Avec un montant supérieur à 82 milliards de dollars, la fortune cumulée des milliardaires africains est de nouveau sur une pente ascendante, et ce avec un effectif élargi. Analyse.
Par Erwan Faust
Après une édition 2023 caractérisée par une contraction de leurs avoirs totaux, le classement Forbes 2024 des milliardaires africains repasse de nouveau dans le vert. Avec un montant cumulé en hausse de 900 millions de dollars, à 82,4 milliards de dollars, le patrimoine total des milliardaires africains est en progression de 1,1 % sur l’année écoulée. La hausse est certes modeste mais doit toutefois être appréciée à l’aune de la conjoncture économique continentale, encore difficile au cours des douze derniers mois (inflation persistante, hausse des taux d’intérêt, volatilité des devises africaines, marchés financiers globalement baissiers, instabilité politique dans certains pays…).
Le club des détenteurs africains de fortune à 10 chiffres (en dollars) s’est élargi puisqu’ils sont désormais 20 à disposer d’un patrimoine individuel moyen de 4,12 milliards de dollars.
L’Afrique du Sud, Première Terre de Milliardaires du Continent
Mieux, le club des détenteurs africains de fortune à 10 chiffres (en dollars) s’est élargi puisqu’ils sont désormais 20 à disposer d’un patrimoine individuel moyen de 4,12 milliards de dollars. Des niveaux de fortunes qui feraient pâlir d’envie bien des États du continent. Pour rappel, le produit intérieur brut (PIB) de la Gambie tourne autour de deux-milliards et demi de dollars annuels tandis que celui des Comores évolue aux alentours de un milliard et demi… Plus largement, bien qu’encore peu nombreuse par rapport à d’autres régions du monde, la classe des super-riches ne cesse de s’étoffer sur le continent, une étude récente du cabinet Henley & Partners prévoyant une hausse de 42 % du nombre de millionnaires en dollars d’ici à 2032. De ce point de vue, la très élitiste tribu des milliardaires africains ne constitue que la partie émergée de l’iceberg d’un mouvement beaucoup large d’enrichissement, à l’œuvre sur tout le continent.
Dans le détail, on notera que ce sont les mêmes grands pays africains qui affichent la plus forte concentration de très grandes fortunes, l’Afrique du Sud comptant le plus de milliardaires (six), suivie de l’Égypte (cinq) du Nigeria (quatre), du Maroc (deux), de l’Algérie (un), de la Tanzanie (un) et du Zimbabwe (un). Autre constante, l’absence des femmes. La dernière à avoir figuré au classement, l’Angolaise Isabel Dos Santos, n’y étant plus présente depuis 2021.
Le palmarès 2024 des grandes fortunes africaines consacre par ailleurs le retour de l’investisseur nigérian Femi Otedola (1,1 milliard de dollars), ancien propriétaire et président du géant de la distribution des hydrocarbures Forte Oil (renommé depuis Ardova), qui était présent jusqu’en 2017 dans le classement des milliardaires africains. Depuis, l’homme d’affaires s’est lancé avec succès dans le secteur de la production d’électricité, avec les sociétés Geregu Power Plc — rachetée en 2020 — et Transcorp, un conglomérat actif aussi dans l’électricité, et dont il est un important actionnaire.
Aliko Dangote, Éternel Numéro Un
Guère de suspense en revanche au sommet du classement, occupé pour la 13e année consécutive par Aliko Dangote, à la tête d’une fortune estimée à 13,9 milliards de dollars. Une donne qui ne devrait pas changer de sitôt avec l’entrée en production en 2023 de la méga-raffinerie du milliardaire. Située dans la zone franche de Lekki, au sud-est de la ville de Lagos, la première raffinerie d’Afrique pourrait à terme multiplier par huit les revenus du groupe Dangote, aujourd’hui de l’ordre de 4 milliards de dollars annuels.
Juste derrière l’entrepreneur nigérian, se trouve le Sud-Africain Johann Rupert (10, 1 milliards de dollars de patrimoine), président et principal actionnaire du groupe de luxe suisse Richemont (Cartier, Van Cleef & Arpels, IWC, Jaeger-LeCoultre…) tandis qu’un autre ressortissant de la nation Arc-en-ciel complète le podium avec Nicky Oppenheimer (9,4 milliards de dollars), héritier de la dynastie fondatrice De Beers, la célèbre compagnie d’extraction et du négoce de diamants.
En valeur absolue de progression, la plus belle performance de l’année écoulée vient toutefois d’Afrique du Nord. L’Egyptien Nassef Sawiris a vu sa fortune gonfler de quelque 1,4 milliard de dollars sur la période, porté notamment par la bonne tenue du cours de bourse de la marque de vêtements de sport Adidas, dont il détient une participation de 6 %.
La Chute d’Issad Rebrab
Idem pour la plus forte baisse du classement, elle aussi originaire d’Afrique septentrionale avec la chute remarquée d’Issad Rebrab, le fondateur du premier groupe privé algérien, Cevital. L’entrepreneur d’origine kabyle s’est vu interdire en mai 2023 d’exercer toute fonction commerciale ou de gestion, comme celles de directeur, administrateur ou gérant. Un coup dur pour le milliardaire, qui a vu sa fortune baisser de presque moitié, à 2,5 milliards de dollars. Forcé de prendre sa retraite, il a transmis les rênes de Cevital à son fils cadet Malik, qui dirige aujourd’hui un groupe en pleine réorganisation. Une bonne manière de rappeler que, même parmi les ultrariches, la Fortune n’est pas toujours clémente.