Un véhicule sûr garantit la sécurité de tous. C’est le credo de Mayelia Automotive, entreprise ivoirienne d’inspection technique automobile créée en 2019 à Abidjan. David Fofana, son PDG, s’est ainsi donné pour mission de faire rimer contrôle technique et sécurité routière. Entretien avec cet expert en transport multimodal dont l’ambition est d’améliorer la qualité des services dans ce secteur.
Forbes Afrique : Qu’est-ce qui vous a motivé à devenir entrepreneur et à créer Mayelia Automotive ?
David Fofana : J’ai évolué professionnellement dans un secteur qui était en manque de réformes et dominé par une seule entreprise d’État. En tant qu’employé, ma marge de manœuvre était insuffisante pour y initier des projets innovants et créer des emplois. Avant la création de Mayelia Automotive, le contrôle technique était en effet assuré par une unique entreprise, qui offrait ses prestations sous concession avec l’État de Côte d’Ivoire. Les clients arrivaient sur place très tôt le matin, même vers 4 h, et y passaient la journée. Aujourd’hui, Mayelia facilite le parcours client des automobilistes, qui peuvent se rendre dans nos différentes stations de contrôle techniques à travers la Côte d’Ivoire. Nos dispositifs sont également mobiles : ils vont vers les usagers pour leur faciliter l’accès au contrôle technique. Notre ambition n’est pas de gagner de l’argent, mais plutôt d’améliorer les conditions de mobilité, de créer des emplois et de contribuer activement à l’économie de la Côte d’Ivoire et de la sous-région.
Quels services propose Mayelia Automotive ?
D.F. : Mayelia Automotive Côte d’Ivoire (M.A.CI), filiale de Mayelia Participations, propose des prestations de contrôle technique automobile. Spécialisée dans la sécurité routière au moyen de l’inspection technique automobile, l’entreprise vise à réduire le nombre d’accidents de la route, à contribuer à améliorer la qualité du parc automobile et à une circulation de véhicules plus sûrs sur les routes. Licorne de la sécurité routière en Côte d’Ivoire, Mayelia met également à la disposition de l’État un système permettant la collecte des impôts et taxes sur les véhicules à moteur. L’entreprise effectue aussi les homologations des véhicules importés et neufs ou d’occasion, conformément au cahier des charges du ministère des Transports. Nos stations mobiles sont déployées sur l’ensemble du territoire ivoirien, ainsi qu’en Guinée, afin de rapprocher le service des usagers et leur éviter de parcourir plusieurs kilomètres pour accéder au contrôle technique, qui est une prestation obligatoire. Cette démarche de proximité a été illustrée entre autres par l’ouverture de stations fixes de contrôle technique dans des villes à fort besoin d’infrastructures, dont Boundiali, ville carrefour située dans le nord du pays. Par ailleurs, la Compagnie ivoirienne d’études et de réalisations en informatique et automatisme (CIERIA), filiale de Mayelia Participations spécialisée dans les technologies de l’information et basée dans la « Silicon Valley » de la Côte d’Ivoire, est en charge de tout le volet IT du groupe. Elle compte également d’autres clients. Mayelia Automotive, dans son fonctionnement, bénéficie donc de la synergie de différents cœurs de métiers : technologies, immobilier, mobilité urbaine, etc. à travers les filiales de notre groupe pluridimensionnel.
Quelles sont les innovations, notamment technologiques, que Mayelia Automotive a introduites sur le marché ivoirien ?
D.F. : Plusieurs innovations ont été initiées par Mayelia. Il y a eu l’homologation des véhicules importés, un service inexistant sur le marché, mais repensé par nos soins en y intégrant désormais un avantage client considérable : afin de réduire les délais de prise en charge des requêtes, nous avons débuté, en 2020, le déploiement, auprès des concessionnaires, de vans équipés. Depuis, les concessionnaires et importateurs de véhicules ne sont plus obligés de se déplacer ou de faire déplacer des véhicules encore sous douane, avec toutes les contraintes liées à ce déplacement. En outre, des stations de contrôle technique automobile pour les véhicules en circulation ont été déployées dans toutes les communes d’Abidjan et nos équipes se déplacent selon les besoins. Les usagers ont ainsi un accès rapide au contrôle technique. Bien plus, notre système automatisé de traitement de données permet de générer des statistiques fiables et donne l’opportunité au client de bénéficier de rapports détaillés, avec des mesures précises et des recommandations claires.
