Pour les hôteliers du continent, l’année 2022 a bien démarré : portés par un vif rebond de l’activité touristique en Afrique (+ 51 % d’arrivées internationales en janvier par rapport à l’année précédente, selon l’Organisation mondiale du tourisme), nombre de groupes cotés internationaux ont publié au cours des dernières semaines des résultats trimestriels en forte hausse sur leur périmètre d’activité africain. Une dynamique de reprise qui profite aussi au groupe Teyliom de l’homme d’affaires ivoiro-sénégalais Yerim Sow, présent dans l’hôtellerie depuis 2009. Directeur général de Mangalis Hotel Group, la filiale de Teyliom en charge du développement et de la gestion opérationnelle du parc hôtelier, Jorgen Jorgensen précise dans cet entretien les ambitions du groupe dans ce contexte de reprise post-Covid tout autant que la stratégie mise en œuvre pour faire la différence dans ce secteur hautement compétitif.
Par Jérémie Suchard I Paru dans l’édition 64
” La proposition de valeur distinctive de Mangalis repose sur 4 socles. Premièrement, nous sommes un groupe hôtelier d’origine africaine avec une équipe ambitieuse composée de 6 nationalités, dont le siège social est basé à Abidjan, plaque tournante de l’économie Ouest Africaine.”
Forbes Afrique : Historiquement présent dans plusieurs secteurs d’activité, votre maison mère, Teyliom, a fait le choix de se positionner dans l’hôtellerie via Mangalis Hotel Group. Pourriez-vous nous préciser la genèse de cette initiative ?
Jorgen Jorgensen : La stratégie du groupe Teyliom s’articule autour de 3 piliers : l’approche géographique (notre accent est mis sur les régions de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale), les investissements à long terme (acquérir une expertise à valeur ajoutée dans chaque activité) et les partenariats (à travers des collaborations stratégiques dans les secteurs clés). Ces 3 piliers sont basés sur une mission précise qui est celle de contribuer au développement de l’Afrique en fournissant des produits et services innovants adaptés aux besoins des différents segments de la clientèle. À ce titre, nous croyons fermement que l’Afrique mérite des hôtels répondant aux meilleurs standards internationaux, avec des projets portés par les Africains eux-mêmes. Manga lis vient sceller cet engagement d’une nouvelle expérience d’accueil aux voyageurs en Afrique.
Quelle est votre lecture du potentiel de l’hôtellerie en Afrique ?
Jorgen Jorgensen : D’ici 2050, le continent africain abritera un quart de la population mondiale (2,5 milliards d’habitants contre 1,4 milliard aujourd’hui, ndlr) avec une urbanisation grandissante et des investissements associés conséquents. À l’aune de cette dynamique, le secteur hôtelier tout comme nombre d’autres secteurs, devrait bénéficier d’un fort potentiel de croissance et d’opportunités. C’est tout le sens de notre démarche : avec l’ouverture (en 2009, ndlr) de notre premier hôtel à Dakar, géré sous la marque internationale Radisson Blu, et le lancement de plusieurs autres hôtels gérés par Mangalis Hotel Group sous les marques Noom (haut de gamme), Seen (milieu de gamme) et Yaas (entrée de gamme), notre groupe cherche à se positionner dès aujourd’hui comme un acteur majeur dans l’industrie hôtelière de la sous-région. Pour relever ce défi, nous continuerons à offrir une qualité de service aux normes internationales, à travers nos différentes gammes d’hôtels, qui s’ouvriront par ailleurs à d’autres marchés très prochainement.
Au niveau de votre modèle d’affaires, vous êtes passé d’une formule en partenariat avec un groupe hôtelier international — Radisson à Dakar —, au lancement d’Inaugure Hospitality Group pour développer votre propre réseau, dont la gestion est confiée à Mangalis. Pourquoi avez-vous changé d’approche ?
