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Cameroun : Le Code Culturel des Affaires

Diversité culturelle et fort esprit entrepreneurial sont quelques-uns des nombreux atouts qui font la fierté du Cameroun. Au pays des Lions indomptables, on ne se laisse pas dompter par les difficultés, et entreprendre, ici encore plus qu’ailleurs, c’est s’avancer sur un terrain délicat où la réussite ne sourit qu’aux initiés. Petit tour d’horizon du business code camerounais.

Par Patrick Nelle


#1. Au Cameroun, On Aime Bien La Routine

Les chefs d’entreprise camerounais ont la réputation d’être accros à leur routine ; une tendance qui se renforce quand le dirigeant estime que malgré tout, les affaires marchent assez bien, ou que les choses pourraient aller plus mal. Une sorte de « résistance au changement », éclaire Thomas Mpanjo, fondateur de Yesdriveme, une plateforme de location de chauffeurs privés. Au Cameroun, tenter la nouveauté est souvent perçu comme un risque inutile, et les résultats potentiels jugés trop incertains pour seulement essayer. Difficile dans ce contexte de trouver preneur pour une solution innovante. Mais rassurez-vous, rien n’est perdu : si votre interlocuteur perçoit la possibilité d’un gain réel dans ce que vous lui proposez, il bougera de son fauteuil. « Par exemple, si vous voulez vendre une solution digitale à un restaurateur, ne lui parlez pas de la manière dont le côté innovant de votre produit va améliorer l’expérience client dans son établissement : ça ne passera pas. Expliquez-lui plutôt en quoi cela contribuera à augmenter le nombre de repas qu’il sert chaque jour – et donc son bénéfice – et là, ça peut marcher », assure le jeune entrepreneur camerounais.


#2. Rien Ne Sert De Courir

N’ayez crainte, vous finirez par arriver à destination, mais de grâce ne soyez pas pressé, et ne vous découragez pas en cours de route. Au Cameroun, rien ne sert de courir : mieux vaut se montrer patient. « Dans votre planning prévisionnel, multipliez les échéances temporelles par trois ; par exemple, dites-vous que ce que vous feriez ailleurs en une journée vous prendra ici trois jours », sourit Thomas Mpanjo. Une vision que partage Prune Lancesseur, entrepreneuse française installée au Cameroun depuis huit ans : « Au Cameroun, il y a de la place pour ceux qui ont l’envie, l’ambition, mais surtout la patience ».


#3. Soyez Souple : La Ponctualité N’est Pas Ce Que Vous Croyez

Si vous avez rendez-vous à 15 heures et que votre interlocuteur arrive une heure plus tard, ne le prenez surtout pas pour un manque de considération. Au Cameroun, il est tout à fait acceptable d’être en retard à un rendez-vous, et si vous manifestez ouvertement votre mécontentement, on jugera que vous en faites un peu trop. Le Camerounais est parfaitement conscient de son dédain pour la ponctualité, et il a d’ailleurs trouvé la parade pour s’y adapter… ou plutôt faire en sorte que les non-initiés s’y adaptent. On vous avisera donc aimablement que la prochaine fois, si voulez être (à peu près) sûr de rencontrer votre interlocuteur à 15 heures, mieux vaut fixer l’heure du rendez-vous à 14 heures. Tout simplement. Montrez-vous souple avec les délais et prévoyez toujours une marge de sécurité afin de ne pas être pris au dépourvu le moment venu. Gardez en tête que ce que l’on vous a promis pour le 10 pourrait vraisemblablement être livré vers le 12 ou le 15, ou que quand on vous dit que tout sera prêt pour 18 heures, il ne faut surtout pas y croire. Gardez bien à l’esprit que pour les Camerounais, « le temps est élastique », conformément au proverbe bien connu en Afrique : « Vous [les étrangers, NDLR] avez les montres, nous avons le temps ».


#4. Faites Bien Vos Calculs

Une élasticité du temps qui entraîne bien évidemment une élasticité des coûts : ici plus qu’ailleurs, mieux vaut ne pas se rater sur ses estimations financières. Quand il commande une prestation, le Camerounais ne rechigne jamais à verser une
avance sur travaux. Cependant, plus dur sera le recouvrement du solde après la livraison. « C’est un élément dont il faut absolument tenir compte », atteste Zélia Limonier, fondatrice de Zakiel Design, une entreprise spécialisée dans la mise en valeur d’espaces professionnels ou commerciaux. « Ne pas inclure, ou alors sous- estimer le poids des frais liés au recouvrement dans votre budget prévisionnel serait une grossière erreur, car les relances téléphoniques et les déplacements à répétition pour se faire payer peuvent finir par avoir un coût conséquent », affirme de son côté Adeline Pelage, entrepreneuse camerounaise opérant dans le domaine de l’agroalimentaire. Ainsi, pour éviter les migraines, mieux vaut demander une avance confortable à chaque fois que vous en avez la possibilité.

