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L’Afrique À La Recherche De Sa Sécurité Alimentaire

Dès les années 1960, avec l’émergence de la problématique du développement et de la lutte contre la pauvreté, le sujet de la sécurité alimentaire figurait au centre des programmes de développement des jeunes États africains. Soixante ans plus tard, il est toujours d’actualité, étant même devenu, dans un monde globalisé, une question de sécurité nationale.Pour résoudre le déficit alimentaire de l’Afrique, des pistes se dessinent cependant, combinant les deux modèles agraires en vigueur sur le continent.

Par Andrea Lundh


Andrea Lundh – Agronome, diplômée de la Swedish University of Agricultural Sciences et spécialiste en sécurité alimentaire

La FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) définit la sécurité alimentaire comme « l’accès physique et économique » à une « nourriture suffisante, saine et nutritive » permettant aux humains de satisfaire « leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active ». Alors que la faim est une expérience individuelle ou collective de manque de nourriture avec un impact sur la santé physique et mentale, la sécurité alimentaire emprunte une approche systémique de l’alimentation comme moyen d’assurer une vie saine de manière abordable, pérenne et fiable à tous les niveaux, quels que soient les stades de développement économique ou le pouvoir d’achat.

Une Question De Sécurité Nationale

La récente intensification des stress à l’échelle planétaire (Covid, conflits armés, changement climatique, augmentation brutale des prix des denrées alimentaires), en plus du poids démographique, a propulsé l’enjeu de l’insécurité alimentaire au
centre des préoccupations géopolitiques et développementales. Lorsque la Russie a envahi l’Ukraine, en février 2022, l’Afrique a réalisé à quel point sa situation était fragile, son blé et ses engrais provenant pour une part significative des deux belligérants. Dans un monde globalisé, se nourrir est devenu une question de sécurité nationale. Jusque-là, les appels à une « révolution verte », comme celui lancé à Addis Abeba il y a une décennie par Kofi Annan, sont demeurés vains. La question, cependant, est plus que jamais prégnante : comment expliquer le déficit alimentaire de l’Afrique et comment sortir de l’absurdité d’un modèle basé d’un côté sur la dépendance alimentaire de l’extérieur, et de l’autre sur une agriculture principalement tournée vers l’export ?

« Comment sortir de l’absurdité d’un modèle basé d’un côté sur la dépendance alimentaire de l’extérieur, et de l’autre sur une agriculture principalement tournée vers l’export ? »


Deux Modèles Agraires

En fait, deux modèles agraires coexistent en Afrique. Le modèle traditionnel concerne les petites et moyennes exploitations. Ce mode d’exploitation familial souffre d’un accès limité au capital et à la technologie. L’agriculture pluviale est la norme et les paysans gèrent comme ils le peuvent leur exploitation, sans perspective ni rationalité. Capital et technologie les auraient mis sur une trajectoire leur permettant d’opter pour des cultures selon la demande du marché, de gérer l’approvisionnement en eau en fonction des besoins de leurs cultures et d’aspirer à en conquérir de nouveaux. Les bailleurs de fonds internationaux avaient négligé ce modèle traditionnel. Pourtant, il est établi, selon le Fonds international de développement agricole (FIDA), que ces exploitations assurent jusqu’à 80 % des besoins alimentaires du continent. Aux antipodes, le modèle économique des cultures intensives s’est, pendant des décennies, justifié par l’impératif de nourrir les populations. Tourné principalement vers l’export, il mise sur l’optimisation maximale des rendements. Il dépend de grands volumes d’eau et de l’usage intensif d’engrais et de pesticides. Il menace l’écosystème et aboutit à des externalités négatives telles que la pollution, les émissions de dioxyde de carbone et la raréfaction de l’eau. Au nom de l’optimisation de l’exploitation intensive, sont sacrifiés, tout à la fois : la valeur nutritionnelle des cultures, les besoins nutritionnels des populations, la santé des sols, la gestion des ressources en eau, les revenus des fermiers, les services publics et les investissements en faveur des communautés rurales, le respect de l’environnement, ainsi que la capacité de résilience de ces fermiers face aux chocs croissants provenant des changements climatiques.


Des Solutions Structurellement Pérennes

Quelles sont les voies susceptibles de mener à des solutions structurellement pérennes, responsables et durables ? Comment relever ce défi perçu comme insurmontable, malgré l’extraordinaire richesse du continent en terres arables ? La réponse se situe précisément dans la combinaison des avantages des deux modèles. Il est évident que les questions d’autosuffisance alimentaire, de résilience, de richesse et variété nutritionnelles ne peuvent trouver de solutions pérennes sans une implication locale et communautaire. Le modèle agraire traditionnel favorise ces valeurs et les bailleurs de fonds réalisent désormais sa proximité avec les réalités et la problématique rurales. Une tendance heureuse se dessine enfin en faveur d’un accroissement des investissements en infrastructures agricoles et en exploitations. À vocation principalement exportatrice, le modèle de production intensive a permis de contribuer positivement aux balances commerciales et de paiements de certaines économies africaines. En revanche, son bilan est négatif à bien des égards : dépendance et insécurité alimentaires, déficit nutritionnel, manque de résilience aux chocs, mauvaise gestion des ressources, iniquité économique au détriment des fermiers. Ce mode d’exploitation se doit d’adopter des solutions technologiquement avancées, inspirées de la nature et intégrant l’élément « changement climatique », ainsi que l’usage efficace et prudent des ressources naturelles. Alors il parviendra à contribuer à la solution.


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