Considérée comme la meilleure école de management en Europe, HEC Paris renforce de plus en plus sa présence sur le continent. Directeur des affaires internationales, Philippe Oster précise dans cet entretien les différentes initiatives déployées en Afrique par l’école française, ainsi que les ambitions de celle-ci sur le continent.
Propos recueillis par Patrick Ndungidi
Forbes Afrique : Quel est le point de départ des activités de HEC Paris en Afrique ? Et de quelle manière celles-ci se déclinent-elles ?
Philippe Oster : Nous sommes présents sur le continent africain depuis 2007 et renforçons plus spécifiquement notre implantation en Afrique centrale et Afrique de l’Ouest depuis cinq ans, avec un bureau dédié en Côte d’Ivoire. De fait, avant même l’ouverture de notre bureau d’Abidjan, nous avions déjà formé plus de 25 000 dirigeants sur le continent, à travers nos différents programmes. Aujourd’hui, nous avons notamment tissé des partenariats étroits avec les gouvernements ivoirien, togolais, gabonais, congolais ainsi qu’avec plusieurs institutions régionales (Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest, Banque des États d’Afrique Centrale, Banque Ouest-Africaine de Développement) sur des programmes de formation destinés à leurs dirigeants et cadres administratifs. L’objectif est d’améliorer les compétences en termes de leadership de ces derniers et de créer une culture managériale partagée avec le secteur privé. Autant d’initiatives qui démontrent qu’HEC Paris veut être un partenaire de l’économie et de la réussite africaines.
Forbes Afrique : Quelles sont les principales opportunités académiques apportées par votre établissement sur le continent ?
Philippe Oster : Nous proposons une série de programmes pionniers en Afrique, comme Lead Campus :Sustainable Leadership in Africa -un programme soutenu par l’AFD, panafricain et itinérant, constitué de cohortes d’une trentaine de participants de toutes nationalités, ou encore le programme GEMM (Global Executive Master in Management), nouvelle formule très appréciée, venant répondre à un besoin local de formation de cadres dirigeants en executive education (offre en formation continue).
« Au total, à l’échelle de tous nos programmes diplômants, nous avons aujourd’hui 8% d’étudiants africains. Un chiffre en croissance, que nous souhaitons doubler à moyen terme »
Que nos étudiants soient dirigeants d’entreprises, managers d’unités stratégiques opérationnelles souhaitant prendre plus de responsabilités ou entrepreneurs ayant un projet, notre stratégie est de déployer localement des formations adaptées aux réalités africaines et faire venir sur notre campus de Jouy-en-Josas de hauts potentiels qui ont déjà une solide formation initiale sur le continent, afin qu’ils viennent la compléter par une formation en management à HEC Paris. Au total, à l’échelle de tous nos programmes diplômants, nous avons aujourd’hui 8% d’étudiants africains. Un chiffre en croissance, que nous souhaitons doubler à moyen terme car nous croyons en la vertu et à l’importance de la diversité sur notre campus, où se côtoient actuellement 135 nationalités.
Forbes Afrique : Justement, comment comptez-vous augmenter cette proportion d’étudiants Africains parmi vos effectifs ?
Philippe Oster : Un des vecteurs de cette ambition sera le programme d’égalité des chances Pact Afrique, qui est porté par notre bureau d’Abidjan et qui consiste à accompagner les talents africains, grâce au soutien de la Fondation HEC. De manière concrète, ce programme vise à ouvrir les horizons de jeunes du continent en les préparant notamment au concours des admissions internationales de notre programme Grande Ecole. L’initiative a été lancée, à titre pilote, il y a trois ans, après l’ouverture du bureau d’Abidjan- en partenariat étroit avec l’Institut National Polytechnique Félix Houphouët-Boigny (INPHB)– et nous en sommes aujourd’hui à la quatrième édition. Dans l’intervalle, outre la Côte d’Ivoire, le programme a été déployé au Cameroun et au Gabon.
Forbes Afrique : Combien coûte ce programme Pact Afrique ?
