Forbes Afrique : Face à la crise sanitaire en Afrique quelle est votre mission ?
Astria Fataki : Energy Generation, est une organisation panafricaine au Togo et au Ghana qui encourage les jeunes entrepreneurs Africains à relever les défis les plus pressants de leur génération dans les domaines de l’énergie, de l’agriculture et de la santé.
Alors que le monde est confronté à cette crise sanitaire majeure liée au virus Covid-19, il nous semble d’autant plus indispensable de remplir notre mission. De ce fait, lorsque la crise a commencé à prendre une certaine ampleur, l’une des premières questions que nous nous sommes posée a été “comment faire notre part dans la recherche de solutions ?”.
En tant qu’organisation axée sur le développement de solutions technologiques frugales, nous avons immédiatement exploré les solutions matérielles que nous pouvions développer et mettre en œuvre rapidement. Notre réflexion a été guidée par deux observations simples mais frappantes :
Si l’on considère les tendances actuelles dans les pays touchés dès les premières heures de la pandémie, il est raisonnable de penser qu’il sera possible de sortir de cette crise dans les prochains mois. Ainsi, s’il est important de répondre à l’urgence du moment, nous avons voulu réfléchir à des solutions génératrices de bénéfices même une fois la crise passée.
Nous avons donc choisi de concentrer nos efforts sur des solutions qui faciliteraient le travail du personnel de santé et amélioreraient autant que possible sa sécurité dans l’exercice de sa profession.
Forbes Afrique : Vous investissez dans l’impression 3D pour combattre le COVID-19 en Afrique . Pouvez-vous nous en dire plus ?
Astria Fataki : Nous travaillons actuellement à la production d’équipements nécessaires dans les hôpitaux grâce à l’impression 3D. A Lomé nous disposons déjà d’imprimantes 3D et d’une découpeuse laser performantes qui permettent de démarrer une production.
Notre projet prioritaire est la production de respirateurs à bas coût et “made in Africa”. Nous réfléchissons à des solutions énergétiques qui permettront leur utilisation dans les zones sans électricité. De plus, nous souhaitons produire des masques et des visières de protection pour le personnel soignant.
Forbes Afrique : Quelles sont vos actions en cette période de confinement ?
Astria Fataki : Afin d’exploiter l’intelligence collective, nous avons créé une plateforme collaborative en ligne : Covid-19 3D-Print. Inspirée par d’autres initiatives à travers le monde, cette plateforme vise à rassembler en un lieu, des connaissances autour de solutions d’impression 3D adaptées à un contexte africain, allant de la conception technique aux défis d’approvisionnement et de logistique.
Nous organiserons également un hackathon 100% digital, du 1er au 3 mai 2020, accessible via notre plate-forme dont l’objectif est d’inviter un maximum de personnes à réfléchir ensemble à la manière d’optimiser nos solutions et, surtout, de les rendre accessibles au plus grand nombre partout en Afrique.
Forbes Afrique : Quelles sont les mesures urgentes mises en place au sein d’Energy Generation?
Astria Fataki : Face à la crise, nous avons dû développer des réponses à court et à long terme.
Au sein d’Energy Generation, nous prenons très au sérieux la sécurité de nos étudiants, apprentis, entrepreneurs et membres de l’équipe. C’est pourquoi, comme réponse à court terme, nous avons mis en place depuis le début de cette pandémie des mesures pour minimiser sur les risques pour tout le monde.
Ces mesures comprennent notamment l’affichage d’instructions pour le respect des gestes barrières, la mise à disposition de gels hydroalcooliques ou de désinfectants pour les mains dans nos espaces de travail et de formation, la réorganisation de ceux-ci par l’utilisation de formations en ligne pour favoriser la distanciation sociale, le contrôle volontaire de la température, le port de masques, l’installation d’un dispositif de lavage des mains à pédale, et la possibilité de recourir au télétravail pour les employés qui le souhaitent.
Dans une perspective à long terme, les circonstances actuelles ont mis en évidence le besoin de compter au sein de nos sociétés de personnes ayant un esprit entrepreneurial, capables de proposer des solutions innovantes dans le secteur de la santé notamment. Nous savons qu’il y a de fortes chances que nous soyons de nouveau confrontés à des crises similaires à l’avenir, il est donc de notre responsabilité d’éduquer la jeunesse africaine afin qu’elle soit équipée pour faire face à ces défis futurs.
Nous travaillons à la création d’une école spécialisée dans l’accompagnement à l’entrepreneuriat sur le secteur de la santé depuis un certain temps déjà mais la situation actuelle nous a incité à ouvrir ce programme dès cette année. Ainsi, les candidatures pour intégrer la Healthcare & Business School, sont maintenant ouvertes et la première promotion débutera le programme en Octobre 2020.
Forbes Afrique : Quel est votre positionnement face aux conséquences économiques sur le continent ?
Astria Fataki : Aujourd’hui plus que jamais, nos activités de formation et de soutien à la jeunesse africaine en matière d’entrepreneuriat prennent tout leur sens car l’Afrique aura besoin de ses jeunes et de ses entrepreneurs pour être aussi résiliente que possible face à cette crise et à ses conséquences économiques.
En effet, si les conséquences de la crise sanitaire sont certainement redoutables, il en va de même pour les répercussions économiques des différentes mesures de confinement qui ont été adoptées récemment.
L’un des principaux enseignements à retenir du développement de la crise liée au Covid-19 dans certains pays occidentaux est que le manque de préparation et d’anticipation sont des facteurs aggravants majeurs.
C’est une erreur à ne pas répéter. Les économies africaines sont confrontées à des défis de taille que nous connaissons déjà, du fait notamment de la croissance économique non-inclusive au cours de la dernière décennie, mettant des millions de personnes à risque de tomber dans un niveau de pauvreté encore plus alarmant.
Certains pays ont déjà mis en place des mesures afin de limiter l‘étendue des dommages. La communauté internationale est également fortement mobilisée.
Cependant, toutes ces solutions n’auront un impact que très limité si les populations elles-mêmes s’impliquent de manière proactive dans les efforts nécessaires pour surmonter la crise. Cela doit passer principalement par l’éducation, sous toutes ses formes.
Une chose est sûre, cependant, cette crise, parce qu’elle paralyse nos économies de façon inédite, remet en cause le modèle de développement économique actuel. En Afrique comme dans d’autres parties du monde, il est désormais impératif de penser et de mettre en place des systèmes de développement économique et de création de richesses plus conscients. Conscients de la Nature, conscients de l’Homme, conscients de la responsabilité que nous avons envers les générations à venir.