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Côte d’Ivoire : Cap Sur Une Nouvelle Ère


Le saviez-vous ? La Côte d’Ivoire est le pays le plus heureux d’Afrique de l’Ouest. C’est ce qui ressort du World Happiness Report (WHR) 2024, un classement qui évalue le niveau de bonheur des populations au sein des économies à l’aune de critères tels que le niveau de vie par habitant, le niveau de liberté, le soutien social et l’espérance de vie en bonne santé. Championne continentale de football pour la troisième fois de son histoire, championne du monde de slam, présente pour la cinquième fois à la Biennale de Venise – plus grande manifestation d’art contemporain du monde –, la terre des éléphants multiplie les succès et jouit d’une croissance et d’un environnement économique dynamique qui ont fait d’elle le pays ayant le plus accru sa prospérité dans le monde au cours de la décennie 2011-2021, selon le Legatum Institute. Dans ce dossier spécial, premier d’une longue série, Forbes Afrique vous emmène à la découverte de la nation OBV (orange-blanc-vert, des couleurs du drapeau ivoirien), ses atouts économiques, culturels et touristiques. Attachez vos ceintures : la Côte d’Ivoire, ça vous gagne !

Un Dossier Coordonné Par Élodie Vermeil


La Côte d’Ivoire Qui Gagne

En organisant et en remportant la 34e édition de la Coupe d’Afrique des nations, la Côte d’Ivoire a pu afficher ses performances et son dynamisme devant le monde entier, confortant sa place dans le concert des nations et son rôle de locomotive économique d’Afrique de l’Ouest. Au-delà de ce troisième sacre continental, la nation « orange blanc vert » affiche depuis une décennie un insolent taux de croissance moyen de 8 % et entend bien devenir un pays émergent à l’horizon 2030. Panorama.

Par Sylvain Comolet Et Élodie Vermeil



Un miracle, comme un pari, cela se prépare, cela se conditionne, cela se mesure, cela se décide et cela se réalise à force de volonté et de persévérance ». Cette citation, attribuée à Félix Houphouët-Boigny, premier président de la Côte d’Ivoire indépendante et artisan du « miracle économique ivoirien » (1960-1980), illustre la continuité de vision et d’approche du « Père de la Nation » et de son héritier revendiqué, Alassane Ouattara, travailleur acharné et grand ordonnateur du retour de la Côte d’Ivoire sur la scène internationale, après une longue décennie de crise(s) ayant sérieusement mis à mal l’économie et l’image d’une nation auparavant considérée comme un pays de cocagne. Depuis son accession au pouvoir en effet, le pays des éléphants a enregistré une croissance qui en fait l’une des économies les plus compétitives d’Afrique. Si l’effet
de rattrapage post-crise a dans un premier temps pu justifier des taux de croissance remarquables, cette performance confirmée dans le temps repose aussi sur des facteurs structurels tels que la stabilité politique (avec l’effondrement des pays sahéliens et le ralentissement économique de son voisin ghanéen, la Côte d’Ivoire truste l’essentiel des investissements dans la zone) et monétaire (alors que le cédi ghanéen connaît une dépréciation constante inquiétant les investisseurs, le franc CFA protège la Côte d’Ivoire des désordres monétaires, même s’il fait débat quant à sa symbolique), la diversification de l’économie et l’amélioration du climat des affaires – plus de 25 000 entreprises ont été créées en 2023, contre 9 534 en 2015, soit une augmentation de près de 167 % en huit ans selon le Centre de promotion des investissements en Côte d’Ivoire (CEPICI). La remarquable résilience de l’économie ivoirienne – qui pèse pour plus d’un tiers dans la production de richesse des huit États composant l’UEMOA – a également été attestée par la bonne résistance du pays aux chocs internationaux, notamment la crise économique engendrée par la Covid-19, puisqu’à l’heure où la plupart des économies du continent enregistraient des taux de croissance négatifs, la Côte d’Ivoire se maintenait à 2 % , remontant à 7 % dès 2021.


