À la tête de Mopépé Solutions, l’ancien basketteur pro Yacine Ben Fylla s’est donné pour mission de faire bouger les lignes en République du Congo et au-delà.
Par Ella David
Âgé de trente-deux ans et fraîchement installé au Congo-Kinshasa, Yacine Ben Fylla souhaite « apporter sa pierre à l’édifice » en misant notamment sur la transition écologique. Avec sa start-up Mopépé Solutions, l’entrepreneur a mis sur pied des solutions innovantes axées sur la mobilité à énergie électrique et solaire. Si le jeune repat se veut impactant, il n’en reste pas moins pragmatique : « Je ne suis pas socio-entrepreneur, mais impact-entrepreneur : ce que je fais à un impact positif sur l’environnement, tout en créant du bénéfice et du business », précise-t-il.
Après trois saisons en France en tant que joueur professionnel de basketball, dont une à Cannes en 2e division puis deux à Cergy en 3e division, l’« Enfant des deux rives » a choisi de développer ses projets professionnels sur le sol africain.
Business propre
Le premier, Ballers Agency, est une agence de marketing sportif dédiée au management des athlètes africains selon le concept du For Us By Us. Associée à une académie de football et de basketball, cette structure fonctionne grâce à un écosystème d’autofinancement, via les recettes issues du sport-bar Ballers House. Quant à l’académie, elle compte une équipe de football évoluant en 2e division et une autre en 1re division de basketball, ainsi que son propre gymnase depuis 2019. Ballers Agency subventionne cent joueurs tout au long de l’année, et une trentaine des athlètes qu’elle représente ont déjà été envoyés en Europe et aux États-Unis. Une première aventure entrepreneuriale pour le moins successfull, même si le Covid a fait chuter son chiffre d’affaires de deux tiers — de trois à un million de dollars.
Une opportunité de rebondir et viser le panier du green business — « le business de demain et la politique d’aujourd’hui », que l’ancien consultant pour NBA Africa a saisi au bond en créant Mopépé Solutions en février 2021. Crédo de la start-up : préserver la qualité de l’air (mopépé signifie « air » en lingala) pour les générations futures et développer les comportements écoresponsables grâce au premier service de mobilité à énergie électrique et solaire d’Afrique centrale.
Des solutions innovantes et incitatives
Parmi les solutions innovantes développées — qui vend par ailleurs des véhicules électriques aux particuliers et entreprises, l’implantation du premier réseau de bornes de recharge de véhicules électriques en libre-service dans le centre-ville et en périphérie de Kinshasa. Auquel il faut ajouter EcoCar, « l’Uber propre de Kinshasa » : un service privé d’autopartage de voitures électriques en libre-service, disponible dans l’agglomération kinoise pour les salariés des sociétés partenaires de Mopépé (Vodacom RDC, Raw Bank, Rawsur Assurances, Bracongo), et constitué pour l’heure d’une flotte de douze véhicules électriques qu’il est possible de commander via WhatsApp ou une application pour des trajets à la demi-heure ou l’heure, avec ou sans chauffeur. Yacine Fylla prêche par l’exemple, puisqu’il roule lui-même en véhicule électrique depuis 2016. Afin d’inciter un maximum de Congolais à adopter une mobilité douce, l’ancien joueur pro s’est mis en tête d’implanter très prochainement une solution deux roues : EcoRide et EcoBike, motos et vélos électriques affectés aux livraisons. Un programme emploi jeune couplé à une formation en interne et une parité à 50 % accompagnera le dispositif.
« L’Afrique fonctionne sur le modèle du sharing economy — l’économie de partage, depuis des lustres. Souvent utilisée de manière informelle, nous la mettons en place de manière formelle. Quand on partage des services, on diminue les émissions de carbone », argumente l’impact-entrepreneur.
« Avec ou sans eux, on a fait. Avec ou sans eux, on fera. »
Évaluée à 1,5 million dollars, la société est néanmoins à la recherche de capitaux. Bien sûr, pour le jeune businessman, le succès est plus une question de réalisations que de chiffres : « C’est l’impact qui définit mon travail. Les jeunes Congolais ont besoin de success-stories saines, qui ne passent pas forcément que par la politique, et où il n’y a pas de capitaux suspects, mais juste de la sueur, de l’envie et de la vision », plaide-t-il. Avec Mopépé Solutions, il n’a pas encore atteint ses objectifs, mais est fier d’avoir au moins conquis le secteur privé. « En tant que précurseurs sur le marché, on ouvre des portes, mais on rencontre aussi des murs », concède-t-il. D’autant que « le climat des affaires au Congo-Kinshasa n’attire pas vraiment les investisseurs ».
Pour lui, il manque une vraie vision d’État sur la transition écologique, qu’il considère comme une faute technique de la part des dirigeants : « Si le président Félix Tshisekedi veut vraiment être le président du développement durable, le président vert de l’Afrique, il doit être dans l’action. Avec ou sans eux, on a fait. Avec ou sans eux, on fera. Mais c’est mieux avec eux. Car le rôle des décideurs politiques est de nous accompagner ». À bon entendeur ?