Par ailleurs, en 2023, l’adoption du mobile money comme moyen de paiement de nos services a permis de faciliter nos procédures de collecte d’argent. Aujourd’hui, 50 % de nos recettes sont digitalisées. En outre, le simulateur de visite technique que nous avons implémenté sur notre site Internet permet au client d’avoir toutes les informations inhérentes à sa visite (prix, spécificités, etc.) et d’être préalablement informé du prix de la prestation et des procédures à suivre. La démultiplication de nos canaux de communication est également une innovation qui permet d’optimiser la gestion de la relation client (information en amont des clients, possibilité pour eux de nous adresser leurs réclamations, etc.).
Quelle est l’envergure de Mayelia Automotive aujourd’hui en termes de chiffres ?
D. F. : En 2020, l’entreprise a démarré ses opérations avec une vingtaine d’employés. Aujourd’hui, elle en compte environ 300. En outre, près de 10 milliards de francs CFA (environ 15,2 millions d’euros) ont été investis pour déployer notre réseau. Sur le plan pratique, 27 centres de contrôle technique sont opérationnels dans toute la Côte d’Ivoire. S’y ajoutent trois centres en Guinée, pays où l’obligation du contrôle technique n’a été instaurée qu’en 2023, contrairement à la Côte d’Ivoire où elle est effective depuis 1974. Par ailleurs, Mayelia a collecté en 2020, pour le compte de l’État de Côte d’Ivoire, quelque 2,131 milliards de francs CFA (environ 3,2 millions d’euros). En 2021, ce chiffre est passé à 5,200 milliards (7,9 millions d’euros), avant d’atteindre plus de 9,042 milliards en 2022 et 9,300 milliards de francs CFA en 2023 (respectivement 13,7 et 14 millions d’euros).
Sur combien de véhicules avez-vous déjà effectué un contrôle technique depuis le lancement de Mayelia ?
D. F. : Environ 700 000 véhicules ont déjà été contrôlés. Notre objectif est de terminer l’année 2024 avec un cumul de 1 million de véhicules contrôlés.
Combien de contrôles techniques effectuez-vous par mois et par an ?
D. F. : En 2023, nous avons effectué 250 000 inspections de véhicules. Sur l’année 2024, nous prévoyons d’effectuer le contrôle technique de 300 000 véhicules, ce qui nous permettra d’atteindre le chiffre d’un million de véhicules contrôlés.
Combien coûte un contrôle technique chez Mayelia Automotive ?
D. F. : Nos tarifs sont homologués par l’État, car nous exerçons une activité de délégation de service public. Ces tarifs sont fixés en fonction de la nature du véhicule, de sa puissance fiscale, de l’utilisation qui est en faite (transport en commun ou transport privé), etc. Les prix sont donc fixés par le ministère des Transports et mis en application par les opérateurs de contrôle technique que nous sommes. Nous ne faisons que les mettre en application.
En seulement quatre ans d’existence, Mayelia Automotive détient déjà 40 % de part de marché dans son secteur d’activité. Quels sont les éléments qui ont contribué à ce succès ?
D. F. : Ce chiffre n’est pas symbole de succès. Nous travaillons encore pour arriver au succès. Néanmoins, le travail et la résilience de nos équipes sont à la base de cette performance. Ils prouvent que les PME africaines peuvent exercer et développer des activités autrefois réservées à des multinationales. Mayelia regorge de compétences en conception et en réalisation des projets. L’entreprise est composée uniquement d’actionnaires ivoiriens et ses dirigeants et cadres sont des Ivoiriens. C’est une grande fierté. Le président de la République souhaite l’émergence de champions nationaux et Mayelia s’inscrit dans cette dynamique, en accompagnant le gouvernement dans la mise en œuvre des réformes, des politiques et des innovations dans la sécurité routière.
