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VIVATECH 2024 : Quel Bilan Pour La Tech Africaine ?

Après quatre jours d’effervescence, le salon VIVA TECHNOLOGY a refermé ses portes sur une édition consacrée à l’intelligence artificielle (IA), où l’Afrique était faiblement représentée. Voici ce qu’il faut retenir de cette 8e édition, qui s’est déroulée du 22 au 25 mai.

Par Marie-France Réveillard


Lancé en 2016 dans une logique de « startup nation » made in France, VIVATECH, qui réunissait 45 000 visiteurs et 5 000 startups la première année, a rassemblé 150 000 visiteurs en 2023, dépassant l’affluence du fameux Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas. Plus de 150 000 participants, 11 400 startups et 2 800 exposants étaient attendus cette année au Parc des Expositions de Paris, porte de Versailles, pour cette nouvelle édition.

« Mon fils recevra son diplôme demain, c’est pourquoi je n’ai malheureusement pas pu venir à Paris, cette année », s’est excusé Elon Musk, en visioconférence, au second jour du sommet. Alors que le thème majeur du sommet reposait sur l’IA, il a rappelé les dangers de cette technologie disruptive. « C’est important que l’IA soit formée pour être honnête (…) Si vous programmez votre IA pour qu’elle soit malhonnête, je pense que ça va mal tourner », a-t-il prévenu, en ciblant OpenAI. En 2018, le fondateur de SpaceX déclarait, lors du festival SXSW au Texas, que l’IA était « plus dangereuse que les bombes atomiques ». A contrario, Yann LeCun, le « Monsieur IA » de META, considère que l’IA n’égalera jamais l’intelligence humaine. Le débat est lancé !

« Nous n’avons pas choisi le thème de l’IA, je dirais plutôt que c’est l’IA qui nous a choisis ! », explique Pierre Louette, le PDG du groupe Les Échos-Le Parisien, coorganisateur du salon VIVATECH. « Depuis l’arrivée de ChatGPT, l’IA s’est démocratisée et le sujet s’est imposé à tous. L’IA se retrouve dans chaque secteur d’activité et bouleverse les usages », ajoute-t-il.

Si la star de la Tech mondiale (Elon Musk) a fait faux bond aux organisateurs, ce sont les sœurs Williams (start-up de trading social Shares), John Kerry (ex-Secrétaire d’État des États-Unis) ou encore Robin Li (cofondateur et président en chef de Baidu), qui ont marqué ces rencontres. « Nous sommes très contents de cette édition 2024, qui a réuni, une fois de plus, les startups les plus prometteuses et les géants du secteur », se félicite Pierre Louette, au dernier jour du sommet.


La Démonstration De Force Numérique De La Côte d’Ivoire

« C’est notre première participation en tant que délégation. Nous sommes venus avec 32 startups (fintech, edtech, IA, agritech, IoT, SAS et robotique) pour promouvoir notre écosystème et nous ouvrir aux marchés européens », déclare Kawther Binani, Project Manager au sein d’Algeria Venture (le premier accélérateur public de startups en Algérie). « La délégation a finalisé deux partenariats et reçu plusieurs promesses d’engagements (…) Comparativement aux autres sommets, VIVATECH est francophone et pour nous, c’est un véritable avantage », ajoute-t-elle.

Au-delà de la présence remarquée des Algériens, la Côte d’Ivoire s’est une fois de plus illustrée par la richesse de ses innovations. « Grâce à sa participation à VIVATECH 2023, ICT4DEV a triplé son chiffre d’affaires, qui est passé de 124 millions de francs CFA à 360 millions de francs CFA [de 189 000 à 548 000 euros, NDLR], et plusieurs de nos startups ont signé des partenariats avec des entreprises françaises (…). Personnellement, je réfléchis à une version IVOIRE-TECH pour répliquer le modèle de VIVATECH qui repose sur le secteur privé tout en étant soutenu par les pouvoirs publics. C’est un modèle qui fonctionne », constate Ibrahim Kalil Konaté, le ministre de la Transition numérique et de la Digitalisation de la Côte d’Ivoire.

