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RSE : le secteur immobilier doit s’engager plus

Immobilier © David McBee

Peu développée sur le continent, la responsabilité sociétale des entreprises gagnerait à être plus encouragée car elle est un vecteur important du développement local. Un appel à l’action qui concerne notamment l’immobilier, secteur clé des économies africaines.

Par Albert Menelik Tjamag, Designer-Promoteur immobilier, COO de Glocal-Atom (Cameroun) 

La notion de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) repose sur le postulat que les entreprises sont elles-mêmes conscientes des préoccupations sociales et environnementales issues de leurs activités et qu’elles mettent en place les mécanismes qui permettent d’exercer cette responsabilité. Cette prise de conscience doit conduire à des actions citoyennes au bénéfice des populations. Dans un tel paradigme, nous n’aurions plus à nous préoccuper du rattrapage des inégalités et du bien-être commun… Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes autorégulés. C’est une des promesses non dites du libéralisme qui se heurte souvent à une réalité plus complexe, même si une bonne utilisation de cette RSE pourrait transformer durablement et positivement la société africaine.

Une RSE peu pratiquée

Il faut d’abord reconnaître que la RSE est peu connue en Afrique et quand elle est connue, elle est peu pratiquée, dans la mesure où elle nécessite des entreprises structurées et organisées. L’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA*) a adopté en janvier 2017 l’Acte uniforme relatif au droit comptable et à l’information financière pour ses 17 membres[1], ainsi que le système comptable attenant. La norme ISO 26 000 sur la responsabilité sociétale et les nouvelles exigences du reporting RSE est entrée en vigueur le 1er janvier 2018 et oblige notamment à fournir des informations sociales, environnementales et sociétales pour les entreprises de plus de 250 salariés. Mais qu’en est-il des petites et moyennes entreprises ? Dans le domaine spécifique de l’immobilier, on fait souvent appel à des sous-traitants dont le seul critère d’éligibilité est le coût. La responsabilité des conséquences sociales ou environnementales des chantiers est ignorée et reportée sur des entreprises sans moyens.

Dès lors, on ajoute des problèmes aux problèmes. L’urbanisation est mal gérée dans des villes qui s’étalent sans plan directeur clair. Cette mauvaise gestion de l’espace entraîne des nuisances qui se répercutent sur le bien-être des populations et à terme entraîne une dégradation de la qualité de vie dans les ensembles urbains africains. La question se pose donc sur l’efficacité de la RSE en Afrique. Sachant que les pratiques RSE vont forcément impacter le niveau local, pourquoi les États n’imposent-ils pas des normes locales aux acteurs nationaux et internationaux ? Car transcrire des règles internationales dans le droit national pour les entreprises de 250 salariés et plus conduit de facto à régler la réalité par le simple ajout de lignes comptables sans s’assurer de l’effectivité de ces mesures sur le terrain.

Un impact positif sur les populations

Dans les entreprises de construction de la filière immobilière, où les travaux de force sont éreintants et la prise en compte de la santé des employés essentielle à la bonne tenue des chantiers, la mise en place d’une politique de RSE effective à l’échelon local aurait un impact positif sur les populations. Cela peut concerner l’acquisition de grandes surfaces foncières, la lutte contre la pollution, les enjeux de préservation de l’environnement, les conditions de travail, la formation professionnelle, la santé, la sécurité et la sûreté des communautés, la réinstallation des populations déplacées et la défense des droits autochtones, pour ne citer que quelques exemples. Dans les pays africains, la loi permet la prise en compte de l’avis de l’autorité traditionnelle lors de l’achat d’un terrain, la RSE pratiquée à l’échelon local permettrait de formaliser les traditions africaines d’esprit de groupe, de solidarité et de confiance et contribuerait grandement à améliorer le système de protection sociale.

Il est important néanmoins que la responsabilité sociétale des entreprises ne devienne pas une béquille à d’éventuels manquements étatiques. On ne doit pas laisser ces normes être l’apanage de multinationales ou de grands groupes qui ne feraient que du saupoudrage social en toute bonne conscience. Cette responsabilité de l’ensemble de la société sur les enjeux environnementaux et sociaux doit infuser en profondeur dans les entreprises locales, car elles sont les seules à être au cœur d’une réalité sociale de proximité. Notamment celles de la filière immobilière, qui doivent s’emparer de ces bonnes pratiques et adopter une gestion éthique et respectueuse de leurs activités afin de contribuer harmonieusement au développement local.


[1] Les 17 États membres de l’OHADA sont le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la Centrafrique, la Côte d’Ivoire, le Congo, les Comores, le Gabon, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Guinée-Équatoriale, le Mali, le Niger, la République Démocratique du Congo (RDC), le Sénégal, le Tchad et le Togo.

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