La vision de Mayelia Automotive est d’être le partenaire par excellence des États africains dans la mise en œuvre de leurs projets structurants. Quels sont ces projets et de quelle manière comptez-vous y arriver ?
D. F. : Nous déployons un plan triennal 2023-2025 sur la sécurité routière dans d’autres pays africains, notamment au Sénégal et au Bénin. Les services proposés en Côte d’Ivoire seront également offerts au Sénégal, où le besoin est réel. Mais le pays ne compte qu’un seul centre de contrôle technique, à Dakar. Pour ce faire, Mayelia travaille en partenariat avec le ministère des Transports du Sénégal pour améliorer la sécurité routière dans ce pays. Le même projet a été proposé au Bénin, où nous accompagnerons le ministère de tutelle dans la mise en œuvre d’une réelle politique de sécurité routière au moyen de l’inspection technique automobile.
Quelles sont les initiatives de Mayelia Automotive en termes de Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE) ?
D. F. : Des campagnes de sensibilisation en faveur de la sécurité routière sont régulièrement organisées dans les écoles, les universités et dans certaines villes de l’intérieur du pays. Elles concernent aussi les syndicats de transporteurs, qui restent des référents importants dans le secteur. Nos prestations s’accompagnent d’explications aux usagers et aux clients potentiels sur les avantages du contrôle technique qui, loin d’être simple formalité, est nécessaire à leur propre sécurité et à celle des autres. Par ailleurs, la politique de ressources humaines de Mayelia, basée sur l’inclusion sociale et la formation, a permis à plusieurs de nos collaborateurs, notamment des femmes, d’acquérir de nouvelles compétences et de progresser dans la hiérarchie du groupe. Dans chaque centre de contrôle technique, les femmes sont représentées à hauteur de 2 collaborateurs sur 5. Au siège du groupe, elles représentent 65 % du personnel.
En outre, chaque année, Mayelia accompagne et subventionne plusieurs initiatives de développement local dans les domaines de la santé, l’éducation et le sport. Elle accorde des dons à des orphelinats et à des hôpitaux, et plusieurs actions sociales sont également organisées dans le domaine sportif. Actuellement, notre partenariat avec le ministère de l’Enseignement technique, de la Formation professionnelle et de l’Apprentissage de la Côte d’Ivoire et le GIZ [coopération internationale allemande, NDLR] vise la création d’un centre de formation dénommé Mayelia Academy. L’objectif est d’y former des jeunes aux métiers de l’inspection technique automobile dans la sécurité routière. Certains seront recrutés par Mayelia, et d’autres pourront être compétitifs sur le marché. Nos écoles et centres de formation ne disposent malheureusement pas de programmes de formation en sécurité routière, inspection et homologation des véhicules, ou encore formations en technologies de l’information liées au contrôle technique. Mayelia Academy constitue donc un élément clé pour l’expansion du groupe en Côte d’Ivoire et dans d’autres pays. Le centre offrira aussi une opportunité aux jeunes, en général, de bénéficier d’une formation en sécurité routière.
Quels sont vos axes de développement et les perspectives du groupe ?
D. F. : Notre objectif, à court terme, est de consolider nos acquis sur l’ensemble du territoire national de la Côte d’Ivoire. Ainsi, au terme de notre plan triennal dont la fin est prévue en 2025, nous visons un bon ancrage de Mayelia en Côte d’Ivoire et en Guinée, ainsi qu’un déploiement complet au Sénégal et au Bénin. En parallèle, nous étudions les opportunités de développement dans d’autres pays. Mayelia collabore également avec les autorités pour contribuer à une meilleure éclosion des PME et que celles-ci accèdent à un accompagnement renforcé en termes de financement, d’exonérations et autres facilités. L’éclosion des champions nationaux contribuera à réduire considérablement la pauvreté en Afrique.
Mayelia Automotive : https://mayelia.com/