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Masai Ujiri : «Mon rêve est de faire en sorte que Giants of Africa soit une rampe de lancement pour les jeunes talents du continent»

Masai Ujiri ©Jeff Rocchi

Architecte du succès des Toronto Raptors en NBA, la première équipe canadienne à avoir remporté le championnat nord-américain en 2019, Masai Ujiri n’en oublie pas moins son continent d’origine. Avec sa fondation Giants of Africa, le manager général de la franchise de l’Ontario est aujourd’hui déterminé à favoriser l’émergence des talents sportifs africains. Et au-delà, à construire un avenir meilleur pour la jeunesse du continent. Rencontre avec un homme qui veut faire bouger les lignes.

Propos recueillis par Erwan Faust

Forbes Afrique : Masai Ujiri, outre vos fonctions de dirigeant sportif au sein de la NBA, vous êtes également connu comme le fondateur de Giants of Africa, une association qui se sert du basketball pour agir en faveur du bien-être social et de l’éducation en Afrique. Comment vous est venue l’idée de lancer ce projet ?

Masai Ujiri : Étant un des directeurs de l’initiative « Basketball Without Borders » (un camp d’entraînement au basket organisé par la NBA en collaboration avec la Fédération internationale de basket-ball (FIBA), ndlr), je me suis dit qu’il serait bon de s’inspirer de cette action pour en faire de même dans mon pays natal (le Nigeria), en portant une initiative avec mon partenaire Godwin Owinje (un ancien joueur de basketball, également d’origine nigériane, ndlr). C’est ainsi qu’on a commencé à mettre en place des camps d’entraînement, intégrant des jeunes de tout le pays, au rythme d’une cinquantaine de jeunes par camp organisé, et cela pendant près de 10 ans.  C’est plus tard que nos activités se sont étendues au reste du continent. Aujourd’hui, nous sommes présents dans 17 pays du continent .

Forbes Afrique : Quid du financement de vos opérations ? Une présence à l’échelle continentale nécessite forcément des ressources….

Masai Ujiri : Je finance Giants of Africa au côté d’un certain nombre de partenaires qui m’accompagnent, qu’ils s’agissent d’institutions ou de sociétés – telles que Nike, qui fournit notamment des équipements sportifs – Jess and Scott Lake Foundation (Canada), 2K Foundations, IAMGOLD- ou d’individus, qui contribuent à leur manière au fonctionnement de Giants of Africa, ne serait-ce que parce que nos actions sur le terrain requièrent du temps et de la planification pour porter leurs fruits. Mais au-delà de la question du financement, il est important de rappeler que notre activité n’est pas que récréative. Le sport est un business et en tant que dirigeant des Toronto Raptors, je mesure parfaitement l’importance de l’aspect économique associé au monde du sport aujourd’hui. Il y a de fait toute une palette d’activités annexes (construction d’infrastructures, marketing, branding…) qui soutiennent cet écosystème et créent de la richesse. Lorsque nous construisons des terrains de basket-ball, nous soutenons l’activité économique en boostant par exemple l’emploi dans les métiers de la construction… C’est du reste ce que fait la Basketball Africa League (BAL), dirigé Amadou Gallo Fall, en aidant à mettre en place l’écosystème business autour du basket en Afrique. Enfin, le sport unit, il est un vecteur de valeurs communes, de paix, de passion, de bonheur… Autant d’aspects positifs qui sont encore trop souvent sous-estimés sur le continent et qui gagneraient à être plus activement promus.

Forbes Afrique : Sur quels effectifs pouvez-vous compter pour mener à bien vos différentes actions ?

Masai Ujiri : Nous avons douze personnes qui travaillent directement, et de manière permanente, pour Giants of Africa. Ce chiffre n’inclut toutefois pas notre réseau de contacts et partenaires locaux, répartis sur tout le continent. Ce sont eux notamment qui nous aident à repérer les jeunes talents, nouer des liens avec les organisations partenaires (fédérations de basket, institutions étatiques, écoles, associations…), organiser les camps et mettre en place certains programmes clés tels que notre initiative Built Within, où on s’est engagé à financer la construction de 100 terrains de basket sur le continent. Au final, il s’agit d’optimiser nos efforts communs pour aider au mieux la jeunesse africaine.

Forbes Afrique : De manière concrète, quel type d’accompagnement apportez-vous sur le continent ?

Masai Ujiri : Nous amenons des coachs des Etats-Unis et du Canada, nombre d’entre eux étant de fait des spécialistes Africains évoluant dans notre sphère sportive nord-américaine et qui viennent apporter leur soutien aux coachs locaux, sur le continent. L’idée est d’apprendre aux jeunes que nous encadrons les fondements du jeu (les passes, les techniques de dribble et de tirs…). Il s’agit donc à la fois de coacher les jeunes et les coachs. Nous avons entre 50 et 100 jeunes- aussi bien garçons que filles- qui sont sélectionnés pour aller à un endroit spécifique, où ils seront logés et nourris durant la durée du camp, qui dure en général 3 jours. Dans le prolongement de cette volonté de réunir nos différents talents, nous organiserons par ailleurs prochainement au Rwanda le Giants of Africa Festival- du 13 au 19 août 2023- qui sera une semaine de célébration du basket, de l’éducation, de la culture et du divertissement réunissant des jeunes de toute l’Afrique à Kigali. Plus largement, ce type d’événement est aussi une excellente occasion pour les jeunes d’apprendre à interagir avec les autres et à développer des compétences sociales qui leur serviront pour le reste de leur vie. C’est aussi cela Giants of Africa.

Masai Ujri à un camp des Giants of Africa, entouré d’enfants.

Forbes Afrique : Combien de camps organisez-vous chaque année ?

Masai Ujiri : C’est variable mais c’est habituellement 8 ou plus. De manière générale, l’objectif est d’en faire un nombre suffisamment important pour exercer un impact positif sur la jeunesse africaine. Le choix des camps par pays, qui reflète en partie le poids de certaines grandes nations africaines du basket (Nigeria, Congo, Sénégal, Cameroun…), est aussi souvent dicté par notre réseau de connaissances, nos origines, les soutiens d’actuels joueurs ou d’anciens joueurs issus du continent qui peuvent nous aider à faire la différence sur place, en nouant les liens qui nous permettront d’organiser les camps.

Forbes Afrique : Un dernier mot sur l’avenir de Giants of Africa. Quelle ambition nourrissez-vous pour votre organisation au cours de la prochaine décennie ?

Masai Ujiri : J’ose espérer que bien des jeunes continueront à sortir de nos programmes dans cet intervalle de temps. Mon rêve est de faire en sorte que Giants of Africa soit une rampe de lancement pour ces jeunes, un véhicule pour nourrir de plus grandes ambitions et faire en sorte que cela leur donne la confiance nécessaire pour aller de l’avant de la Vie. Sur le plan des infrastructures, j’espère que nous continuerons à construire toujours plus de terrains sur le continent, ce qui encouragera le développement du sport et apportera in fine, de la joie et du bonheur à l’échelle des communautés locales.  Nous devons continuer à rêver grand. C’est ce que nous croyons à Giants of Africa. Peu importe d’où vous venez, vous pouvez réaliser vos ambitions. J’en suis la preuve vivante : j’ai grandi sur le continent dans une ville appelée Zaria, au nord du Nigeria, jusqu’à l’âge de 18 ans. Beaucoup des jeunes que nous formons sont brillants, talentueux et meilleurs que je ne l’étais. Ils n’ont donc aucune raison de ne pas viser les cimes.

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