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Sylvie Darnaudet, Directrice Générale de Jet Monde : “L’Afrique représente 30 % de notre chiffre d’affaires”


Après avoir dirigé la compagnie d’avions d’affaires Darta Transports Aériens fondée par son père Yves Darnaudet en 1971, Sylvie Darnaudet a créé il y a dix ans Jet Monde, entreprise spécialisée dans l’aviation d’affaires, les missions VIP et les transports urgents. Impact de la pandémie sur le secteur, spécificités de la clientèle africaine, efforts en faveur de la décarbonation… : dans cet entretien à bâtons rompus, elle nous livre sa vision des choses.

Propos recueillis par Élodie Vermeil


Forbes Afrique : Pouvez-vous nous présenter brièvement votre parcours ? 

Sylvie Darnaudet : Passionnée par l’aviation depuis mon plus jeune âge, en tant que pilote privé et fille de pilote de chasse, je savais que mon parcours professionnel serait bercé par le vrombissement des moteurs. C’est ainsi qu’après avoir dirigé la compagnie d’avions d’affaires Darta Transports Aériens aux côtés de mon père Yves Darnaudet qui en était le fondateur, j’ai créé la compagnie Jet Monde il y a dix ans, avec le concours de Fabienne Cottet Dumoulin et Martine Durand, toutes deux directrices et associées.

Yves et Sylvie Darnaudet, Directrice Générale de Jet Monde

Quelles sont les activités de votre compagnie ?

S. D. : Spécialisée dans l’aviation d’affaires, les missions VIP et les transports urgents, Jet Monde est disponible 24 heures sur 24 pour répondre à toutes les demandes de transport embarquant 1 à 50 passagers et plus. Notre clientèle est constituée d’hommes et de femmes d’affaires, d’industriels, de collaborateurs, de chefs d’État, à qui nous permettons d’optimiser leur temps en se rapprochant au plus près de leur destination, rapidement et en toute confidentialité. L’aviation d’affaires représente 80 % de notre chiffre d’affaires, qui s’élève à 18 millions d’euros.


Quels sont vos atouts ? 

S. D. : Nos bases de Paris-Le Bourget, Nantes, Genève et Dakar nous permettent d’être au plus près de notre clientèle, sachant que nos partenaires américains et moyen-orientaux élargissent également nos capacités de réponses aux meilleurs tarifs et dans les meilleurs délais. Nous préparons actuellement l’installation d’un bureau à Dubaï. Notre gamme d’appareils est très vaste, allant d’un petit jet de 4 places adapté aux petits trajets pour un prix d’environ 2 800 euros de l’heure, jusqu’aux jets appelés « long range » type Falcon 8X (Dassault Aviation), pour des missions transatlantiques très éloignées et/ou mal desservies par l’aviation de ligne. Nous disposons aussi d’avions “VIP” plus adaptés aux chefs d’État et aux stars du show-business, avec à bord une chambre à coucher et plusieurs salons permettant aux passagers d’effectuer des vols de nuit et de réaliser des réunions de travail. Certains groupes de rock parviennent même à répéter leur show à bord. 

Falcon 8X ©Dassault Falcon

Outre l’aviation d’affaires, comment se répartissent vos affrètements annuels?

S. D. : Nous effectuons peu de transports médicaux, car les contraintes sanitaires étant de plus en plus fortes, surtout depuis la Covid-19, nous préférons confier cette activité à des compagnies ayant des avions « hôpital » complètement transformés en salles de soin et réanimation. Les EVASAN (évacuations sanitaires) représentent donc à peine 5 % de notre activité. Les 15 % restants représentent les déplacements pour les loisirs, avec un pic d’activité en été, et en hiver vers les stations de ski. 

Comment la Covid a-t-elle impacté votre activité et, au-delà, le secteur du courtage aérien ?

