Du 4 au 6 septembre 2024 a lieu à Pékin le Forum sur la coopération Chine-Afrique. L’occasion de se pencher sur l’état des prêts chinois à l’Afrique (Chinese Loans to Africa-CLA), tel que suivi par le Global Development Policy Center de l’Université de Boston. Selon sa dernière note, les prêts accordés par la Chine aux pays africains ont atteint en 2023 leur plus haut niveau depuis 2019, pour s’établir à 4,61 milliards de dollars.
Par Patrick Ndungidi
Entre 2000 et 2023, les prêteurs chinois ont accordé 1 306 prêts d’une valeur de 182,28 milliards de dollars à 49 gouvernements africains et à sept emprunteurs régionaux. C’est ce qui ressort de la nouvelle note d’information du Global Development Policy Center de l’Université de Boston, établie à partir de sa base de données « Chinese Loans to Africa » (CLA). Le Global Development Policy Center désigne par « prêteurs chinois » aussi bien les institutions financières de développement (IFD) que les banques commerciales, les entités gouvernementales ou les entreprises chinoises. Côté africain, les bénéficiaires de ces prêts peuvent être des gouvernements, des entreprises publiques ou des institutions multilatérales régionales.
Au cours de cette période, indique la note, les prêts chinois à l’Afrique ont été principalement orientés vers quatre secteurs : l’énergie (62,72 milliards de dollars), les transports (52,65 milliards de dollars), les technologies de l’information et de la communication (15,67 milliards de dollars) et le secteur financier (11,98 milliards de dollars). Ces quatre secteurs ont reçu 78,47 % de l’ensemble des engagements de prêts.
En termes de bénéficiaires, l’Angola est en tête de liste avec des engagements cumulés de 46,05 milliards de dollars, suivi de l’Éthiopie, de l’Égypte, du Nigéria, du Kenya, de la Zambie, de l’Afrique du Sud, du Soudan, du Ghana et du Cameroun. Ces dix pays représentent 68,17 % de l’ensemble des fonds engagés par les bailleurs chinois entre 2000 et 2023.
Entre 2000 et 2023, les prêteurs chinois ont accordé 1 306 prêts d’une valeur de 182,28 milliards de dollars à 49 gouvernements africains et à sept emprunteurs régionaux.
2023 : Plus Grand Volume de Prêts Depuis 2019
En 2023, indique la note, les prêteurs chinois ont émis 13 nouveaux engagements d’une valeur de 4,61 milliards de dollars en faveur de huit pays et de deux institutions financières africaines. Il s’agit du plus grand volume de prêts depuis 2019, et c’est la première fois que le montant annuel de ces prêts augmente depuis 2016, même si ce montant reste inférieur aux premières années de l’initiative « Les nouvelles routes de la soie », projet stratégique chinois initié en 2013 et visant à relier économiquement la Chine à l’Europe. À l’époque, les engagements cumulés dépassaient les 10 milliards de dollars par an.
Les prêts chinois suivis et enregistrés par la base de données CLA sont principalement émis par les deux principales institutions financières de développement (IFD) chinoises : la Banque d’import-export de Chine (CHEXIM) et la Banque de développement de Chine (CDB). Vient ensuite l’Agence chinoise de coopération internationale au développement (CIDCA), ainsi que plusieurs prêteurs commerciaux, dont sept banques et plus de 30 entreprises chinoises.
La CHEXIM et la CDB, révèle la note, ont fourni ensemble 83,13 % de toutes les valeurs d’engagement de prêts à l’Afrique. Les prêts des prêteurs commerciaux, y compris les banques commerciales telles que la Banque industrielle et commerciale de Chine (ICBC) et la Banque de Chine (BoC), ainsi que les entreprises chinoises et les entreprises d’État, représentent 15,60 % des engagements. Le montant engagé par les prêteurs commerciaux a atteint un pic de 4,37 milliards de dollars en 2018, deux ans après le pic des prêts des IFD chinoises survenu en 2016. Contrairement aux prêts des IFD, les montants cumulés des prêts commerciaux sont restés relativement constants au fil des ans.