Pour cet accompagnement très poussé, mobilisant de nombreux acteurs de la communauté HEC, les étudiants ne paient rien. Une fois admis à HEC Paris, une aide significative pour couvrir les frais de scolarité (24 000 euros par an) et de vie, leur est apportée grâce à la recherche de financements, et en fonction de leur pays d’origine. Cette année, quelque 75 étudiants africains ont suivi le programme, et 16 d’entre eux ont été admis. D’ici 3 ou 4 ans, nous souhaiterions préparer 500 étudiants sur le continent et accueillir 50 étudiants en rythme annuel. Le programme PACT Afrique est un véritable transformateur de vies, même pour les étudiants non admis à HEC, puisque très souvent ils s’engagent dans d’autres projets d’études très ambitieux. Il y a donc une dynamique très vertueuse qui est enclenchée via ce programme.
« L’Afrique est chaque année à l’honneur sur le campus d’HEC Paris, via deux grandes conférences intitulées respectivement Africa Days et Africa Business Days, organisées tous les ans depuis 2017 »
Plus largement, l’Afrique est chaque année à l’honneur sur le campus d’HEC Paris, via deux grandes conférences intitulées respectivement Africa Days et Africa Business Days, organisées tous les ans depuis 2017 et portées des associations étudiantes du campus centrées sur l’Afrique. Les Africa Business Days sont un grand forum, où des entreprises implantées en Afrique et des entreprises africaines parlent du continent, de ses enjeux, de son développement et de ses opportunités. Les éditions annuelles des Africa Days proposent quant à elles aux étudiants d’HEC, africains ou non, une exposition aux réalités et aux opportunités du continent en donnant la parole aux nouveaux acteurs africains du changement, dans différents domaines et secteurs : diplomatie, éducation, mode mais aussi industrialisation verte, Fintech, entrepreneuriat…
Forbes Afrique : Sur ce dernier volet entrepreneurial, avez-vous une offre de formation spécifique proposée sur le continent ?
Depuis 2021, nous avons lancé, depuis notre bureau d’Abidjan, une version adaptée de notre programme historique Challenge +, établi sur notre campus français depuis 30 ans, et qui s’intitule Challenge+ Afrique. Le programme est ouvert à tous les entrepreneurs du continent africain, en particulier ceux qui sont porteurs de projets innovants et à fort impact pour le développement socio-économique africain. Nous venons de finaliser le recrutement de la seconde promotion, composée d’une vingtaine de porteurs de projets. Ils ont eu l’opportunité de rencontrer leurs camarades de la première promotion sortante lors du HEC Start-Up Demo Day d’Abidjan du mois d’octobre, où ces derniers se sont livrés à une grande séance de pitch devant un parterre de 200 personnes composé de ministres, de chefs d’entreprise, d’anciens élèves, et d’investisseurs venus du Sénégal, de France, du Nigeria, de Côte d’Ivoire…De fait, beaucoup d’anciens étudiants africains d’HEC connaissent de beaux succès, à l’image de Nelly Chatue-Diop, PDG de la fintech camerounaise Ejara, ou de Serge Boupda, fondateur de la fintech Diool, une société également basée au Cameroun. Par ailleurs, au sein de notre incubateur HEC, nous avons des projets qui sont portés et développés pour et sur le continent africain, comme Izicare, ou encore HD Rain.
« Nous lancerons sur le continent, au début de l’année prochaine, le programme Stand Up, dédié à l’accompagnement des entrepreneuses […] »
Enfin, nous lancerons sur le continent, au début de l’année prochaine, le programme Stand Up, dédié à l’accompagnement des entrepreneuses et que l’on déploie déjà avec succès depuis 10 ans en France, dans les départements et territoires d’outre-mer français (DOM-TOM), ainsi qu’en Italie. L’idée clé est de développer l’autonomie et l’indépendance financière des femmes par l’entrepreneuriat et on rappellera que 50% des femmes qu’on a accompagnées à ce jour étaient au chômage. C’est cette formule d’accès et d’égalité des chances que nous souhaitons aujourd’hui développer depuis la Côte d’Ivoire. La participation au programme sera gratuite et le critère clé de sélection des candidates se fera sur la base de la qualité de leurs projets et de leur capacité à pouvoir le développer.
Crédit photo ©Nathalie Oundjian : Philippe Oster, Directeur des Affaires Internationales – Direction générale | Relations Publiques & Médias | Développement International | Talent Acquisition