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Sylvia Gathoni alias QueenArrow : ambassadrice de l’esport africain dans le monde

Si le monde de l’esport explose en Afrique, les femmes en sont toutefois les grandes absentes. Raison de plus pour s’intéresser à la kenyane Sylvia Gathoni, 25 ans, première pro-gameuse africaine signée par une équipe professionnelle, XiT Gaming et membre de la prestigieuse écurie Red Bull. Connue sous le pseudo de QueenArrow — le célèbre personnage de fiction de DC Comics —, cette avocate de formation s’est spécialisée dans Tekken 7, un jeu vidéo de combat.

Propos recueillis par Afaf Aboudoulama I Dossier Gaming FA72

« Bientôt, le monde viendra vers nous »

Forbes Afrique : Comment êtes-vous entrée dans le monde du jeu vidéo ? Quel a été votre parcours ?

Sylvia GATHONI : Mon frère aîné et mon cousin adoraient les jeux vidéo. Je les suivais et j’étais fascinée par cet univers. C’est ce qui m’a amenée à jouer à Tomb Raider, King of Fighters, Street Fighter, Tekken, Mortal Kombat et bien d’autres. Puis j’ai réussi à bien débuter ma carrière et j’ai enchaîné les compétitions : tournoi Mortal Kombat XL à l’East African Gaming Convention (quatrième place, en 2017), Blaze Esport Tour en 2019 (première place), Red Bull Hit The Streets en Afrique du Sud (cinquième place), en 2021. J’ai aussi obtenu un Top 8 à l’un de nos qualificatifs Tekken locaux, en 2020. En Guadeloupe, j’ai participé en 2022 à l’épreuve CANOC Esports Series et obtenu la cinquième place en mixte et la première place à l’épreuve féminine. Oh, j’ai failli oublier ! J’ai fait partie, en 2022, de la liste Forbes 30 Under 30.

Quels obstacles avez-vous rencontrés en tant que joueuse pro ?

S.G. : Je dirais que certains de ces obstacles sont liés à l’apprentissage de Tekken, connu pour être l’un des jeux les plus difficiles du marché en raison de sa profondeur dans l’espace et du fait qu’il n’existe pas de mode tutoriel. J’ai dû apprendre sur le tas des choses comme les données d’images, le mouvement, la connaissance des personnages et les approches. De plus, l’industrie de l’esport ici au Kenya n’est pas vraiment accessible en raison des coûts élevés des consoles et des jeux. Heureusement, les salles de jeux les rendent un peu plus abordables, mais il y a toujours un coût à payer à l’heure. Au départ, je n’avais pas de console et il m’était donc très difficile de m’entraîner. De plus, mes parents ont d’abord été très réticents face à ma passion : comme beaucoup, ils percevaient les jeux vidéo comme des jeux d’argent et pensaient que je perdais mon temps plutôt que d’étudier (Sylvia est titulaire d’un diplôme en droit de l’Université catholique d’Afrique de l’Est, NDLR). J’ai décidé de continuer malgré tout et je leur ai prouvé qu’ils se trompaient, en étant aussi concrète que possible dans mes efforts. J’ai également connu, récemment, les difficultés qui accompagnent les régimes imposant des mesures restrictives en matière de visas. Voyager avec un passeport kényan est compliqué. C’est frustrant, car vous vous sentez puni d’être né dans un pays particulier. S’entraîner pour un événement sans savoir si vous pourrez vous y rendre est démoralisant.

Sylvia “QueenArrow” Gathoni (Kenya), joueuse d’esport et créatrice de contenus ©Timo Verdeil

Vous êtes devenue la première joueuse professionnelle africaine et êtes également ambassadrice de l’esport africain dans le monde. Comment voyez-vous le développement de cette pratique chez les jeunes en Afrique ?

S.G. : Je pense que bientôt, la région africaine aura développé les structures nécessaires pour accueillir ceux d’entre nous qui poursuivent une carrière dans l’esport. L’industrie sera en mesure de connaître nos souhaits, nos lacunes et les solutions à y appliquer. Par exemple, je crois qu’il est important de construire une culture cohérente en matière de tournois, qui donne l’occasion de pratiquer différents jeux et de s’améliorer. Nous ne serons alors plus obligés de toujours voyager hors du continent en quête d’opportunités nous permettant de prospérer au sein de cette industrie : le monde viendra vers nous pour s’engager dans nos écosystèmes particuliers. Et cet engagement se fera selon nos propres conditions.

Quels sont vos objectifs pour les mois et les années à venir ?

S.G. : Je souhaite acquérir cette expérience de la compétition dont j’ai tant besoin, ce qui m’acclimatera aux tournois et me permettra de grandir, d’apprendre et d’être parmi les meilleurs joueurs non seulement de ma région, mais aussi du monde. J’espère bientôt représenter le Kenya dans d’autres événements internationaux… dont les Jeux olympiques, une fois que l’esport fera partie de la programmation principale. Mon autre objectif est de faire en sorte que l’industrie de l’esport soit plus diversifiée et inclusive, pour que de plus en plus d’acteurs africains puissent s’y produire. Cela signifie faire pression pour que davantage d’événements aient lieu dans des pays dotés de politiques flexibles côté visas, si ceux ayant des régimes « punitifs » ne peuvent accueillir des athlètes d’esport pourtant qualifiés pour des compétitions majeures. Récemment, je suis également devenue plus impliquée dans les causes environnementales : je veux trouver comment être utile pour m’assurer de laisser derrière moi un monde meilleur et plus sain. Au-delà de ces buts, je souhaite simplement être la meilleure personne et la meilleure athlète possible, en plus d’être un bon exemple pour la future classe d’athlètes de sport électronique.

« Je veux être parmi les meilleurs joueurs non seulement de ma région, mais aussi du monde »

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