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Pape Diouf : Son testament sur le football africain

Pape Diouf

Pape Diouf nous a quitté le 31 mars à Dakar, emporté par le Coronavirus. Forbes Afrique l’avait rencontré l’an dernier chez lui, au Sénégal, pour le numéro spécial Business du Foot, publié dans l’édition numéro 58 du mois de Juin 2019.

Le football africain selon Pape Diouf Journaliste, agent de joueurs, président de l’Olympique de Marseille, consultant pour la télévision et la radio, conférencier… À 67 ans, Pape Diouf a vécu mille vies dans le football et possède une voix qui fait autorité. Forbes Afrique l’a rencontré à Dakar pour l’interroger sur la Coupe d’Afrique des nations (CAN) et établir un état des lieux du football africain. 

Forbes Afrique : La CAN a été accordée à l’Égypte après avoir été initialement attribuée au Cameroun, jugé incapable de l’organiser dans les temps en raison d’importants retards dans les travaux. Ne pensez-vous pas que c’est en fait une chance pour la Confédération africaine de football (CAF), qui tire de substantiels revenus de la CAN?

PAPE DIOUF : C’est une manière de voir. Certains esprits chagrins ont effectivement pensé que fi nancièrement l’Égypte était plus intéressante. Mais de mon point de vue, la CAN ne doit pas seulement s’adosser sur l’aspect fi nancier. Il y a aussi l’aspect sportif. Et pour cet aspect-là, la décision qui a été prise l’a été très rapidement, sans vraie concertation et au détriment d’un pays qui avait beaucoup dépensé pour organiser la compétition. Espérons que pour la CAF, de telles décisions ne soient pas prises à la va-vite et que l’institution tiendra compte également des dépenses engagées par de potentiels organisateurs.

Mais il fallait sauver le spectacle sportif. Le Cameroun, dessaisi en 2019, aura la CAN en 2021. N’aura-t-il pas alors plus de chances de livrer, enfin, une belle compétition?

P. D. : Ce retard que l’on reproche au Cameroun est un prétexte, un prétexte fallacieux. Je n’ai pas le souvenir d’une seule Coupe d’Afrique des nations qui n’ait pas connu de retard. Même dans un pays comme l’Angola, pourtant riche au moment où il a organisé la CAN, il y a eu du retard. C’est à la veille de la compétition que les derniers détails ont été réglés. Il fallait à la CAF trouver une raison, une excuse pour ce retrait de la compétition au Cameroun. Certainement, le Cameroun n’était pas en avance. C’est incontestable. Mais je crois qu’à plus de six mois de la compétition, c’était trop tôt pour s’appuyer sur cette raisonlà. Pour ma part, je pense que le Cameroun, comme d’autres pays, n’aurait pas été complètement prêt, mais aurait été en situation de l’organiser, d’autant que les autorités politiques camerounaises, et on sait ce que cela veut dire en Afrique, s’étaient engagées pour cela.

2013, 2015, 2017 et maintenant 2019, le pays hôte initialement désigné n’a jamais pu recevoir la compétition. Que vous inspire cette instabilité? Comment espérer un modèle économique rassurant avec tous ces épisodes?

P. D. : On ne peut pas faire à vrai dire de rapprochements entre toutes ces défections. La Libye n’a pas pu l’organiser en raison des confl its qui déchiraient le pays. Pour les autres, le retrait leur a été signifi é bien avant que des dépenses ne soient engagées. Ce qui n’était pas le cas cette fois-ci. Le Cameroun avait engagé des dépenses importantes. Il faut comparer ce qui est comparable. De mon point de vue, de manière beaucoup plus globale, les pays africains ont des problèmes importants en matière économique. Il y a des priorités : la santé et l’éducation. Des problèmes nettement prioritaires sur la CAN. D’autant que la compétition est organisée tous les deux ans, et tous les deux ans il faut trouver le pays en mesure de répondre à ce fameux cahier des charges de la CAF. C’est aller vite en besogne de dire que des pays ont connu des infortunes dans l’organisation. Oui, certainement, mais on savait au départ que ces États n’étaient pas en mesure d’assurer l’organisation telle que la CAF le voulait.

Quelles sont vos préconisations pour consolider le modèle économique de la CAN?

P. D. : L’idée qui est la mienne n’est pas partagée par les dignitaires de la CAF. Aujourd’hui, l’Afrique n’est pas en mesure d’organiser la CAN tous les deux ans. Encore moins en ayant augmenté le nombre de participants. Il y a d’autres priorités que le continent traîne derrière lui. Et penser que l’Afrique peut tous les deux ans organiser une CAN sans reproche, cela me paraît illusoire. Moi, je pense que la CAN doit soit être une coorganisation, ce qui enlève à la compétition son cachet, ce qui en fait le charme, soit être organisée tous les quatre ans comme le Mondial ou l’Euro. Cela peut laisser à certains pays le temps de se préparer bien mieux qu’aujourd’hui. Il ne faut pas oublier qu’il y a très peu de pays en Afrique en mesure d’organiser la compétition. En comparaison, il y a de nombreux pays en mesure d’organiser l’Euro. C’est la même chose avec la Copa America en Amérique du Sud. Ce n’est pas le cas en Afrique. Sinon, on va toujours tourner avec les mêmes nations, les pays arabes et l’Afrique du Sud.

Quels sont les indicateurs qui nous permettent d’apprécier l’impact de la CAN sur le football africain?

P. D. : Vous allez certainement estimer que je suis en opposition avec la CAF. Mais la CAN, qu’apporte-t-elle? Elle n’apporte qu’un surcroît de finance à la CAF. Point final! On n’a même plus cette vieille tradition qui faisait que la compétition laissait entrevoir les talents de jeunes inconnus. Aujourd’hui, tous les joueurs qui brillent lors de la compétition, quasiment sans exception, évoluent dans les championnats européens, dans les grands championnats en tout cas. La compétition ne remplit jamais les stades, sauf quand le pays organisateur joue. Sinon, ce sont des stades pratiquement vides, qui sont les vrais témoignages de la compétition. Alors qu’apporte la CAN en Afrique? Moi je pose la question. Elle ne fait pas la promotion du football continental.

Comment faire pour augmenter le poids économique des équipes africaines sur l’économie locale? …

Pour lire l’intégralité de cet article, rendez-vous  page 35 du numéro 58 Juin 2019

 

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