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Routes, Rail, Mer : Quelles Voies Pour Demain ?

« La route précède le développement », disait le président ivoirien Félix Houphouët-Boigny. Aujourd’hui, alors que le continent africain représente 1/5e des terres émergées et un 1/6e de la population mondiale, il pèse pour moins de 3 % des valeurs commerciales échangées et moins de 3 % des manutentions conteneurisées mondiales. Quant aux flux commerciaux intra-africains, ils ne représentent que 15 % en volume, contre 67 % pour l’Europe. Pour que l’émergence se nourrisse des routes africaines de demain, voici un tour d’horizon des défis et opportunités portuaires et logistiques continentaux actuels.

Par Yann Alix & Dr. Brigitte Daudet


De gauche à droite : Yann Alix Délégué général de la Fondation SEFACIL, laboratoire d’idées prospectives et stratégiques dédié aux secteurs maritimes, portuaires et logistiques (1) et Dr. Brigitte Daudet Enseignante chercheuse, EM Normandie (METIS LAB)

1 – Une Ambition Politique Continentale Pour Un Grand Marché Commun

En vigueur depuis trois ans, la ZLECAf constitue un marché commun de 1,3 milliard d’habitants et un PIB cumulé de 3 400 milliards de dollars (environ 3 100 milliards d’euros). Le plus grand défi d’une libéralisation du commerce demeure avant tout infrastructurel, avec un déficit considérable de routes asphaltées et de sillons ferroviaires. Selon diverses sources onusiennes et privées, l’enveloppe du financement des seules infrastructures routières et ferroviaires afin d’interconnecter les potentiels gisements de valeurs et de volumes intra-africains est estimée à 150 milliards de dollars (139 milliards d’euros) par an pendant au moins une décennie. Cette projection géopolitique, qui n’est pas sans rappeler une certaine vision panafricaniste, se heurte toutefois aux réalités logistiques du continent.


2 – Une Révolution Portuaire En Marche

Avec des leaders mondiaux comme le complexe de Tanger Med au Maroc ou plus récemment l’émergence de hubs régionaux comme à Lomé au Togo, l’Afrique portuaire poursuit sa modernisation. Initiés au début des années 2000 sous l’impulsion de la Banque mondiale, les partenariats publics-privés ont soutenu la mise en concession de la quasi-totalité des terminaux à conteneurs du continent. Caractéristique unique au monde : les deux plus importants manutentionnaires du continent (AGL-TiL et APM Terminals) sont les bras armés portuaires des deux plus importants armateurs mondiaux : MSC Shipping et Maersk Line. En 2 024, les terminaux de Tanger Med ou Port-Saïd peuvent accueillir les plus grands porte-conteneurs du monde et garantir des productivités et des fiabilités atteignant les plus hauts standards internationaux. Autre particularité : les quatre premiers armateurs qui desservent le continent sont européens et tous en concurrence frontale pour assurer des échanges commerciaux toujours plus dominants avec la Chine et l’Asie, au détriment d’une Europe en perte de vitesse.

Tanger, Maroc ©Pierre-Yves Babelon


3 – Investir Les Corridors De Transport

Avec moins de 0,3 % des tonnes- kilomètres transportées par voies ferroviaires mondiales, l’Afrique ne parvient pas à exploiter de manière efficiente ses immenses ressources naturelles. Les coûts de transport et de transactions y sont parmi les plus élevés du monde, impactant les territoires les plus pauvres et les plus isolés. L’avenir du continent passe par un désenclavement infrastructurel majeur, ce qui pose le problème central de la solvabilité financière d’une telle planification. Les États doivent se saisir de ces impératifs infrastructurels régaliens, mais les modèles d’affaires pour construire des routes et des chemins de fer sont trop rarement attractifs pour des partenaires privés africains et internationaux.

« L’avenir du continent passe par un désenclavement infrastructurel majeur, ce qui pose le problème central de la solvabilité financière d’une telle planification »


4 – Les Services Logistiques Et l’Industrialisation À Partir De Zones Spéciales Périportuaires

Qu’elles soient franches, spéciales, industrielles ou logistiques, les plateformes fleurissent près des établissements portuaires africains, de la Mauritanie au Gabon, du Somaliland à Maurice. Le spécialiste d’origine singapourienne Arise évoque des installations vitales pour le développement d’une industrialisation massive des productions africaines. Emplois directs et indirects, services logistiques, émergence industrielle et affirmation manufacturière : ces plateformes constituent des laboratoires de croissance adossés aux infrastructures portuaires. Elles ne sont pas sans poser des défis majeurs, comme celui de l’approvisionnement continu en électricité ou l’usage de nouvelles technologies pour garantir un minimum de compétitivité aux produits made in Africa. En 2023, près de 90 % des tonnages échangés à l’échelle planétaire ont emprunté un navire de commerce. Cette maritimisation de notre économie-monde est perturbée par les troubles géopolitiques et sanitaires qui impactent le fonctionnement des systèmes logistiques. Pour l’Afrique, accélérer une plus grande intégration commerciale continentale s’avère décisif afin de renforcer le poids relatif d’un espace marchand qui comptera 2 milliards d’habitants en 2050. Le transport et la logistique sont assurément les vecteurs indispensables d’une transformation radicale de la socio-économie du continent.


(1) Pour télécharger librement plus de 10 000 pages d’analyse : www.sefacil.com


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