Alors que le Nigérian Aliko Dangote, figure tutélaire de l’industrialisation africaine, aborde la question de la transmission (il a 68 ans), ses trois filles se retrouvent au cœur de la stratégie familiale. Mariya, Halima et Fatima s’affirment comme les visages d’une transition inédite : gouvernance familiale assumée, influence sociétale et ancrage stratégique dans les secteurs clés. Une évolution qui dépasse la simple succession et interroge l’avenir même du capitalisme africain.
Par Olivia Yéré Daubrey
Pendant longtemps, les grands conglomérats africains ont été marqués par des figures patriarcales centrales. Mais avec Mariya (35 ans), Halima (33 ans) et Fatima (32 ans) Dangote, un basculement s’opère. « L’ascension des filles Dangote au premier plan du groupe marque un tournant dans le capitalisme africain, longtemps dominé par des figures masculines. Leur arrivée traduit l’évolution vers une gouvernance plus inclusive », observe Ibrahim Salifou, expert international en arbitrage. À quoi s’ajoute un autre constat : avec cette fratrie, l’héritage ne se limite plus à une transmission symbolique, il se transforme en gouvernance active et stratégique.
Le Pari des Sœurs Dangote
Le défi des héritières est clair : transformer un héritage patrimonial en leadership moderne, crédible et international. Comme le rappelle la Banque africaine de développement (2024), l’influence des champions africains ne devient durable que si elle s’appuie sur une gouvernance alignée sur les standards mondiaux et sur une internationalisation crédible.
Dans un monde où la transparence, la durabilité et l’innovation pèsent autant que la puissance industrielle, Mariya, Halima et Fatima sont appelées à incarner une nouvelle étape. « Ce défi est d’adapter l’héritage aux standards d’un capitalisme globalisé », résume Ibrahim Salifou.
« L’influence des champions africains ne devient durable que si elle s’appuie sur une gouvernance alignée sur les standards mondiaux et sur une internationalisation crédible »
Mariya Dangote, la Gardienne de la Gouvernance
Aînée du trio, Mariya, 35 ans, symbolise la prudence et la planification. En août 2025, elle a été nommée au conseil de Dangote Cement, la troisième plus grande entreprise cotée du Nigéria (5,4 milliards de dollars de capitalisation). Déjà directrice exécutive des opérations de Dangote Sugar Refinery depuis 2022, elle a aussi piloté la transformation digitale et la stratégie de diversification.
Diplômée d’un MBA à Coventry University, elle incarne une expertise transversale entre gouvernance, gestion des risques et opérations industrielles. Sa nomination à Dangote Cement illustre une volonté de préparer méthodiquement la relève.
« En août 2025, Mariya, 35 ans, a été nommée au conseil de Dangote Cement »

Halima Dangote, l’Ambassadrice de l’Influence et de l’Inclusion
À 33 ans, Halima occupe depuis 2019 le poste de directrice exécutive des opérations commerciales au sein de Dangote Industries. Membre du conseil de Dangote Cement depuis 2022, elle est aussi présidente du conseil de The Africa Center à New York, vitrine du softpower africain.
Son parcours est marqué par la restructuration de Dangote Flour Mills, la direction de NASCON Allied Industries et la mise en place du Family Office de Dubaï. Mais c’est surtout son engagement pour l’inclusion qui la distingue. Elle a créé le Dangote Women’s Network, défendu le rôle des femmes dans l’économie et plaidé publiquement pour un leadership diversifié. Elle apparaît comme la voix la plus internationale et sociétale de la fratrie.
« Halima, 33 ans, occupe depuis 2019 le poste de directrice exécutive des opérations commerciales au sein de Dangote Industries »

Fatima Dangote, la Stratège Industrielle du Cœur Agroalimentaire
La benjamine, Fatima, 32 ans, est aujourd’hui directrice exécutive chargée des opérations commerciales du groupe. Membre du conseil de NASCON Allied Industries depuis 2023, elle avait déjà supervisé les ventes et la logistique dès 2016.
Elle concentre son action sur l’agroalimentaire et le sucre, secteur stratégique pour l’autonomie du Nigéria. « Le pays importe encore 90 % de ses besoins en sucre. Avec le Backward Integration Programme, Dangote pourra bientôt réduire cette dépendance », déclarait-elle à The Africa Report en 2024.
Active au sein de la fondation familiale, elle incarne le lien direct avec son père. Dans une interview à CNN, elle résumait la rigueur d’Aliko Dangote : « Avec lui, rien d’autre que la perfection n’est acceptable. Il faut travailler deux fois plus ».
« Fatima, 32 ans, est aujourd’hui directrice exécutive chargée des opérations commerciales du groupe »

Consolider, Internationaliser, Crédibiliser
Si le groupe Dangote domine déjà le paysage industriel africain, il reste encore très concentré sur le Nigéria. Son internationalisation est amorcée, mais elle doit franchir un cap pour atteindre la stature d’une multinationale. Quant à sa crédibilité, elle est solide sur le plan continental, mais encore à construire face aux standards mondiaux de gouvernance.
Une étude publiée dans le Journal of International Business Policy (2024) rappelle que la présence d’administrateurs indépendants et de procédures de transparence est cruciale pour attirer les investisseurs internationaux. Le World Economic Forum (2023) insiste, lui, sur l’importance d’actions en faveur de l’innovation et de la responsabilité sociale.
Dans ce contexte, les trois sœurs doivent transformer l’empire fondé par leur père en un acteur global crédible, capable de conjuguer puissance industrielle et standards internationaux.
Un Héritage à Transformer
Le groupe Dangote s’inscrit dans la continuité de la dynastie Dantata, fondée par Alhaji Alhassan Dantata (1877-1955), l’un des grands noms du commerce nigérian. Mais pour Mariya, Halima et Fatima, l’enjeu actuel dépasse la seule continuité : il s’agit de faire du groupe familial un empire africain capable de rivaliser par l’innovation et la durabilité.
Le Nigéria, et au-delà l’Afrique, observeront de près si les héritières parviennent à transformer l’héritage en un modèle de leadership féminin et africain, ancré dans la modernité.
« Il s’agit de faire du groupe familial un empire africain capable de rivaliser par l’innovation et la durabilité »
L’Homme le Plus Riche du Continent
Aliko Dangote, né le 10 avril 1957, reste l’homme le plus riche du continent avec une fortune estimée à 23,9 milliards de dollars (Forbes, 2025). Son groupe, deuxième employeur privé du Nigéria, contrôle 60 % du marché national du ciment, possède la plus grande raffinerie single-train1 au monde (650 000 barils/jour) et avance ses pions au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Gabon et en Éthiopie, où une usine d’engrais2 de 2,5 milliards de dollars est en construction. Dangote Cement a déclaré un chiffre d’affaires de 2 071,6 milliards de nairas (environ 762 milliards de francs CFA soit 1 1,3 milliard de dollars) pour le premier semestre 2025, en hausse de 17,7 %.

