Au cours des vingt dernières années, Huawei a collaboré avec une cinquantaine d’opérateurs afin de construire 71 réseaux en Afrique du Nord (28 pays), posé plus de 100 000 km de fibres optiques et aidé près de 20 millions de ménages n’étant pas reliés à des infrastructures de réseau fixe à accéder aux réseaux à large bande passante. Dans cet entretien, Philippe Wang, Vice President exécutif Northern Africa, Afrique du Nord, de l’Ouest et Centrale, nous expose la stratégie du géant chinois pour le continent et les enjeux de la révolution numérique en Afrique.
Propos recueillis par Jean-Luc Clouard I Paru dans l’édition N°74
Forbes Afrique : De quelle manière Huawei envisage-t-il le développement de la 5G en Afrique ?
Philippe Wang : Nous suivons le rythme de chacun des pays en accompagnant l’ensemble des parties prenantes. Il est en effet essentiel d’investir dans un déploiement à grande échelle de l’infrastructure de communication en Afrique, en mettant notamment l’accent sur le renforcement de la connectivité dans les zones rurales. Il est primordial de promouvoir également l’inclusion numérique. Nous nous efforçons de trouver des mécanismes de financement innovants, tels que des partenariats public-privé (PPP), afin de réduire la charge financière et de facto rendre le réseau 5G plus accessible. En outre, une réglementation claire et favorable à la 5G est essentielle pour son développement rapide. Puisque le développement de la 5G nécessite des compétences techniques avancées, il est aussi crucial de former et de renforcer les capacités des talents africains dans les TIC pour faire face aux nouveaux défis technologiques. Pour ce faire, chez Huawei, nous avons lancé de nombreux programmes de formation afin de populariser les usages des nouvelles technologies et permettre le déploiement rapide de la 5G. À titre d’exemple, la Huawei ICT Academy, déployée dans quinze pays de la région Northern Africa, offre aux étudiants une formation axée sur les compétences et les connaissances liées aux technologies de pointe telles que l’intelligence artificielle, le cloud et la 5G. Plus de 80 000 étudiants ont ainsi pu être formés depuis 2016.
Quels sont et quels seront les impacts de la 5G pour le continent ?
P. W. : La 5G offre des opportunités sans précédent pour accélérer le développement socio-économique de l’Afrique. En tant que leader innovant, Huawei est pleinement engagé dans le lancement de cette technologie. Il convient de souligner que le déploiement de ce réseau est une entreprise complexe qui requiert une planification minutieuse, une coordination entre les différents acteurs de l’industrie et la disponibilité des infrastructures requises. Par conséquent, les délais spécifiques varient d’un pays à l’autre en fonction de leur niveau de préparation. Bien que le réseau 5G ne soit pas initialement destiné aux usages grand public, mais plutôt axé sur l’industrie et les services, son impact positif sur l’économie numérique des pays africains sera indéniable – surtout d’un point de vue B2B. Dans plusieurs secteurs stratégiques tels que la santé, le commerce, les transports et l’agriculture, cette technologie ouvrira la voie à de nouveaux usages, opportunités et perspectives économiques. Cette technologie de l’hyper connectivité permettra tout particulièrement de traiter et d’exploiter d’importants volumes de données eu égard à la forte croissance démographique sur le continent.
“Nous avons une confiance indéfectible dans le potentiel de croissance et l’importance stratégique de l’Afrique“
À quel rythme votre groupe va-t-il poursuivre sa politique d’investissements en Afrique ?
