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Gitex, Un Salon Mondial De l’Innovation Qui Étend Son Empreinte En Afrique

La deuxième édition du Gitex Africa vient de se clôturer à Marrakech. Délégations ministérielles, investisseurs et créateurs de startups s’y sont croisés durant trois jours (du 29 au 31 mai 2024), avec une représentation africaine remarquée et la signature d’un accord pour l’organisation d’un nouveau Gitex Nigéria à l’horizon 2025.

Par Szymon Jagiello, envoyé spécial à Marrakech


Le soleil de plomb n’aura pas freiné la foule venue nombreuse pour le Gitex Africa, considéré comme le plus grand salon de la technologie et des startups sur le continent. Lancé en 2023, l’événement attendait cette année quelque 50 000 visiteurs, 550 délégations ministérielles et plus de 400 investisseurs issus des quatre coins du monde. Lors de sa clôture, la ministre marocaine déléguée chargée de la Transition numérique et de la Réforme de l’administration, Ghita Mezzour, a salué le bilan positif de cette seconde édition marquée par une forte participation des géants de la technologie, des startups et des investisseurs de plus de 130 pays.


Un Environnement Propice Aux Rencontres

La présence africaine s’affichait d’emblée le long des multiples stands s’offrant aux visiteurs. De la présence de 200 startups marocaines, dont la participation a été financée par le ministère marocain du Numérique, aux entreprises camerounaises ou tunisiennes, en passant par l’organisation du premier African CIO Awards célébrant l’innovation africaine, nombreux étaient les acteurs continentaux figurant parmi les 1 800 exposants.

Selon Julia Venn, cofondatrice de la société Bii Côte d’Ivoire, le Gitex Africa a l’avantage de proposer un environnement propice aux rencontres, du fait de sa taille réduite (30 000 participants) et d’une concurrence moindre entre startups, comparé à Vivatech (du 22 au 25 mai à Paris) et ses 165 000 participants : « Les nombreux événements parallèles nous ont permis de nous connecter beaucoup plus facilement avec l’écosystème et de créer des liens significatifs », observe-t-elle. Un atout qui a convaincu d’autres entrepreneurs continentaux de venir en masse.


Forte Présence Du Bénin Et De La Mauritanie

Ainsi, à quelques pas du Main stage et du salon Majlis, lieu de ralliement des ministres et investisseurs de renom, la Mauritanie et le Bénin avaient élu domicile avec des pavillons XXL, histoire d’être certains d’être remarqués. « Nous voulons révéler dans ce forum d’envergure la transformation numérique qui se déroule depuis 2016 avec l’arrivée du président Patrice Talon », nous confiait Aristide Adjinacou, Directeur du Pôle Système d’Information et Digitalisation à l’Agence des Systèmes d’Information et du Numérique (ASIN) du Bénin. « Notre pays ambitionne de devenir l’un des leaders du numérique sur le continent par le biais d’une digitalisation qui transforme structurellement notre économie pour être au service des citoyens, des investisseurs et des entreprises ».

Quant à Mariem Kane, directrice de l’Innovation au sein de ministère de la Transformation Numérique, de l’Innovation et de la Modernisation de l’Administration (MTNIMA) de la Mauritanie, elle indiquait : « Nous sommes venus avec une délégation composée, entre autres, du patronat mauritanien, de la Chambre de commerce, de l’Agence de promotion des investissements, des représentants de la Banque centrale, des représentants d’incubateurs et de dix startups. Nous espérons que l’une d’entre elles lèvera entre 100 000 et 250 000 dollars [91 000 euros et 229 000 euros] durant cet événement ». Un choix d’une aussi grande représentation motivée, ajoutait-elle, par « la proximité géographique, l’absence de procédure administrative lourde, comme la problématique des visas, des écosystèmes marocains et mauritaniens qui se comprennent bien, ainsi que la possibilité de rencontres B2B très intéressantes ».


