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Shirley Billot, Kadalys Introduit La Banane Au Coeur Du Marché Mondial Des Cosmétiques

Depuis 2010, Shirley Billot révolutionne le marché mondial de la banane. Entre recherche fondamentale et «capitalisme inclusif », l’entrepreneuse implique plusieurs centaines de producteurs dans son projet d’économie circulaire, à la croisée des secteurs cosmétique, nutraceutique, et alimentaire.

Propos Recueillis Par Marie-France Réveillard


Forbes Afrique : Comment votre enfance, passée entre l’Afrique et les Antilles françaises, a-t-elle favorisé votre parcours d’entrepreneuse « à impact » ?

Shirley Billot : J’ai grandi à Djibouti jusqu’à l’âge de 8 ans, avant de rejoindre la Martinique. À 18 ans, je suis arrivée à Paris pour poursuivre plusieurs Masters : en finance internationale, en économie des transports et logistique, puis en intelligence économique. J’ai ensuite conduit des études économiques chez Air France, puis travaillé huit ans dans le conseil. Devenue maman, j’ai ressenti le besoin de voir grandir mon fils aux Antilles. J’ai alors dirigé des centres de profit dans la distribution, puis dans le secteur pharmaceutique, entre la Guadeloupe et la Martinique, durant cinq ans. En 2009, la crise liée à « la vie chère » a été un déclic. J’ai voulu passer à l’action, en créant de l’impact économique, social et environnemental. En 2010, je me suis lancée dans l’entrepreneuriat. Pendant trois ans, j’ai mené des recherches scientifiques pour valoriser les co-produits agricoles de la filière banane et j’ai cartographié la chimie du bananier. C’est ainsi qu’est née Kadalys1 en 2013, aujourd’hui première marque de cosmétiques bio et naturels à utiliser les atouts procurés par le bananier.

J’ai voulu passer à l’action, en créant de l’impact économique, social et environnemental.


En termes d’activités, que représente aujourd’hui Kadalys ?

S. B. : Souvent nommé « la plante aux mille usages », le bananier est la parfaite métaphore de notre modèle d’activité, qui s’articule autour de trois volets : la recherche et développement d’ingrédients, leur production, et enfin la formulation et la commercialisation de produits de beauté finis. J’ai bénéficié de soutiens déterminants, grâce au label « Jeune Entreprise innovante » et à mes premiers « Banana lovers » (Business angels). En dix ans, nous avons levé plus de 2,5 millions d’euros pour financer nos recherches sur le bananier, dont les propriétés s’appliquent tant au domaine de la santé et de la cosmétique qu’à la nutraceutique 2. La R&D est au cœur de notre stratégie. Nous avons multiplié les dépôts de brevets, avec la volonté constante de dévoiler tout le potentiel de cette plante.

La R&D est au cœur de notre stratégie. Nous avons multiplié les dépôts de brevets, avec la volonté constante de dévoiler tout le potentiel de cette plante.

Shirley Billot, Fondatrice Kadalys ©DFStudio

Dans quelle mesure Kadalys s’inscrit-elle dans une logique d’économie circulaire ?

S. B. : Chaque année, plus de 20% de la production mondiale est écartée du marché, dont 40 000 tonnes de bananes en Martinique, où cette filière représente près de 80% des emplois agricoles. En récupérant et en recyclant les co-produits de la production de bananes écartés des circuits de commercialisation, nous avons créé un nouveau segment dans la chaîne de valeur. Nous poursuivons nos efforts de R&D vers d’autres applications, comme en témoigne la création récente d’un arôme destiné à une liqueur pour les Rhums Clément. À travers Kadalys, nous voulons ouvrir de nouveaux débouchés pour les productions agricoles aux Antilles, en valorisant les co-produits. Notre ambition est de promouvoir un modèle de capitalisme à la fois vertueux et inclusif, où rien ne se perd et tout se transforme.

Chaque année, plus de 20% de la production mondiale est écartée du marché, dont 40 000 tonnes de bananes en Martinique, où cette filière représente près de 80 % des emplois agricoles.


L’un de vos objectifs repose sur la transformation locale. De quelle façon avancez- vous sur ce projet ?

S. B. : Nous finalisons actuellement une levée de fonds de plus de 20 millions d’euros pour lancer la construction de notre premier site de production aux Antilles en 2025. Il s’agit pour nous d’un tournant stratégique : en implantant localement des usines, nous rapprochons la transformation de la matière première, ce qui profite autant aux producteurs qu’à l’économie locale. Historiquement, l’industrialisation n’a jamais réellement pu s’implanter aux Antilles, en raison d’un modèle colonial centré sur l’exportation des matières premières. Aujourd’hui, grâce notamment au soutien du ministère français de l’Industrie, qui nous a désignés lauréats de l’appel à projets « France 2030, Ma Première Usine » et nous accompagne à hauteur de 4,5 millions d’euros, nous voulons inverser cette logique. Notre projet entend relocaliser la valeur ajoutée sur place, en créant une filière industrielle innovante et durable.

Nous finalisons actuellement une levée de fonds de plus de 20 millions d’euros pour lancer la construction de notre premier site de production aux Antilles en 2025.


Quels sont vos projets de développement géographique et sectoriel à moyen terme ?

S. B. : En tant qu’expert mondial des ingrédients naturels issus du bananier et pionnier de l’éco-extraction, nous voulons accélérer notre développement. Nous venons tout juste de lancer notre activité de fournisseur d’ingrédients en participant à des salons en Asie fin 2024, où nous avons présenté nos actifs brevetés de bananes vertes, jaunes et roses aux propriétés dépigmentantes, anti-âge et apaisantes. Parallèlement, nous proposons la création d’ingrédients sur mesure à partir de co produits agricoles, afin de répondre aux besoins spécifiques de différents partenaires. Dans cette optique, nous sommes enthousiastes de trouver des partenaires pour déployer des sites industriels de chimie verte en Afrique et en Asie. Nous poursuivons notre expansion, notamment aux États-Unis, soutenus par un accélérateur de marque porté par Josh Ghaim, ex-directeur de la technologie de Johnson & Johnson, qui s’implique activement dans la promotion de projets menés par des entrepreneurs afrodescendants, que ce soit sur le continent africain ou dans la région des Caraïbes.


1. Du mot sanskrit kadali (« banane ») auquel est associé le lys, symbole royal, pour réhabiliter la noblesse du bananier.
2. Nom générique de l’industrie des compléments alimentaires.


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