J.J : Pour mener à bien notre stratégie et notre vision, il nous fallait dans un premier temps apprendre, observer et ajuster notre ambition, ce que nous avons fait avec Radisson à Dakar. Nous avons par la suite créé en 2011 Mangalis Hotel Group, société d’exploitation hôtelière et son véhicule d’investissement associé, Inaugure Hospitality pour nous permettre de véritablement nous lancer en 2012 avec notre première enseigne haut de gamme, Noom. Depuis, nous avons déployé l’ensemble de notre portefeuille de marques (Noom, Seen et Yaas) et notre objectif est désormais de terminer le développement de nos propres projets principalement sous les marques Noom et Yaas au Sénégal, en Côte d’Ivoire, en Sierra Leone et en République du Congo- tout en poursuivant en parallèle le développement de contrats de gestion tiers. Dans l’ensemble, cette approche nous a plutôt réussi.
” L’ Afrique mérite des hôtels répondant aux meilleurs standards internationaux, avec des projets portés par les Africains eux-memes “.
L’hôtellerie est un secteur très compétitif. Comment cherchez-vous à faire la différence ?
J.J : La proposition de valeur distinctive de Mangalis repose sur 4 socles. Premièrement, nous sommes un groupe hôtelier d’origine africaine avec une équipe ambitieuse composée de 6 nationalités, dont le siège social est basé à Abidjan, plaque tournante de l’économie Ouest Africaine. Ensuite, il est bon de rappeler que nous disposons d’un portefeuille de marques réparties sur tous les segments, de l’hôtellerie économique (Yaas Hotels) à l’hôtellerie de luxe (Noom Hotels). Nous sommes par ailleurs une chaîne hôtelière centrée sur l’Afrique de l’Ouest & centrale, avec une présence (hôtels en exploitation et en construction) dans 8 pays. Enfin, nous proposons des solutions clé en main, « plug & play », de la conception à la construction, en passant par la gestion de la chaîne d’approvisionnement et des opérations.
En termes de chiffre d’affaires, quelle est la répartition de chacun des segments en % de vos revenus totaux ? Constatez-vous par ailleurs une dynamique de marché différente sur chacun d’entre eux ?
J.J : Pour l’année 2021, la gamme Luxe (Noom Hotels) a représenté 66 % de notre chiffre d’affaires total, suivie des segments milieu de gamme (22 % avec la marque Seen Hotels) et économique (12 % avec Yaas Hotels). Quant à la dynamique d’ensemble, nos 3 marques retrouvent peu à peu leur niveau d’activité d’avant la crise sanitaire, portées notamment par la progression de la clientèle locale. On note par ailleurs que les revenus par chambre disponible sont aujourd’hui meilleurs qu’avant la pandémie. Seule l’activité MICE (acronyme de Meetings, Incentive, Conventions, Exhibitions, ndlr), liée au tourisme d’affaires, est encore un peu en retard en raison des restrictions liées à la pandémie mais nous nous attendons à ce qu’après la saison estivale, nous retrouvions également les niveaux préCovid dans ce domaine.
Dans le sillage de la pandémie, y a-t-il eu des changements dans les attentes de votre clientèle ? Et si oui, de quelle manière vous y êtes-vous adapté ?
J.J : Nous avons effectivement observé certains changements dans les demandes de nos clients comme un usage accru des services en chambre pour éviter d’utiliser des espaces communs tels que le restaurant, plus de sollicitations pour nos connexions au haut débit. Nous avons par ailleurs constaté une attention renforcée sur l’hygiène et la qualité des services. De fait, de manière générale, toutes ces actions mises en place durant la crise sanitaire continuent de perdurer dans nos actions quotidiennes.
Le groupe Teyliom a désormais plus d’une décennie d’expérience dans l’hôtellerie. Quels sont aujourd’hui vos prochains objectifs ?
J.J : À moyen et long terme, ils pourraient être résumés ainsi : devenir la chaîne hôtelière de référence dans les pays d’Afrique de l’Ouest & centrale, consolider l’activité de nos hôtels en exploitation aux meilleurs standards internationaux tout en finalisant la construction de nos projets en cours. Nous poursuivrons également le déploiement de nos marques avec des investisseurs tiers. Enfin, notre engagement à l’excellence reposant sur la qualité de nos équipes, nous aspirons là aussi, à être une entreprise de référence pour nos collaborateurs, afin que tous se sentent fiers de travailler dans les hôtels Mangalis.