S. D. : De façon totalement inattendue, la pandémie a permis d’aider l’aviation d’affaires, puisque notre secteur s’est substitué aux lignes commerciales qui étaient interrompues, voire totalement abandonnées par certaines compagnies. Ainsi, les personnes ayant absolument besoin de se déplacer ont fait appel à nos services. D’abord parce que nous étions opérationnels, mais aussi et surtout parce que, sur le plan sanitaire, nos avions évitaient la promiscuité des avions de ligne, tant au moment de l’embarquement que dans l’avion. Cela nous a permis de développer une clientèle que nous n’avions pas auparavant, en l’occurrence beaucoup d’hommes d’affaires, d’industriels, de collaborateurs, mais également des jeunes patrons qui ignoraient l’existence de nos services. Ils ont essentiellement recouru à des avions de petite taille, donc raisonnables en termes de prix et de bilan carbone. Notre secteur s’est donc ouvert à une nouvelle clientèle. Enfin, la pandémie a aussi permis à nos appareils d’effectuer des rapatriements sanitaires de patients atteints du virus avec des PMIU (Portable Medical Isolation Unit) et ainsi de sauver des vies. 


Quelle part de marché l’Afrique représente-t-elle pour Jet Monde ? 

S. D. : Environ 30 % de notre chiffre d’affaires.

Falcon 8X Ultra-long range advanced business jet

Quelles sont les spécificités de ce marché et comment vous y adaptez-vous ?

S. D. : La plupart des clients africains (surtout des hommes d’affaires, des dirigeants d’entreprises et des chefs d’État) utilisent nos services pour des voyages d’affaires plutôt que de loisirs. Ils exigent de notre part une grande flexibilité en termes de dates et d’itinéraires de vol, car ils peuvent changer leurs plans de voyage au dernier moment pour répondre à des exigences professionnelles ou personnelles. D’autre part, en raison de la situation politique et sécuritaire prévalant dans certaines parties du continent, la sécurité est une préoccupation majeure pour eux. L’avion d’affaires leur permet par ailleurs de rejoindre des villes et des régions non desservies par les lignes régulières, ou sinon desservies de manière irrationnelle, les obligeant par exemple à repasser par l’Europe pour rejoindre un État voisin. Enfin, ces clients apprécient le luxe et le confort et sont souvent prêts à payer un supplément pour des services de qualité supérieure, comme des cabines spacieuses et confortables ou des prestations hôtelières haut de gamme.


En quoi la clientèle africaine se distingue-t-elle de la clientèle européenne ? 

S. D. : C’est une clientèle très agréable, mais très exigeante. Nous devons nous adapter à ses changements de plannings et gérer des autorisations de vol différentes en fonction de chaque pays, ce qui nécessite une attention toute particulière afin d’assurer les missions en toute sécurité. La clientèle européenne est plus corporate, avec des plannings plus stables et des destinations moins lointaines, grâce aux nombreuses possibilités de transport qui lui sont offertes, ce qui n’est absolument pas le cas de la clientèle africaine.


Quelle est votre position face aux polémiques ciblant l’aviation d’affaires et au « jet bashing », qui l’assimile à une aviation de luxe polluante et onéreuse ? 

S. D. : Cette opinion est malheureusement née de la méconnaissance totale de notre activité, de ses conséquences en matière de bilan carbone et de l’évolution de l’aviation en général, qui fait partie des secteurs les plus avancés en matière de décarbonation. La consommation carbone de l’aviation d’affaires en Europe représente seulement 0,002 % de la consommation carbone globale. Il faut également souligner que les jets d’affaires peuvent utiliser des aéroports plus petits et plus proches de leur destination et recourir aux biocarburants, ce qui réduit les émissions de CO2. L’aviation d’affaires peut certes avoir un impact sur l’environnement comme toutes les activités de transport, mais elle est un secteur important pour l’économie mondiale et elle sert à des recherches sur l’avion décarboné du futur. 

Les acteurs du secteur sont tous conscients des efforts à faire pour décarboner au plus vite notre activité, et ce depuis des années. Pour sa part, Jet Monde utilise déjà du biocarburant lorsque cela est possible, et recourt par exemple à des « tracteurs » électriques pour déplacer les appareils sur les parkings. Ce n’est certainement pas en interdisant les avions d’affaires que nous ferons avancer la décarbonation, bien au contraire. Il ne faudrait pas que le « jet bashing » soit en réalité du « riches bashing ».



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