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Sidi Mohamed Kagnassi : « La réussite entrepreneuriale ne peut pas simplement s’observer sous le prisme financier »

Administrateur de plusieurs compagnies, Sidi Mohamed Kagnassi fait partie des grandes figures africaines des affaires. Très discret, celui qui veut avant tout marquer positivement et durablement la société nous partage sa vision de l’entrepreneuriat et les perspectives prometteuses qu’il entrevoit pour le secteur.

Management I Interview exclusive parue dans l’édition N°75

Forbes Afrique : Vous faites partie des plus grandes fortunes de Côte d’Ivoire. Quel regard portez-vous sur votre parcours et que représente, pour vous, le fait de compter parmi les plus importants tycoons ivoiriens ?

Sidi Mohamed Kagnassi : L’itinéraire de l’entrepreneuriat ne se révèle pas toujours dénué de difficultés. Et la réussite entrepreneuriale ne peut pas simplement s’observer à l’aune du prisme financier. Elle englobe beaucoup d’autres choses, comme la capacité à influencer positivement la société, à promouvoir un développement équilibré et durable. La course au profit n’est pas une motivation pérenne. Figurer parmi les plus grandes fortunes du pays m’encourage aussi à poursuivre mon engagement auprès des jeunes entrepreneurs, qui ont et auront un rôle prépondérant à jouer dans la croissance économique africaine. C’est pourquoi il est important de soutenir leurs projets. L’entrepreneuriat peut être la solution à – au moins – deux de nos principaux défis pour l’avenir : l’emploi des jeunes et le développement du continent. Selon la Banque mondiale, 11 millions de jeunes entreront sur le marché du travail chaque année durant la prochaine décennie. Encourager l’entrepreneuriat, c’est participer à la concrétisation de leurs ambitions, mais aussi leur assurer un emploi. Plus nos pays faciliteront la création d’entreprises, mieux nos économies se porteront. Les banques et les gouvernements devront donc,
ces prochaines années, travailler main dans la main pour améliorer l’accès au financement. Selon la Société Financière Internationale [organisation du Groupe de la Banque mondiale consacrée au secteur privé, NDLR], nos PME seraient confrontées chaque année à un manque de financement de 330 milliards de dollars (307 milliards d’euros). Parallèlement, il est nécessaire de renforcer les compétences entrepreneuriales de nos jeunes. Être entrepreneur s’apprend. Les entrepreneurs expérimentés peuvent être utiles sur ce point. C’est en tout cas ce que j’essaie de faire.

« Plus nos pays faciliteront la création d’entreprises, mieux nos économies se porteront »

Est-ce la raison pour laquelle vous avez décidé de vous lancer sur les réseaux sociaux, malgré votre naturel très discret ?

S. M. K. : C’est exact. Ma présence active sur ces réseaux découle d’une conviction : les plateformes numériques sont un puissant moyen de partage. C’est pour cette raison que j’ai décidé de m’y mettre. Mon emploi du temps ne me permettant pas de m’impliquer assidûment dans le mentorat, je souhaitais tout de même partager mon expérience avec les jeunes générations. L’évolution rapide du paysage des affaires et de la technologie a transformé la manière dont nous interagissons et apprenons. Les réseaux sociaux sont à la fois une source d’information et d’inspiration intarissable,
et une vitrine pour les jeunes entrepreneurs. Le nombre d’utilisateurs en Afrique de l’Ouest est aujourd’hui estimé à 57,73 millions (Data Reportal), et ce chiffre continuera de croître dans les années à venir. Les réseaux sociaux sont donc un véritable tremplin.

Selon vous, il est donc nécessaire d’être présent sur les réseaux sociaux en tant qu’entrepreneur ?

