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Denys Denya, Afreximbank : “Nous devons urgemment réduire notre dépendance aux devises étrangères”

Malgré un contexte géopolitique instable, Afreximbank affiche des résultats en croissance continue. Entre rapprochement africano-caribéen, réduction de la dépendance au dollar US et intégration renforcée des diasporas, la banque d’import-export multiplie les initiatives pour soutenir la croissance du continent. Explications de Denys Denya, son vice-président exécutif.

Propos recueillis par Marie-France Réveillard


Forbes Afrique : En chiffres-clés, quels sont les résultats d’Afreximbank depuis le début de l’année ? 

Denys Denya : Le groupe a réalisé une belle performance au cours du 1er semestre, en obtenant des résultats financiers solides et conformes à nos attentes. Nous avons maintenu nos prêts à un niveau de 28 milliards de dollars [25 milliards d’euros, NDLR], grâce au décaissement de facilités pour soutenir le développement de zones franches et pour renforcer les capacités d’exportation de nos clients. La position solide de nos actifs a permis d’atteindre un résultat brut de 1,5 milliard de dollars [1,3 milliard d’euros, NDLR], en hausse de 29 % par rapport à la même période de 2023. 

Nos activités de conseil ont généré 32,4 millions de dollars [29 millions d’euros] (+45,5 % par rapport à 2023) et ont entraîné une augmentation de 20 % du résultat non financé, qui a atteint 71,2 millions de dollars [63,7 millions d’euros]. Au 1er trimestre, le résultat net du groupe a augmenté de 18 %, passant de 345,6 millions de dollars à 407,7 millions de dollars [309 à 364 millions d’euros]. Cette évolution est principalement liée à la croissance de notre portefeuille de prêts, ainsi qu’à des taux d’intérêt favorables. Ces résultats ont été réalisés en dépit d’un environnement opérationnel difficile marqué par des tensions géopolitiques accrues, une croissance lente dans les économies avancées, une inflation élevée, une volatilité des taux de change et des inquiétudes quant à la viabilité de la dette en Afrique.


Quels sont les facteurs externes qui expliquent la résilience affichée par Afreximbank en dépit d’un contexte global incertain ?  

D. D. : Malgré les obstacles macroéconomiques, l’Afrique a bénéficié d’un meilleur accès aux marchés de financement internationaux. Plusieurs économies africaines sont sur la voie d’une amélioration de leur notation de crédit. Depuis le début de l’année, nos pays membres ont globalement levé plus de 5 milliards de dollars [4,4 milliards d’euros] sur les marchés internationaux. 

Alors que les taux d’intérêt ont soutenu la croissance de nos revenus, nos prêts bruts ont augmenté d’environ 2,9 milliards de dollars [2,5 milliards d’euros], soit + 12 % par rapport à juin 2023. Cette croissance est intervenue dans un contexte où plusieurs gouvernements remboursaient leurs facilités par anticipation, en raison des perspectives d’amélioration de leurs notations. Cela a non seulement permis d’accéder aux marchés internationaux, mais aussi de réduire le coût de l’emprunt. Ce phénomène s’ajoute à la liquidation de facilités telles que l’UKFPA1 et à la syndication de facilités souscrites en décembre 2023.

Nous avons aussi réussi à maintenir des écarts de taux d’intérêt sains à 3,94 %, tandis que notre marge d’intérêt nette était solide (5,1 %). Notre priorité est de maintenir une croissance saine, reposant sur la qualité des actifs et sur l’efficacité opérationnelle, tout en veillant à ce que l’adéquation des fonds propres et des niveaux de liquidité soit maintenue. À travers notre 6e plan stratégique, nous continuons à soutenir les pays membres pour forger à terme, une « Afrique mondiale ».

« Notre priorité est de maintenir une croissance saine, reposant sur la qualité des actifs et sur l’efficacité opérationnelle, tout en veillant à ce que l’adéquation des fonds propres et des niveaux de liquidité soit maintenue »


Êtes-vous satisfait de la notation « BBB » accordée au groupe Afreximbank par l’agence de notation Fitch ? 

D. D. : Fitch considère l’Afrique comme un environnement à haut risque. Toutes les agences de notation internationales n’ont pas les mêmes contraintes méthodologiques, ce qui explique que les notes attribuées à Afreximbank par les autres agences mondiales, soient sensiblement plus élevées, allant de BBB+ à AA- (…) Nous devons continuer à travailler avec les agences de notation et toutes les parties prenantes, pour améliorer la perception du risque associé à l’Afrique.

« Nous devons continuer à travailler avec les agences de notation et toutes les parties prenantes, pour améliorer la perception du risque associé à l’Afrique »


Quelles sont, en substance, les initiatives actuelles qui portent la croissance du groupe ? 

