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Markus Villig, PDG de Bolt : « En six ans, nous avons investi plus de 450 millions d’euros dans nos activités africaines et enregistrons un taux de croissance annuel composé de 150 % »

Avec des revenus projetés estimés à 8 milliards de dollars pour 2026, les marchés cumulés du covoiturage et des taxis en Afrique attisent la convoitise de nombreux opérateurs, à l’instar du géant estonien Bolt. PDG et fondateur de cette licorne qui pèse 7,4 milliards d’euros, Markus Villig détaille ses ambitions continentales à Forbes Afrique. Rencontre à Tallinn.

Par Szymon Jagiello

Forbes Afrique : Depuis le lancement de Bolt, vous avez établi votre présence dans de nombreux pays ainsi qu’en Afrique, où vous avez ouvert un nouveau hub au Kenya en juillet dernier. Quelle est votre stratégie pour le marché africain ?

Markus Villig : Depuis sa création en 2014, Bolt a connu une progression fulgurante. Aujourd’hui, nous sommes présents dans 45 États, employons 4 000 personnes, et comptons des millions d’utilisateurs à travers le monde. Nous nous sommes implantés dès 2016 sur le continent en commençant par l’Afrique du Sud, et opérons actuellement dans six autres pays : Nigéria, Ghana, Tanzanie, Kenya, Ouganda et Tunisie. En six ans, nous avons investi plus de 450 millions d’euros dans nos activités africaines, et enregistrons un taux de croissance annuel composé de 150 %. Notre stratégie pour l’année prochaine est de nous développer en offrant les meilleurs services dans les pays cités, qui sont des économies majeures représentant un marché porteur de plus de 400 millions de personnes, soit l’équivalent de la population de l’Union européenne.

Quels sont les principaux défis que vous avez rencontrés au cours de votre développement sur le continent ?

M. V. : L’une de nos priorités a été de nous focaliser très vite sur la sécurité. En Europe, lorsque vous prenez un taxi, la qualité de base est assurée. En Afrique, le transport n’est pas toujours sûr, notamment quand vous empruntez des taxis locaux qui ne sont pas connectés et peuvent vous causer différents types d’ennuis, contrairement à l’outil numérique.  Une plateforme digitale offre plusieurs avantages. D’abord, les chauffeurs sont préalablement contrôlés : grâce à l’application, vous savez qui est votre conducteur, vous avez accès à ses détails, au trajet effectué. En cas de besoin, vous pouvez contacter les autorités locales ou envoyer votre itinéraire à un proche si vous en ressentez la nécessité. Le digital représente une vraie valeur ajoutée pour l’utilisateur en cela qu’il garantit transparence et sécurité numérique tout au long du processus. 

Quels sont les produits et les solutions que vous avez développés afin de renforcer la croissance de votre entreprise sur le continent ?

M. V. : Nous avons mis en place des prix accessibles et adaptés au marché local, constitué de clients qui disposent de moins de moyens qu’en Europe et auxquels nous nous efforçons de proposer constamment des tarifs compétitifs. Nous attachons aussi une grande importance à nos partenaires locaux : dans beaucoup de pays africains, le chômage touche généralement plus de 20 % de la population et grâce à notre plateforme, nous collaborons avec plus de 700 000 personnes sur le continent.

Quels avantages offrez-vous par rapport à des concurrents comme Uber ?

M. V. : Bien qu’arrivés après Uber, nous sommes aujourd’hui leader sur le marché de la mobilité et jouissons d’une énorme popularité en Afrique, où nous comptons plus de 40 millions d’utilisateurs. Entre autres parce que nous misons sur une stratégie de localisation en adaptant nos produits et services à la culture des clients sur les marchés internationaux où nous opérons. Nous avons constaté que les compagnies américaines appliquaient la même stratégie et la même logique quel que soit leur marché, notamment au niveau des alternatives de paiement, peu variées en dehors de la carte bancaire. Aussi, dès notre implantation, nous avons accepté les règlements en espèces, bien conscients du fait que nos usagers africains, encore peu bancarisés, ne disposaient pas tous de moyens de paiement électroniques, comme ce fut le cas en Estonie par le passé.

Comment votre entreprise cherche-t-elle à créer un impact dans les secteurs de la mobilité et des transports ?

M. V. : En Europe, nous avons l’un des taux de propriété de voitures les plus élevés au monde et les transports publics sont également parmi les meilleurs, ce qui n’est pas encore le cas en Afrique, malgré des progrès certains. J’espère néanmoins que le continent priorisera le développement des transports en commun et véhicules électriques légers de type vélo ou scooter – moins chers et moins polluants, plutôt que celui des voitures individuelles dont la prolifération nuit gravement à la mobilité urbaine et à l’environnement. Et j’espère que dans ce contexte, Bolt pourra jouer un rôle de premier plan en s’assurant que les villes africaines ne répètent pas les mêmes erreurs que leurs homologues européennes, où la dépendance à la voiture a généré d’importants désordres dans le secteur de la mobilité.

Pensez-vous introduire les véhicules électriques sur le marché africain ? 

M. V. : Je pense que de nombreux pays ont commis l’erreur de trop se focaliser sur les voitures électriques : ce n’est pas en changeant de type de moteur que l’on résoudra les problèmes liés au trafic. Pour faire réellement la différence, il faut miser sur les véhicules électriques légers. 

Crédit-photo : Bolt

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