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Franck-Alcide Kacou : «Le streaming représente une part de plus en plus significative des revenus générés sur le continent»

Franck-Alcide Kacou, DG d'Universal Music Africa ©The Ghost Studio

Directeur et administrateur général d’Universal Music Africa, l’ivoirien Franck-Alcide Kacou, est chargé de définir et de piloter la stratégie de développement de cette filiale ouest africaine francophone d’Universal Music Group, dans un contexte notamment marqué par la digitalisation croissante de l’offre musicale. Entretien.

Propos recueillis par Patrick Ndungidi

Quelles sont les grandes tendances actuelles de l’industrie musicale en Afrique ?

Il y a deux tendances que l’on pourrait isoler aujourd’hui et qui sont le résultat de l’adaptation de l’industrie à la crise sanitaire depuis 2020 : la première est la poursuite du développement du marché du streaming sur le continent, dont les revenus ne cessent de croître, malgré les contraintes et challenges encore nombreux. À noter le rôle des réseaux sociaux, qui aident plus que jamais les fans à découvrir de nouveaux artistes et morceaux à travers le continent mais aussi – aujourd’hui plus qu’hier – à travers le monde. La seconde, est l’importance des annonceurs dans le développement d’un talent par la création de revenus alternatifs et par le soutien que ces collaborations sont pour les ventes de musique et la promotion des artistes.

Quelle est justement la place du streaming aujourd’hui dans l’économie de la musique sur le continent africain ?

Le streaming représente une part de plus en plus significative de revenus générés sur le continent. L’an dernier, la croissance des revenus du streaming musical en Afrique subsaharienne était estimée à plus de 20%, et je suis convaincu de l’impact positif de notre présence sur cette tendance de par les décisions stratégiques et structurantes que nous avons prises ces dernières années, et nos investissements dans les talents locaux.

Le streaming a-t-il été un remède au piratage en Afrique ?

À l’instar de l’effet qu’il a eu dans les territoires « matures », effectivement le streaming est une solution partielle au piratage sur nos territoires, parce qu’il permet à la musique et aux artistes d’atteindre le consommateur plus rapidement, plus facilement et souvent avec une meilleure qualité ou expérience. Je suis pour ma part convaincu que le streaming aura le même effet sur le piratage en Afrique qu’il a eu ailleurs dans le monde, car il devient plus accessible pour tous.

De quelle manière votre groupe collabore-t-il avec des plateformes comme Spotify, Deezer ou Apple pour la valorisation des artistes musiciens africains ?

Les « pure players » que vous citez ont tous une stratégie africaine aujourd’hui, qui vient donner un crédit supplémentaire à la vision qu’Universal Music Group a depuis plusieurs années. À travers nos artistes signés et nos partenariats, nous venons nourrir les thématiques et playlists africaines sur ces plateformes qui sont de plus en plus nombreuses et qui rencontrent un public de plus en plus connaisseur et demandeur à travers le monde. Nous travaillons également étroitement avec des plateformes de streaming locales, qui elles aussi se multiplient et sont un symbole de la transition vers ce nouveau mode de consommation dans lequel nous sommes.

Comment la pandémie a-t-elle affecté vos artistes ?

L’industrie musicale africaine a probablement été plus impactée par la pandémie que certains marchés dits « matures ». Le marché du streaming sur le continent étant encore dans sa phase de développement, l’évènementiel représente la part majoritaire des revenus générés par les artistes. La pandémie a donc réduit drastiquement le business de l’évènementiel, obligeant ces derniers et les producteurs à se réinventer et à réadapter leur business model. Cette crise a permis de créer de nouvelles relations entre les talents et leurs communautés… Et malgré ces défis, le marché a continué – différemment certes – à croître, créant de nouvelles opportunités.

Quels sont les critères pour qu’un musicien intègre Universal Music Africa ? Comment se déroule la détection de nouveaux talents ?

Il n’y a pas de critères spécifiques à la détection d’un talent. Nous sommes à la recherche de personnalités qui apportent des propositions artistiques différentes dans le paysage actuel et pour qui nous sommes convaincus de pouvoir être un partenaire dans le développement de leurs carrières : nous souhaitons raconter des histoires. Nous avons une vision, donc accompagnons plus naturellement les artistes, les labels qui en ont une également complémentaire à la nôtre. Nous souhaitons multiplier les succès stories locales pour inspirer et créer des vocations. Mais la musique a ceci de merveilleux que rien ne nous empêche, dans le contexte actuel, de saisir des opportunités à l’extérieur de nos marchés.

En quoi consiste concrètement la gestion d’un artiste par Universal Music Africa ?

La collaboration avec un artiste découle de la relation qu’il entretient avec nous, mais la plateforme de solutions et d’opportunités que nous lui proposons peut aller de la direction artistique au marketing de son projet, en passant par la production évènementielle, la gestion de son droit à l’image, la distribution digitale de ses œuvres… L’idée pour nous est de lui proposer un accompagnement sur mesure, en fonction de ses besoins et de l’étape dans laquelle il se trouve dans sa carrière.

Quels sont les enjeux et les défis du secteur musical africain ?

L’enjeu  et le défi principal se situent au niveau de la reconnaissance politique. En effet, tous les acteurs de la filière, tous les spécialistes sont unanimes pour dire que les industries culturelles et créatives (la musique en particulier) ont un rôle moteur à jouer dans le développement économique du continent. On parle de création de richesse, de création de vocations et d’emplois, on parle de réduction des inégalités, on parle de soft power… Le nombre d’acteurs privés dans le secteur sur le continent ne cesse de croître. Mais cette reconnaissance politique et ses implications auront un effet d’accélérateur direct sur les performances de l’industrie musicale locale.

Comment Universal participe-t-il au développement de ce secteur ?

Notre mission se situe à plusieurs niveaux : d’abord en créant des emplois directs et indirects. UMG c’est plusieurs centaines d’emplois directs et indirects créés sur la chaîne de valeur, et sur les territoires que nous couvrons ; ensuite en créant de nouvelles opportunités pour nos talents, la multinationale que nous sommes offre par son réseau des ponts vers les autres régions, et vers le reste du monde. Nos collaborations aident à booster l’ensemble de l’écosystème et à le structurer ; enfin en créant des vocations et en misant sur la formation : nous avons lancé l’an dernier le programme UMA Academy visant à former de jeunes africains aux métiers de la musique.

Quels sont les projets d’Universal Music Africa ?

Nous allons continuer d’offrir des couloirs d’expression aux différentes identités africaines. Nous avons lancé ces dernières années les labels Def Jam Africa et Motown Gospel Africa et nous en sommes extrêmement fiers. Je pense que ce sont des initiatives qui mettent en lumière la diversité et la richesse des musiques africaines. D’ailleurs nous lançons Virgin Music Africa Label And Artists Services, une plateforme qui rassemble toutes nos expertises et notre réseau en matière de distribution digitale sur le continent avec une équipe dédiée, afin de nous rapprocher encore plus des besoins de nos partenaires labels dans l’environnement dans lequel nous évoluons aujourd’hui. Au final, nous continuerons d’innover et de prendre des décisions stratégiques à fort impact.

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