P. W. : En Afrique, notre engagement repose sur trois principaux piliers : l’infrastructure, la formation et la création de solutions personnalisées pour encourager la transformation numérique. L’infrastructure joue un rôle fondamental dans la transformation numérique du continent. Seule une infrastructure solide, durable et fiable pourra véritablement libérer le potentiel de l’Afrique numérique, durable et inclusive. Par ailleurs, nous croyons fermement que l’investissement dans le capital humain et la création d’un écosystème prospère de talents sont la clé d’un développement numérique durable. C’est pourquoi nous continuerons d’investir dans la formation afin de soutenir l’innovation sur le continent et d’offrir aux étudiants les compétences nécessaires leur permettant de pleinement exploiter le potentiel du numérique et stimuler le développement de l’économie numérique. Nous avons une confiance indéfectible dans les capacités de croissance et l’importance stratégique de l’Afrique. Avec détermination, nous continuerons à co-construire un avenir numérique prometteur pour le continent. Notre objectif reste de fournir les meilleures solutions pour répondre aux besoins du continent et exploiter pleinement le potentiel de l’économie numérique en Afrique.
Votre positionnement prix fait de Huawei l’une des marques les plus attractives sur le continent africain. Cependant, pour beaucoup d’Africains, les prix de vos produits restent prohibitifs. Comment considérez-vous cette contrainte et de quelle manière pensez-vous pouvoir maintenir vos marges ?
P. W. : Nous mettons en avant la qualité et la fiabilité de nos solutions pour l’ensemble de nos clients, que ce soit en Afrique ou dans le reste du monde. À l’échelle de l’entreprise, le marché des smartphones occupe aujourd’hui une position minoritaire. Nous opérons davantage sur le secteur des infrastructures – réseaux et énergétiques – et des solutions personnalisées pour encourager la transformation numérique. Nous croyons fermement que la technologie de pointe devrait être accessible à tous, et nous nous engageons dans ce sens. Nous investissons de fait massivement dans la recherche et le développement, qui représentaient 25,1 % de notre chiffre d’affaires en 2022. Nous nous adaptons aux réalités économiques et géographiques locales et travaillons en étroite collaboration avec nos partenaires sur le continent pour proposer des solutions accessibles et de haute qualité.
Huawei en bref
Fondé en 1987 par Ren Zhengei et basé à Shenzhen, non loin de Hong Kong (sud-est de la Chine), Huawei propose des équipements de télécommunications et des smartphones, ainsi que des prestations de services aux opérateurs. Le groupe résume sa vision et sa mission en ces termes : « apporter le numérique à chaque personne, foyer et organisation pour un monde intelligent et entièrement connecté ». Présent dans 170 pays, le géant chinois s’est progressivement hissé au premier rang mondial de fabricant d’équipements de télécommunications. Employant aujourd’hui 207 000 personnes dans le monde, il affirme délivrer des services et des produits à plus de 3 milliards d’individus. Depuis 2009, Huawei commercialise des téléphones portables en marque propre, sous Android. Devenu en 2020 le premier vendeur mondial de smartphones, il continue de disputer la première place à Samsung et à Apple.
70 % des parts du marché africain des infrastructures
En mars 2023, le groupe a indiqué avoir réalisé en 2022 un chiffre d’affaires annuel de 642,3 milliards de yuans (85,8 milliards d’euros) et dégagé un résultat net de 35,6 milliards de yuans (4,7 milliards d’euros). Il a également annoncé une forte croissance de ses investissements, à 161,5 milliards de yuans (un peu plus de 20 milliards d’euros) pour la seule année 2022, soit 21,5 % de son chiffre d’affaires annuel. Quelques mois plus tôt, son président en exercice, Eric Xu, s’était félicité d’avoir stabilisé l’activité, qui avait été fortement ralentie par les restrictions américaines. « En 2022, nous avons réussi à sortir du mode “crise” et les restrictions américaines sont désormais notre nouvelle normalité », avait-il indiqué dans un message aux salariés. Huawei détient aujourd’hui 70 % des parts du marché africain des infrastructures, ce qui lui donne une position idéale pour le développement de la 5G sur le continent. Lors du sommet annuel de l’Africa CEO Forum (Abidjan, 5-6 juin 2023), son vice-président, Tonny Bao, a partagé ses convictions sur le vaste potentiel de l’Afrique, indiquant que Huawei avait comme ambition « d’accélérer la connectivité rurale et de combler le fossé numérique ».
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