La Croissance Économique Confirmée À Plus De 6%

À l’origine – entre autres – de cette résilience, le pragmatisme de la « méthode ADO1 » (économiste de formation et ancien directeur général adjoint du FMI), entérinée par la Vision 2030 et le Plan national de développement (PND) 2021- 20252, basé sur des investissements publics importants dans les infrastructures et équipements collectifs (portés pour une bonne partie par l’organisation de la CAN 2023), le développement des produits manufacturés localement, les investissements directs étrangers et la diversification de l’économie. Confirmée à plus de 6 % sur 2023, la croissance économique nationale a été principalement tirée par la consommation privée, la multiplication des plans de développement industriel et la production agricole, en particulier le cacao dont le prix garanti par le gouvernement a été revalorisé pour la campagne 2022-2023. Et les perspectives sont encourageantes puisque, selon la Banque mondiale, « la croissance réelle du PIB devrait s’établir en moyenne à 6,5 % en 2024- 26 ». L’institution internationale précise que « la poursuite des investissements dans l’infrastructure réseau, notamment dans les secteurs du numérique et des transports, ainsi que l’exploitation des découvertes récentes de pétrole, associée à des politiques macroéconomiques prudentes, devraient renforcer la confiance des entreprises et accroître la productivité », ajoutant que « les projets visant à développer les chaînes de valeur ont le potentiel d’améliorer la productivité agricole et de stimuler la transformation, ce qui soutiendra les perspectives de croissance à long terme ». La marge de manœuvre de l’actuel président ivoirien est cependant relativement limitée. La puissance publique en Côte d’Ivoire est faible, comparée à celles de pays à hauts revenus. Les recettes fiscales ivoiriennes sont stables, autour de 14 % du PIB national, un peu en dessous de la moyenne africaine (15,6%). En France, où le PIB s’élève à 2 560 milliards d’euros en 2022 (contre 64,5 milliards d’euros pour la Côte d’Ivoire), cette proportion tourne autour de 45 %, et la moyenne des pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) autour de 34 %. Les finances publiques ivoiriennes ne permettent donc pas à elles seules de subventionner les besoins en développement du pays, et la classe politique se tourne vers le secteur privé pour financer les projets dont celui-ci a besoin. Ainsi le Maroc participe – entre autres chantiers – à l’opération de réhabilitation et de valorisation de la baie de Cocody entourant le quartier des affaires du Plateau d’Abidjan. Un modèle de coopération Sud Sud dans lequel le roi Mohamed VI s’est personnellement impliqué aux côtés du chef de l’État Alassane Ouattara.

« Les performances de l’économie ivoirienne reposent sur des facteurs structurels tels que la stabilité politique et monétaire, la diversification de l’économie et l’amélioration du climat des affaires »


La Côte D’Ivoire À l’Heure De La Mondialisation

Signe des temps, le Maroc, ancien protectorat français, est désormais devant la France en termes d’investissements directs étrangers (IDE) en Côte d’Ivoire en 2022 et 2023. La directrice générale du CEPICI, Solange Amichia, a même fait le déplacement à Casablanca en juin 2024 pour présenter les opportunités d’investissement en terre d’Éburnie. « On projette 7 % de croissance entre 2024 et 2027, l’environnement des affaires est en totale amélioration », a-t-elle affirmé devant un parterre d’investisseurs. Autre signe des temps, le premier investisseur étranger en 2023 est le Burkina Faso, les milieux d’affaires burkinabè fuyant le pays du capitaine Traoré, avec un total d’IDE culminant à 168 millions d’euros sur un total de 1,5 milliard d’euros d’investissements directs dans le pays. Malgré un recul relatif en termes d’investissement face à de nouveaux pays comme le Maroc, la Chine et la Turquie, la France continue à peser dans l’économie ivoirienne. L’un des projets les plus emblématiques des années 2020, le métro d’Abidjan, sera financé intégralement par le Trésor français et les groupes Société Générale et BNP Paribas, pour un montant estimé à près de 1,77 milliard d’euros. Les entreprises retenues pour la construction des infrastructures de 37 kilomètres et la gestion des 18 stations reliant sept municipalités du district d’Abidjan sont toutes françaises : Bouygues, Alstom et Keolis.


