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L’orientation dispendieuse des banques centrales

Steve Forbes

L’extrême indigence intellectuelle dont font preuve la plupart des responsables de la politique économique actuelle s’est récemment vérifiée de manière frappante lorsque Mario Draghi, patron de la Banque centrale européenne (BCE), a annoncé du jour au lendemain une nouvelle série de prêts à taux réduit accordés aux banques en septembre prochain. Objectif : sortir l’Europe de l’enlisement économique.

Malgré des décennies de données prouvant l’incapacité des banques centrales à forcer l’allure de l’activité économique de la même manière qu’un thermostat régule la température d’une pièce, les responsables politiques et économiques s’entêtent à poursuivre ce fantasme. La prospérité ainsi sacrifiée est colossale. Si les banques centrales et leurs décideurs politiques avaient visé la stabilité des monnaies – et si le dollar américain était encore arrimé à l’or –, notre bien-être matériel serait sans doute deux fois supérieur. Les responsables des banques centrales et bien trop d’économistes ne peuvent entendre cette vérité fondamentale : la monnaie n’est pas richesse. En soi, imprimer des liasses de billets ne crée aucune richesse. Nous pouvons simplement utiliser ces morceaux de papier pour acheter un produit créé par un tiers. Le vendeur accepte ces coupures, car il peut les utiliser pour s’offrir ce qu’il désire, à savoir un produit ou un service créé par autrui.
L’argent n’est pas un titre valant propriété d’une chose spécifique, mais de toute chose en vente dans le circuit économique. Grâce à lui, nous échangeons notre travail ou nos marchandises contre d’autres choses dont nous aurions envie ou besoin. De fait, l’argent est un justificatif prouvant la valeur des marchandises et des services que nous produisons et souhaiterions vendre.
Voilà pourquoi la contrefaçon est contraire à la loi. Si vous imprimez un billet de 100 dollars et que vous l’utilisez pour acheter quelque chose, vous commettez un vol, car cette fausse coupure ne résulte pas de la production d’un bien. Lorsque les États ont recours à la planche à billets, ils créent de l’inflation, un prélèvement déguisé et injuste.
Tout cela explique pourquoi la plupart des politiques monétaires dont on vante aujourd’hui le bien-fondé sont infiniment plus néfastes que les flatulences des bovins, lesquelles cristallisent l’inquiétude d’un nombre croissant de politiciens alarmistes. Les banques centrales et les États ne créent aucune ressource. Ils se contentent de ponctionner celles produites par autrui pour les affecter à leur bon vouloir. Il est ridicule de croire que ce nouveau (et vain) plan de relance bancaire mis en place par la BCE assurera à l’Europe une croissance durable.
Examinons les faits. Le formidable essor qu’a connu l’Europe au sortir de la Seconde Guerre mondiale a été suscité par la stabilité monétaire et les politiques fiscales mesurées, notamment en Allemagne et au Japon. La GrandeBretagne accusait a contrario un retard, entravée par l’anémie chronique de la livre sterling et par une fiscalité écrasante.
Pendant les années 1970, la Réserve fédérale a tenté de stimuler l’économie américaine en appliquant des politiques de « desserrement monétaire ». Les conséquences ? Trente années de marasme et d’inflation galopante.
Au début des années 2000, éperonnée par le ministère des Finances, la Banque centrale des États-Unis a affaibli à nouveau le dollar, ce qui a mené à la crise de 2008-2009. Après la panique immédiate qui a marqué l’automne 2008, la Réserve fédérale s’est lancée dans l’assouplissement quantitatif et a quintuplé son portefeuille en le garnissant d’obligations du Trésor et de créances hypothécaires. Résultat : à cette brutale récession a succédé la reprise économique la plus poussive de l’histoire américaine.
Voilà le hic. Avec l’assouplissement quantitatif, la Fed s’est emparée de près de 4 000 milliards de dollars en titres privés. Cette « saisie », conjuguée aux réglementations qui ont accru pour les banques le coût du crédit aux petites et aux nouvelles entreprises, a dévoyé les marchés du crédit et asphyxié la machine économique. Drôle de relance !
Tâchons de briser quelques mythes.
• Il n’existe rien de tel qu’une économie en « surchauffe ». Il ne revient pas à la Fed de réfréner l’économie lorsque celle-ci connaît un dynamisme remarquable. La prospérité ne doit poser question que lorsqu’elle résulte d’une dépréciation artificielle du dollar, comme ce fut souvent le cas dans les années 1970, puis dans les années qui menèrent au déraillement économique de 2008-2009. Autrement, pas touche aux marchés. Ceux-ci remédieront rapidement à toute superfluité.
• Le contrôle des prix pour réguler le coût de l’emprunt est une stratégie inopérante. Les libéraux semblent eux aussi céder à l’illusion selon laquelle les banques centrales doivent s’efforcer de fixer les taux d’intérêt. La plupart des économistes le savent ; le contrôle des loyers fausse le marché. L’intérêt correspond au « loyer » versé pour emprunter de l’argent. Laissons les marchés se réguler, et renonçons à l’intervention des banques centrales.
• La politique monétaire ne saurait contrer les obstacles structurels extramonétaires au progrès économique. Les principaux écueils étant la forte pression fiscale et l’excès de réglementation.

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