D. D. : Nos engagements avec la région de la communauté caribéenne (CARICOM) ont donné des résultats positifs. Sept pays caribéens bénéficient désormais de nos produits. Nous avons accueilli avec succès les Assemblées annuelles 2024 d’Afreximbank (AAM) et le Forum AfriCaribbean sur le commerce et l’investissement (ACTIF) dans les Caraïbes, pour la première fois en juin. L’événement a attiré plus de 3 500 délégués du monde entier.

Nous avons soutenu des exportations de produits manufacturés et des transactions de services d’une valeur de plus de 1,7 milliard de dollars [1,5 milliard d’euros] au cours du 1er semestre 2024. Nous recherchons actuellement plusieurs parcs industriels et zones franches d’exportation (…) Parallèlement, Afreximbank préside et assure le secrétariat intérimaire de l’Alliance des institutions financières multilatérales africaines (AAMFI) lancée lors de la 37e session ordinaire de l’Assemblée des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine (UA), en février 2024. 

Enfin, notre fonds d’impact sur les actions, FEDA, a élargi son adhésion à 17 pays en 2024. Le Nigéria, l’Égypte et la République du Bénin ont signé l’accord cette année.

Nous poursuivons notre stratégie d’augmentation générale du capital (GCI II) dans l’objectif de lever 6,5 milliards de dollars [5,8 milliards d’euros]. La Banque a levé un montant brut de plus de 2,1 milliards de dollars [1,8 milliard d’euros] depuis l’approbation du GCI par les actionnaires en juillet 2021, et nous sommes en bonne voie pour atteindre notre objectif avant la fin de notre 6e plan stratégique, en 2026.

« Notre fonds d’impact sur les actions, FEDA, a élargi son adhésion à 17 pays en 2024 »


De quelle façon les entreprises africaines peuvent-elles réduire leur dépendance au dollar américain ? 

D. D. : Nous devons urgemment réduire notre dépendance aux devises étrangères, en particulier vis-à-vis du dollar US. De nombreuses monnaies africaines se sont dépréciées par rapport au dollar US, réduisant de fait le pouvoir d’achat et entraînant un épuisement des réserves deux fois plus rapide que sur les autres marchés émergents. Par conséquent, les banques sont souvent incapables de fournir les devises nécessaires pour régler les transactions des entreprises… Au cours des derniers mois, l’équipe PAPSS [Système panafricain de paiement et de règlement, NDLR] a développé une plateforme pour aider ces entreprises à transférer et rapatrier leurs fonds à travers la solution « PAPSS African Currency Marketplace », une plateforme dédiée à la mise en relation et à l’échange de devises africaines, indépendamment du dollar américain.


Quelles sont les perspectives du groupe d’ici la fin de l’année ? 

D. D. : Nous continuerons de mettre en œuvre nos plans stratégiques et de mener à bien nos initiatives et nos projets à impact. Nos interventions financières et non financières continueront de consolider la pertinence systémique de notre institution. Nous resterons concentrés sur le maintien d’une position de liquidité saine et solide, sur la garantie d’une bonne qualité des actifs et sur l’amélioration de l’efficacité opérationnelle (…) Notre bilan annuel devrait osciller entre 35 et 40 milliards de dollars [31,3 à 35,7 milliards d’euros], avec un total de prêts en cours de l’ordre de 26 à 32 milliards de dollars [23,2 à 28,6 milliards d’euros].


Que signifie pour vous « Global Africa » dans le contexte des récentes Assemblées annuelles ? 

D. D. : « Global Africa » consiste à exploiter la force collective de l’Afrique, de ses habitants et de sa diaspora, pour alimenter une croissance économique durable. La diaspora africaine n’est pas seulement un marché, c’est une puissance commerciale porteuse d’innovation, de culture, d’esprit créatif et de solutions entrepreneuriales qui peuvent faire avancer l’Afrique. Sa contribution va bien au-delà des milliards de dollars de transferts de fonds annuels, car elle apporte ses compétences et ses expertises, tout en construisant un pont entre l’Afrique et le reste du monde. En tirant parti des ressources et des capitaux de la diaspora africaine, nous visons à renforcer l’intégration économique et à construire une économie résiliente et prospère. Afreximbank est ouvert à toute nouvelle collaboration synonyme d’innovation ou de développement des compétences, pour permettre à l’Afrique de prospérer au cœur de la 4e révolution industrielle.

« “Global Africa” consiste à exploiter la force collective de l’Afrique, de ses habitants et de sa diaspora, pour alimenter une croissance économique durable »

1. Ukraine Crisis Trade Financing Programme for Africa (UKAFPA) est un programme de financement du commerce destiné à l’ajustement des pays africains face à la crise ukrainienne, doté d’un montant de 4 milliards de dollars US (3,5 milliards d’euros).


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