« Il Y A De l’Argent Ici »

Côté investisseurs, on notait la présence d’entreprises et de financiers issus des pays du Moyen-Orient et d’Europe, mais une absence notable d’investisseurs africains. « Il est évident que la majeure partie des fonds alloués aux startups proviennent encore de ce que j’appellerais l’Ouest Global », observait Folarin Oreoluwa, directeur de l’écosystème des startups africaines chez Google au Nigéria. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en janvier dernier, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) indiquait que « 89 % du capital-risque entrant en Afrique est du capital étranger et 83 % sont concentrés dans quatre pays : le Nigéria, le Kenya, l’Afrique du Sud et l’Égypte ». « On n’est pas assez encore agiles en Afrique avec les investissements », estime pour sa partle Tunisien Nassreddine Riahi, cofondateur de la start-up Cynoia, qui propose un outil de collaboration digitale pour les entreprises présentes sur plusieurs marchés comme la Côte d’Ivoire, l’Algérie et la RDC. « C’est un peu culturel, car les financiers du continent préfèrent encore souvent placer leur argent dans des investissements classiques comme l’immobilier. Or il y a de l’argent ici. Pour en bénéficier, il faut être focus, posséder une vision claire pour son projet et savoir s’entourer de bonnes personnes ». Cynoa, pour sa part, a réussi à lever plus de 850 000 euros en octobre 2023 auprès de partenaires comme 216 Capital et Bpi France.

« 89 % du capital-risque entrant en Afrique est du capital étranger »

Est-ce la recette vantée par Nassreddine Riahi qu’a suivie Anthony Same ? En tout cas, à 44 ans, le fondateur de ST Digital peut se vanter de diriger un cloud store 100 % africain, sécurisé et souverain, présent sur sept marchés dont le Cameroun, Congo-Brazzaville et le Gabon. Il raconte : « Sur la base d’un modèle bootstrapper [sans recourir à des investisseurs externes, NDLR], nous avons fait appel à des actionnaires issus uniquement du continent qui sont devenus acteurs de notre compagnie et nous ont permis d’investir plus de 2 millions de dollars dans un data center de petite taille au Cameroun qui nous appartient totalement ». Aujourd’hui, l’entreprise possède 500 contrats cloud. Un modèle à suivre, alors que le continent cherche de plus en plus à se tourner vers lui-même pour financer son émergence économique. « Je dirais que la question est : un modèle ou un miracle ? » s’interroge, amusé, Anthony Same.  

« Le fondateur de ST Digital peut se vanter de diriger un cloud store 100 % africain, sécurisé et souverain »


Le Nigéria, Deuxième Porte d’Entrée du Gitex Global en Afrique

Pour attirer plus de financiers du continent, une autre solution évoquée par Nassreddine Riahi serait « de dupliquer un modèle à l’instar d’un Web Summit au niveau régional, comme en Afrique de l’Ouest, ce qui contribuerait à faciliter encore plus les rencontres ». Le groupe Kaoun International, organisateur des différents Gitex, semble avoir devancé cette suggestion, puisque le deuxième jour de l’événement a été l’occasion d’annoncer la création d’un Gitex Nigéria. Devant un parterre de journalistes, Kashifu Inuwa Abdullahi, directeur général de l’Agence nationale de développement des technologies de l’information (Nitda) au Nigéria, et Trixie LohMirmand, vice-présidente du Dubai World Trade Center, ont ainsi signé un protocole d’accord pour l’organisation de cet événement. Celui-ci devrait se tenir en septembre 2025 – les dates sont encore à confirmer –, avec un format, a déclaré Trixie LohMirmand, « qui sera unique et qui permettra d’explorer un vaste potentiel, à une époque où le Nigéria connaît un impact de croissance exponentielle dans des secteurs tels que l’Intelligence artificielle (IA), la santé, la finance et les startups ».

« Amener le Gitex au Nigéria nous donnera l’opportunité d’exporter la technologie nigériane dans le monde »

« Amener le Gitex au Nigéria nous donnera l’opportunité d’exporter la technologie nigériane dans le monde », a pour sa part déclaré Kashifu Inuwa Abdullahi. Il est vrai que le Nigéria, dont la capitale économique, Lagos, plus grande mégalopole africaine, est l’unique ville du continent présente dans le Top 100 mondial des villes les plus propices aux jeunes pousses, selon le Global Startup Ecosystem Index 2023 publié par le cabinet spécialisé StartupBlink. De quoi faire rêver Folarin Oreoluwa, qui caresse l’espoir de voir, prochainement, « un acteur privé nigérian lever peut-être 100 à 200 millions de dollars pour son projet ».


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