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Mawa McQueen, Ou Comment “Cultiver Un État d’Esprit Propice Au Succès”

C’est l’histoire d’une ascension fulgurante. Une femme à “l’ambition sans limite” qui est devenue millionnaire après avoir lancé un commerce de crêpes. Aujourd’hui à la tête de quatre restaurants aux États-Unis, la cheffe d’origine ivoirienne Mawa McQueen publie son deuxième livre, intitulé Instoppable (traduit en français sous le titre Une ambition sans limite), déjà classé numéro un des ventes sur Amazon. Pour Forbes Afrique, elle revient sur son parcours, marqué par le courage et la persévérance dans la réalisation de ses rêves.

Propos recueillis par Olivia Yéré Daubrey


Vous êtes née en Côte d’Ivoire. Votre famille s’est installée en France, à Trappes, une banlieue de la région parisienne, alors que vous aviez 12 ans. Aînée de 10 enfants, vous prenez en charge au quotidien les repas familiaux. C’est ainsi que vous vous découvrez un talent pour la cuisine… Comment votre enfance a-t-elle façonné la cheffe et l’entrepreneure que vous êtes devenue aujourd’hui ?

M. M. : Préparer les repas pour ma famille était un devoir naturel, mes parents étant souvent au travail. Cette responsabilité m’a appris à être rigoureuse et disciplinée, et m’a préparée à devenir la « boss woman » que je suis aujourd’hui. Diriger ma petite fratrie était semblable à gérer une petite communauté. J’assumais le rôle de cheffe, orchestrant les tâches de chacun, pour que tout fonctionne harmonieusement. Donner des ordres ne m’a jamais intimidée, ce qui est un avantage considérable dans le monde entrepreneurial.

Par la suite, vous avez intégré une école culinaire à Paris avant de déménager à Londres pour apprendre l’anglais, tout en travaillant comme jeune fille au pair. À cette époque, envisagiez-vous de vous installer définitivement aux États-Unis pour y développer une carrière d’entrepreneure prospère ?

M. M. : Je ressentais une forte attraction pour ce pays et j’étais persuadée qu’une opportunité m’y attendait, bien que je n’en comprenne pas encore la nature… L’idée de m’y installer était motivée par un sentiment d’aventure, plus que par un plan de carrière précis. C’est seulement après mon arrivée que j’ai choisi de me lancer dans la restauration.

« J’ai toujours cru en la création de ma propre chance »

Mawa McQueen Crepe Shack Aspen ©Kelsey Brunner

Comment s’est déroulée votre arrivée et installation aux États-Unis ? 

M. M. : Remplie d’émotion, j’ai été submergée par les larmes. L’obtention de ma green card (« carte verte ») a été un véritable coup de chance, mais j’ai dû patienter quelques mois avant de la recevoir, période durant laquelle, j’étais sous visa temporaire. Le sentiment de réaliser enfin un rêve de longue date était indescriptible ! J’ai toujours cru en la création de ma propre chance, ce qui m’a poussée à jouer à la loterie sur conseil de mon petit ami, un homme que je considère comme un don du ciel.


Votre première expérience professionnelle dans les États du Maine et du Colorado au sein de châteaux relais cinq étoiles vous a menée à une rencontre déterminante avec le président George H.W. Bush. Pouvez-vous nous la raconter et comment cela vous a impacté ?

M. M. : Cette rencontre a été un tournant. Servir la table du président Bush, malgré mon manque d’expérience en protocole officiel, a été une épreuve transformante. Sa simplicité et son encouragement m’ont donné confiance en moi. La famille Bush a même complimenté mon service, affirmant que j’étais une « keeper », ce qui a renforcé ma conviction que je pouvais réussir aux États-Unis.


Quels ont été les principaux facteurs de votre succès après le lancement de votre entreprise de cheffe privée et de restauration en 2006, qui a évolué pour devenir Mawa’s Kitchen ?

M. M. : J’ai connu du succès à peu près 12 ans après que j’ai ouvert ma boîte. Ma détermination à réussir a été cruciale et j’ai toujours refusé de laisser l’échec être une option. Bien que mon parcours n’ait pas été facile, j’ai persévéré. L’obstacle principal a été de m’établir à Aspen en tant que femme noire cheffe. La communauté locale était réticente à m’accueillir professionnellement, et j’ai dû travailler à l’extérieur du centre-ville d’Aspen pendant les premières années, mais je n’ai jamais renoncé. Mon entreprise a commencé modestement. Plus tard, j’ai diversifié mes services en offrant des prestations de cheffe privée et en travaillant comme traiteur pour l’aéroport. J’ai fait aussi beaucoup de petites prestations événementielles, ce qui m’a permis de bâtir progressivement ma réputation.

Mawa McQueen-Mawas Kitchen interior ©Alexis Ahrling

« L’obstacle principal a été de m’établir à Aspen en tant que femme noire cheffe »


Au fil des ans, quels obstacles majeurs avez-vous rencontrés, et comment avez-vous surmonté les moments de découragement ?

M. M. : Les défis étaient nombreux, notamment l’installation à Aspen. En tant que femme noire, les obstacles ne manquaient pas ; obtenir un local pour mon restaurant s’est avéré particulièrement difficile. Il a fallu cinq ans avant que mon établissement ne commence à attirer une clientèle régulière. Pendant ce temps, j’ai dû trouver d’autres sources de revenus pour subvenir à mes besoins. J’ai travaillé sans relâche, acceptant des emplois variés, y compris femme de ménage dans l’immeuble dans lequel se trouvait mon restaurant, nanny, baby-sitter, etc. Cette période a testé ma résilience, mais mon engagement envers mon rêve ne m’a jamais fait défaut.