Opérateurs Historiques Et Champions Nationaux

Même si l’arrivée de nouveaux acteurs internationaux tend à bousculer l’hégémonie de l’ancienne puissance coloniale, les capitaux français détiennent encore une part non négligeable des plus grandes entreprises présentes en Côte d’Ivoire. Près d’une entreprise sur cinq sur les cent plus grandes sociétés sont des filiales de multinationales françaises, avec Eranove, Orange et Total dans le peloton de tête. La plupart sont spécialisées dans l’export de produits agricoles comme Sucden, Compagnie Fruitière, Touton ou Cémoi (passé sous giron belge en 2021), sans oublier le brasseur Solibra, détenu par le milliardaire français Pierre Castel. Viennent ensuite les entreprises locales de taille intermédiaire détenues par les grandes familles d’origine libanaise. Sur les cent plus grosses entreprises de Côte d’Ivoire classées par chiffre d’affaires, près d’une sur cinq appartient à l’une des familles suivantes – dont la plupart possèdent la triple nationalité libanaise, ivoirienne et française : Ezzedine, Fakhoury, Fakhry, Ghandour, Hyjazi, Beydoun, Omaïs, Fares ou Khalil. La « 61e ethnie » de Côte d’Ivoire, la communauté libanaise, a une implantation historique avec une population estimée à près de 300 000 personnes, loin devant la communauté française. Que reste-t-il aux 28 millions d’Ivoiriens ? Le tissu de PME-TPE (dont 95 % contribueraient à 20 % de la richesse du pays, tandis que 5 % des multinationales installées en Côte d’Ivoire génèrent 80 % de sa richesse, n’a pas manqué de souligner Stanislas Zézé, président de Bloomfield Investment Corporation lors d’un colloque sur le « Risque pays » de la Côte d’Ivoire tenu en avril dernier à l’hôtel Sofitel Ivoire) et l’immense secteur informel, qui représenterait près de 38 % du PIB selon la Banque mondiale. Parmi les champions nationaux, on distingue le géant agro-industriel SIFCA (huile de palme, caoutchouc et sucre), Pétro Ivoire, Air Côte d’Ivoire et le groupe Avos, propriété de l’ancien patron des patrons ivoiriens, Jean- Marie Ackah. Sans oublier les grandes sociétés exportatrices de fèves de cacao (Africa Sourcing, Kineden et Ecookim) activement soutenues par l’État face aux multinationales du secteur. Les entreprises étatiques comme la SIR (Société ivoirienne de raffinage), Petroci et le Port autonome d’Abidjan (PAA) restent dans le giron ivoirien et sont en première ligne pour organiser la mutation de l’économie ivoirienne.


Une Future Nation Pétrolière

Avant les récentes découvertes offshores de pétrole, la Côte d’Ivoire n’était pas considérée comme une nation pétrolière au même titre que le Gabon ou le Congo-Brazzaville en Afrique francophone. Les récentes découvertes d’hydrocarbures au large d’Abidjan, les gisements « Baleine » et « Calao », l’ont fait basculer dans le cercle restreint de pays africains disposant de plusieurs milliards de barils de réserves (les estimations oscillent entre 3,5 et 4 milliards de barils de pétrole). Ainsi, la Côte d’Ivoire disposerait désormais de plus de réserves qu’un pays comme l’Égypte (3,3), mais bien moins que l’Angola (7,8), l’Algérie (12,2), le Nigéria (36,9) ou encore la Libye (48,4). En ouvrant les vannes de la production des nouveaux champs pétrolifères fin 2023, le Premier ministre Robert Beugré Mambé a amorcé un nouveau cycle d’investissement tourné vers l’or noir et le gaz naturel, qui réduira la dépendance du pays dans ses approvisionnements énergétiques tout en boostant le commerce extérieur. « Face aux défis que le changement climatique pose à l’environnement et à l’humanité, la Côte d’Ivoire fera sa part pour contribuer à l’atténuation de ses effets, conformément à ses engagements internationaux », a indiqué le chef du gouvernement. Associée à celle de l’or brun (cacao) et à la poursuite des réformes structurelles de l’économie nationale, cette manne inespérée d’or noir devrait ainsi contribuer à perpétuer le « miracle » des années Houphouët.

« 5% des PME-TPE contribueraient à 20% de la richesse du pays, tandis que 5% des multinationales génèrent 80% de sa richesse »


1. Acronyme d’Alassane Dramane Ouattara.

2. Tandis que le PND 2012-2015 mettait l’accent sur les grands travaux d’infrastructures en tant que principaux catalyseurs de la relance économique (conformément à l’adage selon lequel « La route précède le développement », érigé en principe d’action par le président Houphouët-Boigny), le PND 2016-2020, devant conduire à la transformation structurelle de l’économie ivoirienne par l’industrialisation, s’est basé sur la consolidation de la stabilité macroéconomique et un niveau élevé d’investissements productifs privés et publics.



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