Le média de ceux qui construisent l'Afrique d'aujourd'hui et de demain

Tourisme : Les recettes du Bénin et du Rwanda pour faire la différence

Déterminés à s’imposer sur un marché très concurrentiel, le Bénin et le Rwanda ont développé avec succès une offre touristique spécifique, basée sur leurs atouts respectifs. Analyse. 

Par Emmanuelle Sodji, Fawaz Khalil et Jacques Lirashe


Filière économique majeure, le tourisme est plus que jamais considéré comme un secteur clé par les États africains, nombre d’entre eux cherchant à renforcer leur filière nationale en spécialisant celle-ci sur une niche spécifique, dans un contexte de nécessaire diversification économique. 

Sixième destination touristique en Afrique de l’Ouest (337 000 touristes en 2019), le Bénin fait partie de ceux-là : le pays est engagé depuis plusieurs années dans le renforcement de son offre en matière de tourisme culturel et mémoriel, l’un des piliers de sa stratégie nationale de développement. Et pour cause : avec une contribution annuelle au PIB de plus de 215 millions d’euros, le secteur est aujourd’hui la deuxième source nationale de rentrées de devises, ainsi qu’un important pourvoyeur d’emplois. Une tendance qui ne devrait aller qu’en se renforçant : selon les projections de la présidence béninoise, le secteur devrait employer quelque 700 000 personnes d’ici 2030 et représenter 10 % du PIB du pays (contre 6 % actuellement). Pas étonnant dans ces conditions que les autorités soient particulièrement proactives pour faire avancer les principaux chantiers en cours. 

La grande Mosquée de Porto-Novo

Une série d’initiatives lancées

Sous la supervision de l’Agence nationale de promotion des patrimoines et de développement du tourisme (ANPT), et avec l’aide de plusieurs partenaires financiers comme l’Agence française de développement (AFD), la Banque mondiale et la China Bank, plusieurs initiatives ont été lancées, à l’image du projet de création du musée de l’épopée des Amazones et des Rois du Danhomè, la valorisation du site palatial d’Abomey ou encore l’aménagement des temples vaudous à Porto-Novo et de la cité lacustre de Ganvié – la Venise africaine –, située sur le lac Nokoué. 

Chantier emblématique de cette politique volontariste, le projet du musée de l’épopée des Amazones et des rois du Danhomè, financé à hauteur de 10 millions d’euros par le gouvernement béninois et 35 millions d’euros par l’AFD concernera notamment « la réhabilitation des tissus existants des palais royaux des quatre derniers souverains d’Abomey, et l’aménagement d’une promenade patrimoniale incluant la construction d’un nouveau musée de 3 000 m2 dans l’ancienne cour des Amazones du roi Ghézo », explique Alain Godonou, directeur du programme Musées à l’ANPT et fonctionnaire béninois à l’UNESCO.  

Amazone, nouvelle statue emblématique du Bénin. ©Présidence du Bénin

La promotion du patrimoine local

À Porto-Novo, la capitale politique, la promotion du patrimoine local passera par la construction du Musée International du Vodun, entièrement financé par l’État béninois à hauteur de 25 milliards de francs CFA (38 millions d’euros) tandis que l’aménagement des places Vodouse verra attribuer une enveloppe de plus de 10 millions d’euros, financée par les contribuables et les partenaires financiers. Plus à l’ouest, à Ouidah, cité historique associée à la traite des esclaves, le bâtiment flambant neuf du Musée international de la mémoire et de l’esclavage (MIME) abritera prochainement une exposition permanente consacrée à la traite. Sans parler des travaux réalisés dans l’ancien fort portugais, entièrement rénové. 

Seul bémol : la situation sécuritaire dans l’extrême nord-ouest du pays, causée par la menace djihadiste dans cette zone frontalière avec le Burkina Faso. Connu pour abriter une faune exceptionnelle de lions et d’éléphants, le parc national de la Pendjari a ainsi dû temporairement fermer en 2019, après que deux touristes français ont été enlevés par un groupe djihadiste, et leur guide assassiné. 

Pas de quoi détourner cependant le gouvernement béninois de son ambition : accueillir 2 millions de touristes d’ici 2030, soit six fois plus qu’aujourd’hui. Un potentiel de croissance qui fait d’ores et déjà saliver les grandes marques hôtelières. Du nouveau Sofitel Hotel au futur Cove Beach Hotel and Resort, en attendant les arrivées prochaines des groupes Hilton, Banyan Tree et Angsana, les spécialistes du secteur multiplient les implantations d’établissements de standing à Cotonou et dans le reste du pays.

