Depuis plus de vingt-cinq ans, le togolais Claude Grunitzky, journaliste et entrepreneur pluridisciplinaire, donne le ton à une génération de médias novateurs. Fondateur et rédacteur en chef de TRACE Magazine, co-fondateur de TRACE TV, avec son nouveau projet, le podcast « LIMITLESS AFRICA », il donne la parole à la nouvelle garde des créateurs et penseurs du continent via la plateforme TRUE AFRICA. Entretien exclusif pour Forbes Afrique.

Par Anna Djigo-Koffi

Forbes Afrique : Journaliste, homme des médias par excellence, vous êtes connu pour la création de contenus célébrant les cultures du Monde Noir. Votre démarche vous vaut d’ailleurs d’être le sujet d’un cours à la Harvard Business School. Parlez-nous de votre intention de départ, de ce parcours riche de 26 ans d’expériences portées par l’innovation.

Claude Grunitzky : Le point de départ, c’est Lomé, la ville où je suis né. Bien que j’aie eu la chance de grandir entre Lomé, Washington, Paris et Londres avant de m’installer à New York à l’aube du nouveau millénaire, c’est au Togo que j’ai acquis les valeurs et la rigueur qui ont fait de moi un journaliste atypique devenu entrepreneur et investisseur. Dans ces univers américains et européens dans lesquels je circule depuis que je suis adolescent, je n’ai jamais renié mes racines africaines. C’est pour cela que j’ai passé toute ma carrière à promouvoir, à travers les médias que j’ai eu la chance de créer sur trois continents, l’Afrique et les cultures noires du monde entier. C’est en parcourant le monde en tant que nomade que je me suis façonné cette identité mouvante et cosmopolite. Tout est parti de Londres, où je vivais lorsque j’étais étudiant et pigiste pour le magazine Dazed & Confused. C’est là que j’ai forgé un concept qui s’est imposé comme le fil rouge de tous mes projets, le « transculturalisme ». Dès l’âge de 23 ans, j’étais convaincu de la nécessité de faire entendre les cultures noires émergentes en les faisant dialoguer avec les autres cultures tout en les sortants des clichés propagés par les médias occidentaux. C’est pour cela que j’ai fondé le magazine TRACE à Londres, avant de lancer une édition américaine de ce magazine à New York.

Après la création de TRACE Magazine, TRACE TV et l’agence de marketing “transculturel” TRUE, vous lancez la plateforme Web TRUE AFRICA en 2015, une plateforme dédiée à révéler les talents d’une jeunesse qui redéfinit les codes, avec l’accent mis sur la valorisation des industries créatives, vecteurs pour vous, d’un potentiel de développement certain. Parlez-nous de cette transition vers le digital et de l’importance d’un média dédié à l’Afrique.

J’ai vu venir le basculement numérique et j’ai vu comment les technologies de l’information, et en particulier la téléphonie mobile, ont été́ massivement adoptées par le continent africain. En observant ces mouvements sociétaux, j’ai observé comment l’identité́ de chacun de nous est profondément modifiée par ces nouvelles technologies, et particulièrement les nouveaux moyens de communication interactifs, par la multiplication des échanges, par la circulation intense des images (qui sollicitent en permanence notre décodage).

Les distances se sont raccourcies jusqu’à la vitesse d’un click, et l’Afrique ne pouvait pas se permettre de rater le coche du numérique. J’ai vite compris que l’Afrique et les Africains se devaient de saisir les opportunités offertes par internet. En tant que professionnel de l’industrie de l’information et de la communication, j’ai décidé d’agir en créant TRUE AFRICA. L’insularité́, qu’elle soit économique ou culturelle, est pratiquement devenue impossible, et notre parti pris a été, d’emblée, de donner la parole aux jeunes d’Afrique, en leur permettant de s’exprimer, à travers nos plateformes TRUE AFRICA, sur les changements sociétaux qui sont la conséquence directe de ce basculement numérique. En misant sur la jeunesse africaine et en rejetant les modèles archaïques des vieux médias, j’ai vu à quel point certains jeunes entrepreneurs, artistes, et inventeurs arrivent à innover avec très peu de moyens. Un immense savoir se trouve disponible en Afrique, mais peu de journalistes en parlent avec conviction. C’est pour ça que j’ai lancé le média TRUE AFRICA, qui produit aujourd’hui des articles et des vidéos sur l’Afrique qui gagne, sur les Africains qui innovent, mais aussi des films documentaires et notre nouveau podcast hebdomadaire, « LIMITLESS AFRICA ».

Vous présentez donc le LIMITLESS PODCAST sur TRUE AFRICA depuis ce mois de mai 2022. Qui est votre audience-cible pour ce programme ?

L’Afrique est en mouvement, et dans cette Afrique qui bouge il y a certains sujets qui intéressent beaucoup d’Africains. J’ai démarré mes aventures d’entrepreneur dans les médias avec un magazine, puis une chaîne de télé, avant de lancer une plateforme web qui cherche à fédérer des talents africains autour de reportages qui touchent au potentiel de cette Afrique moderne et numérique qui me fascine. En me déplaçant un peu partout en Afrique depuis 25 ans, de Lomé à Johannesbourg en passant par Lagos, Nairobi, Kinshasa et Abidjan, et aussi en allant dans les arrière-pays qui sont beaucoup moins développés que les capitales, j’ai discuté avec beaucoup d’Africains, et j’ai vu à quel point les sujets de conversation pouvaient être les mêmes.  En écoutant ce que les gens me disaient, je me suis rendu compte qu’il fallait que je me lance aussi dans la radio, puisque la radio est le média qui permet une diffusion auprès d’un grand nombre d’Africains, même ceux qui sont illettrés. En ayant fait le choix de la radio, j’ai décidé d’expérimenter aussi avec le format du podcast.