Mawa McQueen-Mawita restaurant exterior ©Kelsey Brunner

« Ma cuisine est un mélange unique de saveurs africaines et méditerranéennes »


Aujourd’hui, vous faites partie des chefs les plus renommés aux États-Unis. Comment décririez-vous votre cuisine en deux mots et qu’est-ce qui la distingue dans l’univers gastronomique ?

M. M. : « Afro-méditerranéenne » serait la description la plus adaptée. Ma cuisine est un mélange unique de saveurs africaines et méditerranéennes, reflétant mon héritage et mes expériences. Ce que je propose dans mon restaurant est le fruit d’un riche métissage culturel, offrant des plats comme le couscous, le tajine, et le mafé, tous imprégnés des influences des diverses communautés de Trappes, où j’ai grandi. Ce mélange fait de ma cuisine non seulement un hommage à mes racines, mais également une invitation à découvrir des saveurs nouvelles et audacieuses.

Mawa McQueen-Mawita Interior ©Kelsey Brunner


Comment l’inspiration pour vos plats vous vient-elle ?

M. M. : Des saisons et de mes expériences culinaires lors de mes nombreux voyages. J’aime manger à l’extérieur pour découvrir de nouvelles idées et techniques. Les plats que préparaient les mères de famille à Trappes me reviennent souvent à l’esprit, et je m’efforce de recréer ces souvenirs avec une touche moderne. Les ingrédients comme les dattes, les pistaches, et les grenades, trouvés sur les marchés de Trappes, jouent un rôle essentiel dans la conception de mes plats.

« Mon identité se reflète dans chaque assiette, chaque saveur que je propose »


Bien que vous viviez principalement aux États-Unis, quels liens maintenez-vous avec votre pays d’origine, la Côte d’Ivoire, et comment votre identité africaine influence-t-elle votre travail ?

M. M. : Mes racines africaines sont au cœur de ma cuisine. Je voyage régulièrement et chaque menu que je conçois inclut des plats d’origine africaine, permettant ainsi à mes clients à Aspen de découvrir cette richesse culturelle culinaire. Mon identité se reflète dans chaque assiette, chaque saveur que je propose, offrant ainsi une expérience authentique et éducative à ma clientèle.


La cuisine africaine gagne actuellement en popularité dans la haute gastronomie mondiale. Quel est votre avis sur cette tendance, particulièrement aux États-Unis ?

M. M. : Absolument, elle commence à prendre sa place sur la scène gastronomique mondiale. Aux États-Unis, des ingrédients comme le fufu et les épices africaines gagnent en popularité, notamment dans les restaurants de luxe. Des chefs de renom commencent à intégrer ces saveurs dans leurs menus, ce qui reflète une reconnaissance croissante de la richesse de la cuisine africaine. Cette évolution est prometteuse, non seulement pour la diversité gastronomique, mais aussi pour la valorisation des cultures qui composent cette cuisine.


Quels plats africains particuliers vous inspirent dans vos créations ?

M. M. : Le chicken yassa est un plat que je chéris particulièrement et que j’adapte au goût de mes clients aux États-Unis. Traditionnellement, ce plat est riche en oignons, mais comme les clients américains préfèrent souvent des saveurs moins prononcées, je caramélise les oignons et les transforme en une sauce onctueuse qui accompagne le plat. Cela permet de capturer l’essence du yassa tout en l’adaptant aux palais locaux.


Vous êtes également propriétaire d’une usine de granola où vous produisez « Mawa’s GrainFreeNola ». Pouvez-vous nous parler de ce produit ?

M. M. : « Mawa’s GrainFreeNola » est un granola sans gluten, riche en protéines et végétalien, conçu à partir de noix, de graines biologiques et d’ingrédients typiques de l’Afrique et de la France. Ce produit a été développé initialement pour mon usage personnel, surtout durant la pandémie de COVID-19, comme une alternative saine aux snacks traditionnels. Il est peu sucré, mais très nourrissant, idéal pour les activités d’endurance comme l’escalade, très populaires ici à Aspen.

« Tout est possible avec détermination et persévérance »


En mars 2024, vous avez publié Unstoppable, traduit en français sous le titre Une ambition sans limites. De quoi parle ce livre, qui est déjà numéro 1 des ventes sur Amazon ?

M. M. : Unstoppable est une source d’inspiration pour les jeunes, conçu pour encourager une vision optimiste et volontaire de la vie. J’y partage mes expériences et les leçons que j’ai apprises en chemin, avec l’espoir de motiver les jeunes à voir au-delà des défis immédiats et à s’adapter à diverses situations de vie. Je souhaite que ce livre serve de guide pour ceux qui aspirent à réaliser leurs propres rêves, leur montrant que tout est possible avec détermination et persévérance.

Une Ambition Sans Limite: Cultiver un état d’esprit propice au succès, de Mawa McQueen, Éd. Independently published (3 mai 2024).

American Dream

Avec une fortune estimée entre 12 et 20 millions de dollars (environ 11 et 18 millions d’euros), Mawa McQueen s’est fait un nom en tant que propriétaire des seuls restaurants – au nombre de quatre – appartenant à une femme noire dans la communauté culinaire d’Aspen (Colorado). Son parcours unique et son engagement pour une cuisine de qualité lui ont valu de nombreuses récompenses et d’être présentée dans des publications prestigieuses (Forbes US, Good Morning America, ABC News,The Today Show, Food & Wine et Vogue). En 2023, son restaurant phare, Mawa’s Kitchen, a été sélectionné dans la première édition du Colorado Michelin Guide.

Principaux sites internet évoqués :

https://www.mawaskitchen.com/
https://www.mawita.com/
https://www.thecrepeshack.com/
https://www.amazon.com/dp/B0CZ7LQ44N


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