Musée international de la mémoire et de l’esclavage de Ouidah

Le double pari de l’écotourisme et du tourisme d’affaires

Plus au sud du continent, le Rwanda a quant à lui fait le double pari de développer un écotourisme de luxe à destination d’une clientèle aisée et sensible aux enjeux environnementaux, ainsi qu’un tourisme de conférences, aux marges copieuses. Une stratégie couronnée de succès. À la réouverture du parc national des Volcans, en 1999, une réserve protégée dans le nord du pays abritant l’une des dernières populations de gorilles de montagne de la planète, seuls 417 visiteurs furent comptabilisés sur l’ensemble de l’année. Ils sont désormais plus de 30 000 à se laisser tenter chaque année par l’expérience, moyennant, il est vrai, un prix de 1  500 dollars (environ 1 370 euros) le permis de visite pour les étrangers non résidents. Idem pour les parcs nationaux de l’Akagera (savane dans l’est du pays) et de la forêt de Nyungwe (Sud), dont la fréquentation a décollé depuis le début des années 2000. Quant à la progression du nombre total des arrivées, elle est à l’image de l’ascension économique du pays, impressionnante : de 104 000 en 2000, les visiteurs sont aujourd’hui plus d’un million à fouler annuellement le sol rwandais (1  634 000 en 2019, selon les données de la Banque mondiale). De quoi sensiblement gonfler les recettes encaissées. 

Un gorille des montagnes I National volcans Rwanda

445 millions de dollars de revenus en 2022

Au total, en 2022, le tourisme a généré 445 millions de dollars (405 millions d’euros) de revenus, contre 164 millions de dollars (149 millions d’euros) en 2021, selon les données publiées par le Rwanda Development Board (RDB) en mai. Un ordre de grandeur quasi équivalent à l’activité prépandémique (528 millions de dollars en 2019, soit plus de 480 millions d’euros) et que le RDB attribue en premier lieu à « la levée globale des restrictions de voyage ainsi qu’à l’augmentation de la connectivité par RwandAir ».  

De fait, le pavillon rwandais est considéré comme une pièce maîtresse dans la stratégie de développement du tourisme de ce pays enclavé et longtemps mal connecté. Depuis son hub de Kigali, la compagnie aérienne dessert aujourd’hui 28 destinations en Afrique orientale, centrale, occidentale et australe ainsi qu’au Moyen-Orient, en Europe et en Asie. Et parmi les passagers transportés, outre les touristes, hommes d’affaires et conférenciers sont de plus en nombreux à passer par la capitale du pays des Mille collines : Kigali figure désormais dans le peloton de tête des villes africaines pour l’accueil de congrès et des grandes manifestations sportives (compétition de la Basket-ball African League/BAL et de l’Afrobasket, championnats du monde de cyclisme sur route en 2025…). Autant de bonnes occasions de remplir les hôtels de la capitale rwandaise pendant plusieurs jours au prix fort. 


Des faiblesses à corriger

Il n’empêche, les faiblesses persistent dans la filière touristique rwandaise. La Fédération rwandaise du secteur privé (FRSP) pointe ainsi régulièrement du doigt les difficultés nées de l’inadéquation du système éducatif et du manque de personnel qualifié, deux facteurs qui constituent un réel frein au développement pérenne du tourisme dans le pays. Opérant depuis Kigali, un hôtelier européen déplore ainsi « le fossé existant entre les besoins en qualifications générés par le développement du secteur et l’offre correspondante de personnel formé ». Un diagnostic sans fard dont les autorités nationales sont bien conscientes, puisqu’elles ont multiplié au cours des dernières années les ouvertures d’établissements de formation en alternance. Un investissement conséquent parmi de nombreux autres – inauguration en 2015 du Kigali Convention Center, campagne Visit Rwanda avec le PSG et Arsenal depuis 2018, construction en cours du nouvel aéroport international de Bugesera…) –pour maintenir l’image flatteuse jusque-là véhiculée par le pays : propre, sûr, accueillant et doté d’un climat des affaires exemplaire. 

Kigali Convention Center

©Droits Réservés

Partager l’article


Ne manquez aucun de nos articles.

Inscrivez-vous et recevez une alerte par email
à chaque article publié sur forbesafrique.com

Bonne lecture !

Profitez de notre abonnement illimité et sans engagement pour 5 euros par mois

√ Accédez à tous les numéros du mensuel Forbes Afrique de l'année grâce à notre liseuse digitale.
√ Bénéficiez de l'accès à l'ensemble des articles du site forbesafrique.com, y compris les articles exclusifs.