Les Etats-Unis entendent profiter de leurs diasporas africaines basés dans le pays de l’Oncle Sam pour approfondir les relations culturelles et commerciales avec les Etats africains. Marco Kpeglo LeRoc, entrepreneur à la tête d’Up Africa Partners– investisseur et maître conférencier d’origine togolaise implanté outre-atlantique inscrit pleinement son action dans le cadre d’une intensification des relations entre l’Afrique et sa diaspora.
Le 17 août dernier, vous avez organisé le Leadership Africa Summit à Lomé. Que retenez-vous de cette conférence ?
Plus de 350 personnes, principalement des investisseurs et entrepreneurs ont fait le déplacement pour notre événement organisé au siège d’Ecobank au Togo. Pour ma part, j’estime que ce premier événement du genre organisé par la société Up Africa Partners a rempli ses premiers objectifs. Il nous fallait exporter ce concept qu’on avait déjà organisé aux Etats-Unis pour sa troisième édition. Cela me rend très optimiste pour l’avenir car plusieurs invités connus ont marqué de leur présence cet événement à l’instar du ministre de l’agriculture, Koutera Bataka. Enfin, Zack Mwekassa, conférencier international, serial entrepreneur et ancien champion du monde de boxe d’origine congolaise, a également pris part à l’événement en délivrant un message fort pour les entrepreneurs au Leadership Africa Summit. En substance, cet ancien champion sur les rings
A travers l’Up Africa Partners, est-ce vous ne voulez pas devenir l’incarnation de ce nouvel axe « Afrique – Amérique du nord » ?
Je ne prétends pas incarner ce nouvel axe même si j’apporte ma contribution. Ceci dit, c’est le rôle des diasporas est de participer aux émergences par la promotion de l’entrepreneuriat et de l’innovation. En ce sens, nous devançons parfois les politiques en tant que société civile. A travers notre conférence, l’idée n’est pas simplement de dire que tout le monde peut être un entrepreneur auprès des créateurs africains. Car c’est l’esprit entreprenant, avant toute chose, qu’il faut léguer en héritage pour les générations futures de notre continent en tenant compte des évolutions de contexte. Puis pour les diasporas, il est important de rester connecté aux besoins de nos entrepreneurs. Nous sommes éloignés géographiquement de leurs priorités et il ne nous est pas simple d’identifier les besoins en financement pour les projets. C’est aussi la mission que le Leadership Africa Summit s’est donnée. Il nous faut repérer les projets à forte valeur ajoutée auprès des PME implantées localement. Pour cette première édition en Afrique, nous avons axé sur quatre secteurs : l’agrobusiness, l’innovation technologique, l’entrepreneuriat féminin et le développement professionnel.
Comment avez-vous pensé votre événement ? On dit souvent quce ces grandes messes se multiplient avec des effets limités auprès des écosystèmes..
Au cours de ce forum, nous avons organisé un concours de pitch pour les startups durant laquelle elles ont présenté leurs projets. Ces derniers se sont d’abord inscrits sur notre site www.upafricapartners.com. Puis un jury de professionnels a délibéré pour déterminer les finalistes avant de choisir un lauréat qui est reparti avec un chèque de 1 000 dollars. Cela n’est pas une fin en soi car ce n’est uniquement le début d’un accompagnement sur le long terme que nous mettons en place avec ces structures dont le lauréat de notre prix, Kpélou Pinanwè – fondatrice de la société JUS TIWA.
Vous êtes un chef d’entreprise implanté aux Etats-Unis alors que vous aviez vécu au Togo. Les logiques entrepreneuriales et d’investissements ne sont pas les mêmes. Quel parallèle pouvez-vous pourtant établir entre ces deux écosystèmes ?
J’ai grandi au Togo, à Lomé. Puis j’ai eu l’opportunité de suivre des études de comptabilité aux Etats-Unis.. J’ai écrit trois livres concernant la gestion financière. Puis j’ai constaté au gré de mes expériences que les Africains avaient développé des solutions dans le domaine de la finance que les Américains ne pouvaient pas ignorer. En Afrique, le micro-crédit est très développé et les entrepreneurs africains sont très doués pour trouver des systèmes de financements par la tontine ou le financement participatif. Aux Etats-Unis, un certain nombre de personnes aurait besoin de ses solutions. La dette estudiantine est supérieur à 1,5 milliard de dollars aux Etats-Unis. C’est une vraie bombe à retardement au regard du prix exorbitant des études qui peuvent grimper jusqu’à 100 000 dollars. C’est impensable de voir un entrepreneur basé en Afrique s’endetter pour 100 000 dollars ! Pourtant les entrepreneurs du continent parviennent à s’autofinancer – avec certes beaucoup plus de difficultés – en innovant sur ce sujet. C’est pourquoi nous devons établir des ponts entre les entrepreneurs africains et les membres de la diaspora. On peut même dire plus largement que les Etats-Unis ne peuvent plus tourner le dos aux solutions déjà mises en pratique sur le continent africain dans un certain nombre de secteurs notamment dans la fintech. C’est pourquoi il faut créer des ponts entre les entrepreneurs africains et les investisseurs et entrepreneurs américains.
Si l’objectif est de créer des liens entre les membres des diasporas et des entrepreneurs, cela implique-t-il un retour au pays natal pour les acteurs de la diaspora ?
L’idée n’est pas de dire à un membre de la diaspora de rentrer au pays et d’abandonner sa vie construite aux Etats-Unis ou ailleurs en Occident. L’objectif est de contribuer à l’émergence d’une société portée par des acteurs locaux qui connaissent bien les besoins du marché. On pourra ainsi entrer au capital de cette société. Nous pouvons apporter du mentoring et de l’expertise alors que ces derniers portent une réelle connaissance des besoins du terrain. C’est cette alliance qu’il faut défendre pour accroître les chances de succès de ces startups en réduisant les risques pour les membres de la diaspora qui souhaiteraient entreprendre en Afrique alors qu’ils ne maîtrisent pas l’environnement du business dans la région dans laquelle ils veulent s’implanter. L’objectif du Leadership Africa Summit est de recenser les projets les plus prometteurs sur le continent avant de le soumettre à l’investissement de la part des diasporas présentes en Europe et aux Etats-Unis.
De votre côté, quelles seront les suites que vous donnerez au Leadership Africa Summit ?
Je continuerai d’animer des conférences. Et j’ai aussi écrit trois livres ( « Activate Your Untapped Potential »- « activer votre potentiel inexploité » en français – « Screw Debt Collège » et « Cash In with Your Money »). L’objectif est de transmettre la passion de nos entrepreneurs africains auprès des diasporas basées aux Etats-Unis. L’union africaine a déclaré la diaspora comme étant la 6ème partie du continent. Il nous reste à charge de le démontrer en instaurant des actions concrètes envers nos communautés et notre continent.