Rond point de l’étoile, Yaoundé, Cameroun ©scaff237


#5. Ne Négligez Pas Le Pouvoir Des Afterworks

C’est toujours bien de connaître quelqu’un qui connaît quelqu’un. Selon une sagesse populaire camerounaise, « quelqu’un est quelqu’un derrière quelqu’un ». Sous-entendu : on n’avance pas sans relations bien placées, que ce soit dans l’administration ou le secteur privé. Comme partout, être introduit, recommandé, facilite grandement les choses, et une bonne relation vous aidera à court-circuiter d’interminables files d’attente, réelles ou métaphoriques. Pour ouvrir les bonnes portes, il faut donc un bon réseau. Comme le dit Thomas Mpanjo, « les afterworks, dans ce contexte, peuvent constituer un précieux outil »… et une opportunité pour celui qui souhaite provoquer les bonnes rencontres. Les bonnes affaires ne se concluent pas dans la raideur des bureaux climatisés, mais autour d’un verre ou d’un bon repas, bien plus propices à la détente. Bon à savoir : n’omettez (surtout) pas d’exprimer votre gratitude à ceux qui vous ont aidé, sinon les portes jadis ouvertes pourraient brusquement se refermer.


#6. Riez Avec Les Camerounais, Mais Ne Riez Surtout Pas d’Eux

Si l’autodérision est une seconde nature chez le Camerounais, il faut bien garder à l’esprit qu’il peut aussi se montrer très susceptible. « Vous pouvez rire avec lui, mais ne commettez surtout pas l’impair de vous moquer de lui à sa place », témoigne Prune Lancesseur. Virulents critiques de leur propre société, les Camerounais s’offusquent radicalement quand les mêmes critiques sont formulées par un étranger. Une susceptibilité qui s’accompagne cependant d’une grande simplicité, la recette locale pour accepter la vie telle qu’elle est malgré ses difficultés. Ici, le fameux et ô combien populaire « On va faire comment ? », phrase qui résume à elle seule la capacité de toute une société à encaisser les coups durs, n’a d’égal que le célèbre « Le Cameroun c’est le Cameroun ».


#7. Soignez Votre Apparence

Les appels téléphoniques, les e-mails, les réseaux sociaux, le digital… tout ça c’est bien beau, mais au Cameroun, on aime voir en face à qui on a affaire. « Le contact visuel inspire confiance », confesse Thomas Mpanjo. Et à cet égard, l’apparence et la mise ont toute leur importance. Ainsi, se présenter en jean et t-shirt dans un bureau peut être perçu comme un signe de négligence, voire un sévère manque de respect. Et même si à ce niveau, le Camerounais se montrera toujours plus indulgent envers l’étranger qu’envers ses compatriotes, mieux vaut éviter.


#8. Adoptez Les Mœurs Locales Et Sachez Vous Montrer Humble

Une recommandation qui vaut à peu près partout en Afrique. Mais dans un pays où cohabitent plus de 250 groupes ethniques, l’évidence se transforme en une équation à multiples inconnues. Les Camerounais sont fiers de leur appartenance ethnique et n’hésitent pas à l’afficher. Surprenez votre interlocuteur en lui parlant (ne serait-ce que quelques mots) dans sa langue maternelle : si vous êtes un étranger, il en sera d’autant plus flatté et la glace sera brisée. Par ailleurs, et comme le souligne Zélia Limonier, « les différences culturelles font qu’une négociation ne sera pas forcément abordée de la même manière selon la région d’origine de votre interlocuteur ». Bien sûr, on évitera de se présenter en donneur de leçons condescendant et pourvoyeur de théories toutes faites. Au lieu de cela, on préférera se montrer ouvert et à l’écoute afin de mieux apprendre des Camerounais, car ce sont eux qui connaissent le terrain et les réalités locales. Comme le résume Prune Lancesseur : « Ce n’est pas l’environnement qui va se calquer sur vous, c’est à vous de vous adapter à l’environnement ».



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