De gauche à droite : Mamadou TOURÉ & Ibrahim Kalil KONATÉ

Tout au long du sommet, Karim Nazonna Soro, 36 ans, le PDG d’INNOV INVEST– à l’origine du premier ordinateur (i-Computer) entièrement fabriqué en Côte d’Ivoire (vendu à partir de 200 euros) – est sollicité en permanence. Le ministre ivoirien ne tarit pas d’éloge sur l’entrepreneur, qui cherche à lever 2 millions d’euros pour embaucher du personnel et augmenter ses capacités de production. « Nous voulons passer de 15 à 50 employés d’ici la fin de l’année dans le but d’augmenter notre capacité de production mensuelle. Cinq investisseurs européens et américains ont manifesté leur intérêt sur le salon VIVATECH », précise Karim Nazonna Soro, qui voit grand. « Nous voulons à terme, commercialiser nos produits (tablettes, PC et smartphones) sur tout le continent africain », annonce-t-il.

Vivatech Karim Nazonna Soro, PDG INNOV-INVEST

L’édition 2024 de VIVATECH aura également répondu à toutes les attentes d’Olivier Gene, qui dirige BESOLAR Project, la startup ivoirienne spécialisée dans le reconditionnement des fermes solaires. « Nous étions venus à Paris pour faire connaître notre initiative et pour lever des fonds, et nous avons signé un accord. Nous sommes en passe d’atteindre notre objectif de 3 millions d’euros », se réjouit-il.

« Personnellement, je réfléchis à une version IVOIRE-TECH pour répliquer le modèle de VIVATECH qui repose sur le secteur privé tout en étant soutenu par les pouvoirs publics. C’est un modèle qui fonctionne » – Ibrahim Kalil Konaté


Le Rendez-Vous Parisien De La Tech Bientôt Concurrencé Par Berlin ?

« Cette année, la présence des délégations africaines me semble moins importante que d’habitude », relève Mohammed, un entrepreneur tunisien spécialiste de l’IA. En effet, seuls la Tunisie, l’Algérie, la Côte d’Ivoire et le Sénégal disposaient de leur pavillon. Où sont passées les pépites marocaines, nigérianes et kenyanes ? « Peut-être que l’approche de GITEX Africa dans quelques jours a forcé les participants à faire des choix », ajoute-t-il. La proximité du rendez-vous marocain n’explique pas tout pour Kévin Guei, un jeune startuper ivoirien (I2GP & Digital’Perspectives), qui souligne que les billets d’entrée «sont assez chers ». « Cela m’a coûté environ 200 euros, alors que le ticket d’entrée n’est que de 40 dollars pour participer au GITEX Africa de Marrakech », observe-t-il.

Par ailleurs, la difficulté à obtenir des visas continue de peser sur la présence des startupers africains. Sur les dix entreprises tunisiennes invitées à Vivatech, deux n’ont pu assister à l’événement, faute de visa. Sur chaque stand, la même problématique apparaît. Ce à quoi Pierre Louette répond: « Les problèmes de visa se posent partout, malheureusement. Quant aux tarifs, ils reflètent aussi l’importance de cet événement qui est devenu en quelques années le rendez-vous majeur de la Tech en Europe. Ils sont d’ailleurs très inférieurs à ceux du CES de Las Vegas. Enfin, nous avons développé des partenariats avec les écoles et lancé une plateforme en ligne, pour que le salon soit accessible au plus grand nombre ».

Du 29 au 31 mai, Marrakech accueillera la seconde édition de GITEX Africa, la déclinaison du sommet émirati organisé par le Dubaï World Trade Centre (DWTC). La « ville rouge » attend plus de 50 000 visiteurs pour l’occasion, ainsi que 1 800 exposants, plus de 400 investisseurs et quelque 550 délégations ministérielles. La Tech africaine s’est donné rendez-vous dans le royaume chérifien 24 heures seulement après la fin de VIVATECH. « Habituellement, VIVATECH est organisé au mois de juin, mais compte tenu de la proximité des Jeux olympiques, nous avons pris la décision d’avancer la date de l’événement. Ça ne sera pas le cas l’année prochaine », précise Pierre Louette.

Enfin, l’annonce d’un GITEX Europe, qui se tiendra à Berlin en mai 2025, risque fort de bousculer le sommet parisien, présenté jusqu’à présent comme le plus grand salon européen de la Tech. « La perspective d’un GITEX Europe ne nous inquiète pas, bien au contraire », assure pourtant Pierre Louette : « Il sera difficile de surpasser les performances de VIVATECH, qui rencontre un très grand succès public. Par ailleurs, il y a un intérêt dans chaque rencontre, donc c’est plutôt une bonne chose et je souhaite la bienvenue à la concurrence ! ».


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