Mamadou Sangafowa Coulibaly a été nommé en avril 2022 ministre des Mines, du Pétrole et de l’Énergie. Depuis lors, les découvertes de gisements d’hydrocarbures et de mines se succèdent dans le pays. Surnommé le « Monsieur Ressources Extractives » du président Ouattara, ce haut cadre du parti au pouvoir, pilier du régime actuel, nous expose sa vision pour une exploitation responsable de la manne gazière et pétrolière en Côte d’Ivoire.
Propos recueillis par Kouza Kiénou
Forbes Afrique : Comment expliquez-vous le déficit de production combiné à un déséquilibre financier qui ébranle le secteur de l’énergie en Côte d’Ivoire ?
Mamadou Sangafowa Coulibaly : Vous voulez parler du secteur de l’énergie électrique. Nous avons perdu successivement trois groupes de production, d’une puissance cumulée de plus de 600 mégawatts, soit 21 % de notre capacité installée. Tous les réseaux électriques du monde connaissent des incidents sur des groupes de production, mais perdre 20 % de ses capacités en l’espace de quelques semaines, cela n’est pas courant. On peut même se demander pourquoi l’impact de ces pannes n’a pas été aussi perceptible. En fait, ces pannes nous ont amenés à opérer des choix et des priorités sur la base de l’énergie disponible. Nous avons préservé les ménages et les industries sensibles et des dispositions ont été prises pour un retour rapide à la normale. D’ailleurs, un des groupes tombés en panne a déjà fait son retour dans le réseau. Un second arrive ce mois de juillet [l’entretien a eu lieu le 16 juin, NDLR], et le dernier est attendu pour septembre prochain. Il faut dire que les délais initiaux de retour de ces groupes étaient plus importants. La mobilisation de tous, y compris leur constructeur, a permis d’optimiser les délais. Aujourd’hui, je puis affirmer que le déficit de production est en train d’être résorbé. La leçon à en tirer est que notre système de transport et de distribution de l’électricité, malgré les aléas, a fait preuve de résilience.
« Notre système de transport et de distribution de l’électricité, malgré les aléas, est résilient »
Quelle est l’incidence de ces pannes sur l’équilibre financier du secteur ?
M. S. C. : Le coût du kilowattheure (kWh) dépend de la source d’énergie utilisée : solaire, gaz, thermique, etc. Toute chose étant égale par ailleurs, le gaz revient moins cher dans la production d’électricité. Cela explique pourquoi l’essentiel de notre production est thermique. L’indisponibilité des groupes de gaz nous oblige à recourir à des moyens de production plus onéreux. C’est ce qui s’est passé quand les groupes sont tombés en panne. Nous avons utilisé le fuel (HBO, FHO) avec un coût de production qui peut être quatre fois supérieur. Cela dégrade le compte d’exploitation du secteur. Alors que structurellement, le secteur reste déficitaire de 2 francs CFA par kilowattheure, malgré deux ajustements tarifaires successifs. Nous avons projeté un déficit d’exploitation de l’ordre 100 milliards de francs CFA [152 millions d’euros, NDLR] d’ici à la fin de l’année.
Quels sont vos objectifs en termes de mix énergétique ?
M. S. C. : L’objectif est d’atteindre la barre de 45 % d’énergie renouvelable dans le mix énergétique d’ici 2030, contre 30 % actuellement. Pour y arriver, nous avons plusieurs projets dans le pipe-line. Des projets de centrales solaires, de centrales hydroélectriques et de centrales à biomasse.
Dans le cadre de la loi sur le contenu, comment allez-vous faire émerger des PME capables de répondre aux standards des groupes miniers ?
M. S. C. : L’industrie extractive a la particularité que là où l’on découvre les ressources, le savoir-faire et l’expertise et surtout les capitaux nécessaires n’y sont pas. S’agissant des mines, nous finalisons la loi sur le contenu local dans laquelle nous répertorions une série de biens et de services productibles en Côte d’Ivoire aux standards des groupes miniers et qui seront réservés aux PME nationales. Pour les biens et services pour lesquels nous n’avons ni l’expertise ni les capitaux, les compagnies minières devront soumettre à l’administration des mines un plan de transfert progressif des compétences aux PME nationales.
Deux ans après l’audit de Petroci, où en êtes-vous avec la mise en œuvre des recommandations émises alors ?
M. S. C. : Les entreprises publiques font l’objet d’audits réguliers. Les conclusions de l’audit auquel vous faites allusion ont été mises en œuvre. Si vous vous référez au dernier bilan de Petroci, elle a dégagé des profits et continue de renforcer sa gouvernance, ce qui rassure les multinationales avec lesquelles elle est en partenariat.
Quelles sont vos priorités concernant l’exploitation de la manne pétrolière ?
M. S. C. : Les récentes découvertes gazières et pétrolières sont le fruit d’une volonté politique, portée par le chef de l’État, qui a permis d’intensifier l’exploration/l’exploitation pétrolière ces dernières années. Résultat : plus de 1 200 milliards de francs CFA [1,8 million d’euros, NDLR] investis dans l’exploration pétrolière. Et 4 500 milliards [6,87 milliards d’euros] sont projetés dans l’exploitation. Seule la confiance permet aux entreprises privées d’investir autant de ressources financières. Notre priorité est d’abord de rappeler que nous avons fait la preuve du potentiel de notre bassin sédimentaire ; et ensuite de nous assurer que son exploitation va profiter à l’économie nationale, à la population, sans oublier les générations futures. Ainsi, nous avons initié une plateforme sous-régionale dédiée à ce domaine. Il s’agit du Salon international des ressources extractives et énergétiques (SIREXE), prévu du 27 novembre au 2 décembre 2024, au parc des expositions d’Abidjan. C’est un événement majeur qui a pour ambition de promouvoir le potentiel sous-régional de ce secteur stratégique pour le développement économique de nos États. J’invite donc tous les investisseurs et les professionnels de ce secteur à ce grand rendez-vous.
« Plus de 1 200 milliards de francs CFA [1,8 million d’euros, NDLR] investis dans l’exploration pétrolière. Et 4 500 milliards [6,87 milliards d’euros] sont projetés dans l’exploitation. Seule la confiance permet aux entreprises privées d’investir autant de ressources financières »