtes et je me suis rendu compte que beaucoup d’affaires se faisaient dans ces moments-là », explique celle qui se voit aujourd’hui comme un « pont [qui permet] aux acteurs, producteurs et agents de stars de se rencontrer et de faire des projets ensemble ». Les leçons ont en tout cas été parfaitement assimilées : l’AFFRIF est aujourd’hui l’un des festivals de cinéma les plus en vue d’Afrique, et l’événement est entièrement financé par des investisseurs privés, qui se bousculent pour être associés à cette manifestation glamour.
Envivo
Mieux, au-delà de l’aventure AFFRIF, Chioma Ude a su parfaitement capitaliser sur sa position privilégiée à Nollywood pour se lancer dans un autre pari, celui de fournir des films et des séries numériques via sa société Envivo, fondée en 2017 et associée au géant américain des télécoms Cisco. « Quelle vie ! », souffle, admirative, une productrice française qui la connaît bien, rappelant que le destin de « cette infirmière sortie de l’ombre et devenue, à force de persévérance et de détermination, une figure incontournable du cinéma africain, est digne des meilleurs scénarios de films ».