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Immobilier En Afrique : Une Nécessaire Transition

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En pleine expansion, le secteur de l’immobilier africain a indéniablement de beaux jours devant lui. Les défis à relever ne manquent toutefois pas pour pleinement capitaliser sur le potentiel de la filière. Analyse.

Par Alix Martin


La population urbaine d’Afrique subsaharienne aura quasiment triplé d’ici 2050, passant de 500 millions à près de 1,3 milliard d’habitants, pour un taux d’urbanisation de près de 60%. Couplés à l’émergence d’une classe moyenne aux capacités économiques croissantes et l’accession de toute une partie de la population à des revenus plus stables, ces facteurs expliquent l’impressionnant boom immobilier observé ces dernières années sur le continent.


Un Marché En Pleine Croissance

Pas étonnant dans ces conditions que le secteur de la construction soit désormais un levier de développement essentiel pour les économies continentales. C’est ce que montre le rapport Africa Construction Trends Report, du cabinet Deloitte, qui a étudié 462 projets I&CP* d’une valeur totale de 521 milliards de dollars (près de 500 milliards d’euros) : sur ce nombre, 85 concernent l’immobilier, qui totalise la plus forte valeur, contribuant à hauteur de 44,7 % (232,7 milliards de dollars, soit environ 218 milliards d’euros) à la valeur totale des grands projets infrastructurels initiés en Afrique. Dans les cinq régions passées en revue (Afrique du Nord, Afrique de l’Ouest, Afrique de l’Est, Afrique centrale et Afrique australe), le secteur s’impose comme l’un des plus dynamiques, derrière les transports et l’énergie… mais devant la santé et l’éducation. Malgré les crises à répétition et les récents chocs externes (pandémie de Covid-19, guerre en Ukraine, etc.), les grandes villes du continent continuent donc de drainer des investissements intérieurs et internationaux conséquents dans l’immobilier, les investisseurs cherchant à diversifier leur portefeuille et se positionner sur des marchés à fort potentiel de croissance. Un intérêt confirmé dès 2016, lorsque le spécialiste britannique des marchés émergents, Actis, a levé 500 millions de dollars (470 millions d’euros) pour son troisième fonds immobilier africain, Actis Africa Real Estate Fund. Il s’agissait du montant le plus important jamais levé pour un fonds immobilier privé axé sur l’Afrique subsaharienne en dehors de l’Afrique du Sud.


L’Immobilier Commercial

Moteur de la croissance du secteur sur le continent et axe majeur de l’activité de développement, l’immobilier commercial attire à la fois les investisseurs locaux et internationaux, mais aussi de plus en plus de grandes multinationales (Carrefour, Auchan, Casino…) : selon le rapport Shopping Malls in Africaen un peu plus d’une décennie, le nombre de centres commerciaux en Afrique a quasiment triplé, passant de 225 en 2010 à 622 en 2021. Une tendance à la hausse qui ne semble pas près de s’infléchir. Dans le contexte de dynamisme économique qui caractérise de nombreux centres urbains, le développement des entreprises locales, mais aussi l’implantation d’entreprises étrangères et de salariés expatriés génèrent aussi une forte demande en bureaux modernes. Sans parler des infrastructures industrielles nécessaires aux sociétés : zones industrielles ou franches (parcs industriels), entrepôts ou hangars (stockage), ateliers ou usines (production).

« Il s’agit, en trois décennies, de construire des logements pour accueillir 800 millions de nouveaux citadins, soit plus que ce qu’a fait la Chine entre 1990 et 2020 »


L’Immobilier Touristique

Autre fer de lance du marché, l’immobilier touristique, le secteur de l’hôtellerie en Afrique francophone étant particulièrement attrayant pour un large éventail de particuliers fortunés et d’investisseurs privés ou institutionnels, en raison d’une offre faible, d’une forte demande et d’une devise stable (le franc CFA, arrimé à l’euro). Outre le renforcement, ces dernières années, de la présence de groupes hôteliers comme Accor ou Radisson, très présents dans la région francophone, d’autres enseignes internationales, notamment Marriott et Four Points by Sheraton s’implantent également sur ce marché très dynamique, avec un focus sur les capitales, les centres financiers et les destinations touristiques. Parmi les plus attractives, notamment pour le tourisme d’affaires : l’Égypte, l’Afrique du Sud, le Maroc, le Kenya, le Nigéria, le Ghana, le Rwanda, La Réunion, le Sénégal…

Reste que de nombreux défis subsistent, comme celui de « construire, en trois décennies, des logements pour accueillir 800 millions de nouveaux citadins, soit plus que ce qu’a fait la Chine entre 1990 et 2020 », avertit Christopher Hogg, professeur affilié à HEC Paris et directeur académique du GEMM Strategic Management Abidjan et Paris. Or, d’après l’ouvrage Housing Markets Dynamics in Africa, rédigé par des économistes de la Banque africaine de développement (BAD), « le logement formel ne représente que 10 % des logements construits dans les villes africaines ».


Penser Durable

Outre l’absence de l’État dans le secteur et le manque de régulation, la crise du logement que rencontrent de nombreux pays du continent s’explique entre autres par les coûts élevés de construction (la plupart des matériaux étant importés), qui se répercutent sur les loyers, excluant de facto les plus pauvres de l’accès à des logements de qualité.

Ede Jorge Ijjasz Vasquez, ancien directeur principal du pôle Développement social, urbain et rural, et résilience du Groupe Banque mondiale, estimait il y a quelques années que dans de nombreux pays africains, seuls 5 à 10 % de la population peuvent se permettre la forme la moins chère de logement formel. Et bien que de nombreux États aient initié de vastes programmes de construction de logements sociaux, certains experts estiment que ceux-ci restent toujours hors de portée des citadins pauvres. En outre, ils n’ont pas contribué à réduire le déficit de logements, qui se chiffre généralement à plusieurs millions dans les grandes villes africaines.

Autre enjeu de taille face à la croissance démographique et à l’urbanisation effrénée qui en découle : la nécessité, pour les opérateurs concernés, de prendre impérativement en compte les enjeux cruciaux de durabilité et de changement climatique, et repenser la manière dont les projets sont conçus et réalisés pour minimiser leur impact sur l’environnement. Traditionnellement gourmand en énergie et à l’origine d’importantes émissions de gaz à effet de serre, le secteur de la construction représente en effet près de 40 % des émissions mondiales de CO2. Or, selon l’International Energy Agency (IEA), les bâtiments durables peuvent réduire ces émissions de carbone de 84 gigatonnes d’ici 2050. L’émergence des smart cities – telles Diamniadio au Sénégal ou New Cairo en Égypte –, ces villes intelligentes qui intègrent des technologies avancées pour optimiser la gestion des ressources, réduire la consommation d ’énergie et améliorer la qualité de vie des habitants, offre à cet égard une opportunité unique de repenser la manière dont les villes sont construites et gérées. De fait, cette accélération vers une transition verte se confirme sur le continent selon le spécialiste de l’immobilier Knight Frank, qui y comptabilise actuellement 785 bâtiments « verts » (correspondant aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance), dont 641 en Afrique du Sud. Mieux, cette dynamique positive de projets immobiliers durables et intelligents pourrait constituer un précieux débouché en termes d’emplois : une étude de l’Organisation internationale du travail (OIT), estime que la construction verte pourrait créer 6 à 7,5 millions d’emplois supplémentaires dans le monde d’ici 2030.


Infrastructure and Capital Projects : désigne l’ensemble des activités liées à la planification, la conception, la gestion et la réalisation de projets de construction, chacun d’une valeur minimale de 50 millions de dollars, soit 47 millions d’euros.


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