S. M. K. : C’est presque une condition sine qua non. Le défi d’y être présent aujourd’hui concerne plutôt ma génération, qui n’a pas grandi avec ces outils. Nous avons donc dû nous y adapter. Mais il est certain que dans les années à venir, les générations nées avec ces réseaux devront apprendre à utiliser de nouvelles technologies. Et cela arrivera plus vite que
prévu. Je pense notamment à l’intelligence artificielle qui viendra sous peu bousculer nos habitudes. J’encourage donc sincèrement nos jeunes à explorer ces nouvelles voies, à embrasser le changement et à utiliser ces outils pour construire des solutions audacieuses. C’est d’ailleurs l’essence même d’un entrepreneur selon moi : faire preuve de résilience, savoir se réinventer.

Comme le disait Jean Mermoz : « Ce sont les échecs bien supportés qui donnent le droit de réussir ».

Quel conseil donneriez-vous à un jeune entrepreneur ?

S. M. K. : De ne pas avoir peur de l’échec. Que ce soit dans la sphère professionnelle ou privée, l’échec est toujours redouté. Pourtant, il fait partie intégrante de notre chemin de vie. Souvent, il est même un catalyseur pour la croissance personnelle et professionnelle. J’ai appris à voir l’échec comme une opportunité d’apprentissage, à en tirer des leçons et à transformer les obstacles en possibilités. Ne plus avoir peur d’échouer m’a entre autres permis de prendre plus de risques et de maximiser mes chances de réussite. Comme le disait Jean Mermoz : « Ce sont les échecs bien supportés qui donnent le droit de réussir ».

Qu’est-ce qu’être entrepreneur en 2023 ?

S. M. K. : C’est être en phase avec un monde en constante évolution, fortement influencé par la technologie et la digitalisation. C’est aussi avoir la capacité de saisir les opportunités offertes par l’innovation, le numérique, les nouvelles tendances du marché. Selon un rapport de la Société financière internationale et Google, l’économie numérique représentera plus de 5,2 % du PIB du continent africain d’ici à 2025. Quand on sait qu’en moyenne, 84 % des personnes vivant en Afrique subsaharienne résident dans des zones disposant de la 3G (54 % pour la 4G), il est plutôt clair que la plupart des opportunités business de demain se trouveront (et se trouvent déjà) dans le secteur numérique. Les entrepreneurs d’aujourd’hui doivent donc non seulement posséder des compétences économiques solides, mais aussi avoir une compréhension approfondie des outils digitaux. Voilà pourquoi je mentionnais précédemment l’importance d’utiliser ces nouveaux outils. Ils s’imposeront à nous quoi qu’il arrive, autant en tirer parti. Nos générations ont le potentiel pour le faire. Il suffit de leur montrer la voie.

Et dans les années à venir ?

S. M. K. : Au-delà du numérique, j’ai bon espoir que la génération montante d’entrepreneurs joue un rôle clé dans la création de solutions durables pour les défis auxquels fait déjà face notre continent. Comme je l’ai dit, la priorité pour les années à venir sera la création d’emplois. La moitié de la population africaine aura moins de 25 ans en 2050. Autant de personnes à qui il faudra offrir des opportunités professionnelles. Les entrepreneurs de demain n’auront pas non plus le choix d’être engagés ou non pour le développement durable. Avec un PIB combiné de 3,5 billions de dollars (3,27 billions d’euros) d’après l’ONU, l’Afrique est le plus grand marché de croissance du monde. Même si nous ne sommes pas majoritairement responsables de la pollution et du réchauffement climatique, nous ne pouvons les ignorer. Nous sommes d’ailleurs directement concernés: les sécheresses, la hausse des températures et l’érosion de nos littoraux en témoignent. Il faudra travailler différemment, en mettant en place des pratiques commerciales plus éthiques qui modifieront directement l’impact de nos entreprises sur la société et l’environnement. Des initiatives internationales existent déjà. Je pense notamment au Pacte mondial des Nations unies. Les entreprises africaines, et donc les entrepreneurs, auront un rôle important à jouer dans ce type d’initiatives.

Crédit photo : ©Shutterstock.com By EBS Professional

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