La CHEXIM et la CDB, révèle la note, ont fourni ensemble 83,13 % de toutes les valeurs d’engagement de prêts à l’Afrique.
Financement du Secteur Financier
Pour les auteurs de la note, le volume de financement acheminé vers le secteur financier africain en 2023 est unique par rapport aux années précédentes car plus de la moitié du montant total combiné des prêts pour 2023, soit 2,59 milliards de dollars, a été accordée à des banques multilatérales africaines, ainsi qu’à des banques nationales égyptiennes.
En effet, la CDB et CHEXIM ont accordé en 2023 deux prêts d’une valeur combinée de 700 millions de dollars pour la rétrocession aux petites et moyennes entreprises (PME) et deux prêts d’une valeur totale de 900 millions de dollars pour le financement du commerce à trois emprunteurs régionaux africains et à la Banque nationale d’Égypte, une banque de développement. La Banque centrale d’Égypte (CBE) a reçu un prêt supplémentaire de 988 millions de dollars pour le soutien des liquidités de la CDB.
Par ailleurs, entre 2000 et 2022, à peine 5,29 % des prêts chinois à l’Afrique étaient destinés au secteur financier du continent. « L’accent mis par les prêteurs chinois sur les institutions financières africaines représente très probablement une stratégie d’atténuation des risques qui évite de s’exposer aux problèmes d’endettement des pays africains », précise la note d’information CLA.
Le volume de financement acheminé vers le secteur financier africain en 2023 est unique par rapport aux années précédentes car plus de la moitié du montant total combiné des prêts pour 2023, soit 2,59 milliards de dollars, a été accordée à des banques multilatérales africaines, ainsi qu’à des banques nationales égyptiennes.
Retour des Prêts pour l’Énergie
Après une pause de deux ans dans les prêts à l’énergie entre 2021 et 2022, les prêteurs chinois ont engagé des prêts d’une valeur combinée de 501,98 millions de dollars pour trois projets d’énergie renouvelable en Afrique. Les types d’énergie soutenus (énergie solaire et hydroélectricité) et la taille relativement modeste de ces prêts sont conformes à l’orientation récente de la Chine vers l’approche « Small is beautiful », qui consiste à soutenir des projets ayant des effets bénéfiques sur l’environnement et la société. « Le soutien à ces projets est également une preuve supplémentaire de l’intention de la Chine d’honorer l’engagement pris par Xi Jinping en 2021 de cesser de financer de nouvelles centrales électriques au charbon à l’étranger et d’augmenter le financement des projets d’énergie renouvelable », indique la note.
Expérimenter de Nouvelles Stratégies d’Engagement
Pour les auteurs de la note, le désir de la Chine de maintenir des relations avec des emprunteurs de longue date l’expose à des risques considérables. Ainsi, explique-t-on, malgré l’aversion croissante des prêteurs chinois pour le risque, les institutions chinoises de financement du développement ont accordé, en 2023, des prêts à trois de leurs emprunteurs de longue date, tous en proie à des difficultés économiques : l’Angola, l’Égypte et le Nigéria. « Plutôt que de réorienter ses prêts vers les économies les plus fortes et les plus saines du continent, la Chine donne la priorité au réinvestissement dans les relations stratégiques existantes. »
Pour les analystes de l’Université de Boston, les niveaux renouvelés de prêts souverains en 2023 reflètent l’engagement continu de la Chine à s’engager avec l’Afrique. « Bien que les montants des engagements annuels ne reviennent pas au niveau de près de 30 milliards de dollars atteints en 2016, la première augmentation du montant cumulé des prêts depuis 2016 illustre la détermination de la Chine à expérimenter de nouvelles stratégies d’engagement face aux contraintes qui pèsent sur elle et sur l’Afrique », concluent-ils.
les institutions chinoises de financement du développement ont accordé, en 2023, des prêts à trois de leurs emprunteurs de longue date, tous en proie à des difficultés économiques : l’Angola, l’Égypte et le Nigéria.