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La méga-raffinerie de Dangote, un “game changer” pour le Nigéria

Annoncée pour la première fois en 2013, la méga-raffinerie du milliardaire Aliko Dangote a finalement été inaugurée fin mai à Lagos, après de multiples reports. Un projet titanesque qui devrait durablement changer la donne énergétique du Nigéria. Et au-delà, celle du continent. Analyse.

Par Jérémie Suchard – Parue dans l’édition 74

« Pour la Banque africaine de développement, cette initiative peut changer la face du continent, en renforçant notamment son industrialisation, mais aussi en approfondissant son intégration régionale »

Premier producteur d’or noir du continent, le Nigéria est régulièrement touché par les pénuries d’essence, car il doit importer son pétrole raffiné. Cette situation ubuesque, due à la déliquescence de longue date des quatre raffineries publiques du pays, devrait enfin être résolue grâce au démarrage de la méga-raffinerie (privée) du groupe Dangote. Inaugurée en grande pompe le 22 mai par le président Muhammadu Buhari – qui a depuis cédé sa place à Bola Tinubu –, la nouvelle installation pétrochimique permettra de « reproduire ce que [le groupe Dangote] a déjà réalisé sur le marché du ciment et des engrais, en faisant passer le Nigéria d’importateur à exportateur net », a promis à la tribune Aliko Dangote, l’homme le plus riche du continent (sa fortune est estimée à 15,7 milliards de dollars par Bloomberg et à 9,9 milliards par Forbes, soit respectivement 14,3 et 9 milliards d’euros). Outre Muhammadu Buhari, était également présent le vice-président nigérian élu, Kashim Shettima, aux côtés des présidents Macky Sall (Sénégal) et Mohamed Bazoum (Niger), qui avaient fait le déplacement pour féliciter en personne le promoteur de ce projet hors norme.

Un site industriel de classe mondiale

De fait, pour la Banque africaine de Développement (BAD), qui a participé à son financement, cette initiative peut changer la face du continent, en renforçant notamment son industrialisation, mais aussi en approfondissant son intégration régionale. Venu visiter le chantier en janvier cette année, le président de la BAD, Akinwumi Adesina, s’était dit « époustouflé par l’ampleur de ce [qu’il voyait] », ajoutant que « ce complexe industriel de classe mondiale [ferait] la fierté du Nigéria et de l’Afrique ». Dans un éloge appuyé à l’adresse de son compatriote, originaire de Kano, le patron de l’institution financière panafricaine avait conclu : « Chaque pays africain doit avoir un Aliko Dangote pour aider le continent à s’industrialiser ». Chiffrée à 20 milliards de dollars – près de 18 milliards d’euros, soit un investissement deux fois supérieur à l’estimation de départ de 9 milliards de dollars/environ 8 milliards d’euros –, l’installation s’étend sur plus 2 600 hectares dans la zone franche de Lekki, au sud-est de Lagos. Une ville à elle seule, le site disposant d’une zone d’habitation adjacente permettant d’accueillir 50 000 employés et leurs familles, d’un parc de réservoirs de traitement des eaux de 440 millions de litres, de son port indépendant et de sa propre centrale électrique (capacité de 570 mégawatts). Mieux, le complexe pétrochimique de Dangote sera relié au plus grand gazoduc sous-marin du monde, d’une longueur de 1 100 kilomètres et d’une capacité de traitement de 3 milliards de pieds cubes standard de gaz par jour. De quoi permettre de produire à terme quelque 12 000 mégawatts d’électricité ; un ordre de grandeur supérieur à la production électrique présentement installée (10 400 mégawatts) dans le pays le plus peuplé d’Afrique (230 millions d’habitants).

Une capacité de traitement de 650 000 Barils par jour

Plus prosaïquement, avec un objectif de 650 000 barils par jour en pleine capacité, la raffinerie du groupe Dangote deviendra la première raffinerie d’Afrique, supplantant celle de Skikda, en Algérie (360 000 barils/ jour). Sans compter l’usine d’engrais – d’une capacité de 3 millions de tonnes par an – qui est intégrée au complexe et déjà en service depuis quelques mois. Signe de l’importance stratégique de cette infrastructure, la compagnie pétrolière nationale du Nigéria a pris une participation de 20 % dans le projet – moyennant un chèque de 2,76 milliards de dollars, soit 2,46 milliards d’euros – et fournira du pétrole brut à la raffinerie. De quoi permettre in fine au Nigéria, première puissance économique du continent, de booster sa production énergétique et de réduire fortement sa dépendance au carburant importé (essence, diesel, kérosène). Selon les estimations de la Banque centrale du Nigéria, le site de production devrait permettre au pays d’économiser « environ 3 milliards de dollars [2,67 milliards d’euros, NDLR] » par an sur ses importations de produits raffinés. Mais le principal gagnant devrait être sans conteste le patron du groupe Dangote lui-même, puisque les revenus annuels de son conglomérat, aujourd’hui de l’ordre de 4 milliards de dollars environ (3,57 milliards d’euros), pourraient atteindre à terme 30 milliards de dollars (26,77 milliards d’euros) lorsque la raffinerie et l’usine d’engrais fonctionneront à plein régime, estime la direction de la société.

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