Par José Cabral, Directeur général de Ria
Payer un café avec une carte ou vérifier chaque mois son compte bancaire pour savoir si nous avons bien reçu notre salaire fait partie du quotidien de nous tous (ou presque). Cependant, dans de nombreux endroits de la planète, beaucoup ne disposent pas de compte bancaire et leur relation à l’argent s’établit exclusivement à travers les traditionnels billets et pièces de monnaie.
Dans ces pays, l’envoi d’argent par des proches est vital pour le développement et la prospérité des familles. Et pour cause, plus de 280 millions de migrants dans les pays développés envoient chaque année une partie de leur salaire à leurs proches. Ces envois, appelés “transfert d’argent” ou “transfert de fonds” (remittances en anglais), ont représenté plus de 600 milliards de dollars de revenus pour les pays en développement en 2021, soit 75% du total. Un chiffre qui dépasse largement celui des aides accordées par les organisations internationales et les gouvernements. Les liens étroits et la proximité géographique de la France avec de nombreux pays d’Afrique, font de l’hexagone, un des premiers pays d’immigration d’Europe.
En 2018, la France a envoyé plus de 11,4 milliards d’euros de fonds à différents pays en développement, et particulièrement à destination du continent africain (l’Afrique du nord bénéficie jusqu’à 40% des envois de fonds envoyés depuis la France). Selon les données de la Banque de France et du FIDA (Fonds international de développement agricole) la France émet à hauteur de 36% du total des transferts de fonds reçus au Maroc ; 26% de ceux reçus par le Sénégal ; ou 40% du total réceptionné en Tunisie. Dans leur ensemble, les pays du Maghreb ont connu une augmentation de la réception d’argent en provenance d’Europe et de France, avec une croissance de 15,2% en 2020.
D’autre part, l’Europe est généralement l’une des principales régions de transfert de fonds vers les zones de guerre. Selon le Knomad, les transferts d’argent de l’UE vers l’Ukraine devraient atteindre au moins 12 milliards d’euros. La France compte, en effet, environ 40 000 ressortissants ukrainiens, un chiffre qui devrait atteindre les 100 000 avec la guerre selon les préfectures.
Les transferts de fonds, un service essentiel
Telle est la pertinence des transferts de fonds dans ces pays, qui représentent même, en moyenne, 10% de leur PIB. C’est ce poids dans l’économie des différents pays et des différentes familles qui, lors de la pandémie, a été déclaré service essentiel.
Malgré les prévisions des analystes, les transferts de fonds ont augmenté de près de 1 % en 2020, et ont rebondi de plus de 8 % dans les pays à revenu faible ou intermédiaire en 2021. Il est essentiel de comprendre que les migrants qui envoient cet argent, contribue à travers leur travail à répondre à une grande partie des besoins des populations présentent dans leur pays d’accueil, mais aussi pour que l’éducation et les soins médicaux de leurs proches soient couverts. Ces envois peuvent parfois se faire au détriment de leurs propres besoins afin de ne pas laisser leurs familles restées au pays sans soins médicaux, sans logement ou sans éducation.
Mais il n’y a pas que la pandémie qui a fait augmenter les envois de fonds. Ces deux dernières années ont été marquées par des crises migratoires majeures, notamment le déplacement de millions de personnes en raison de différents conflits armés, comme l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Cette guerre a forcé plus de six millions d’Ukrainiens à fuir leur pays.
Nous n’avons pas encore de données pour cette année, mais rien qu’en 2021, selon la Banque nationale d’Ukraine, les transferts de fonds vers l’Ukraine se sont élevés à plus de 19 milliards de dollars, soit une augmentation de 28 % par rapport à l’année précédente. Ce chiffre représente environ 12 % du PIB du pays et est presque trois fois supérieur aux investissements directs étrangers.
S’agissant d’un service aussi important pour les pays en développement ou en conflit, nous devons tenir compte d’un facteur clé qui les entoure : le coût de transfert. Au niveau mondial, le transfert de fonds représente une dépense de plus de 6 % du montant total envoyé ; et la Banque mondiale estime qu’en réduisant le prix des transferts de fonds d’au moins 5 points de pourcentage, on pourrait économiser jusqu’à 16 milliards de dollars par an.
Il est essentiel que, des organismes publics aux entités bancaires en passant par les plateformes qui offrent ces services, nous travaillions ensemble pour réduire ces coûts et la meilleure façon d’y parvenir est la technologie et l’innovation.
Les solutions mobiles, qui permettent d’envoyer de l’argent même dans les coins les plus reculés de la planète, sont l’un des moyens de réduire les coûts. Grâce à ces avancées, les gens peuvent accéder à des outils et des services qui leur permettent de se développer, de se protéger des crises économiques et de sortir, petit à petit, de la pauvreté. De même, la technologie permet à toutes ces opérations, qu’elles soient physiques, hybrides ou 100% mobiles, d’être beaucoup plus sûres et de diminuer le nombre de fraudes.
L’innovation est en soi un facteur clé du développement de notre société, mais dans certains cas, comme celui des transferts d’argent, elle prend tout son sens. Tant les plateformes qui facilitent les transferts d’argent que les institutions doivent travailler main dans la main pour faire en sorte que ces envois soient aussi sûrs, accessibles et rapides que possible. Après tout, envoyer de l’argent n’a pas d’autre but que d’aider des proches situés à des milliers de kilomètres à progresser et à avoir un meilleur avenir.