Tout juste investi président du Nigeria, Bola Tinubu multiplie les mesures chocs. Dernière opération en date, la suppression du régime de change fixe du naira, qui a vu sa valeur décrocher.
Après avoir suspendu la subvention du carburant, une mesure qui coûtait 10 milliards de dollars par an, le successeur de Muhammadu Buhari a décidé de mettre fin au régime jusque-là en vigueur de taux de change multiples. Le 14 juin, la Banque centrale du Nigeria a annoncé qu’elle supprimait le régime de change fixe sur le naira. Une décision qui a immédiatement entraîné une chute de 36 % de la devise nigériane. Alors qu’un dollar s’échangeait jusqu’alors contre 460 nairas, la devise américaine a vu sa valeur s’envoler à près de 750 nairas sur le marché interbancaire ; un taux globalement conforme à celui observé sur le marché noir. La mesure prise devrait toutefois renforcer à terme le stock des liquidités en devises étrangères, un facteur clé pour encourager notamment les investissements.
Un nécessaire ajustement de la loi de l’offre et de la demande
De fait, la décision de la Banque centrale du Nigéria de laisser flotter la monnaie s’apparente moins à une dévaluation qu’à un nécessaire ajustement de la loi de l’offre et de la demande. Davantage, elle était attendue, Bola Tinubu ayant exprimé à de multiples reprises ses réserves quant à « l’anomalie » du régime de changes multiples, perçu comme la cause principale de la baisse des investissements directs étrangers. « La Banque centrale doit œuvrer en faveur d’un taux de change unifié. Cela permettra de canaliser les fonds de l’arbitrage vers des investissements substantiels dans l’économie réelle – usines, équipements et création d’emplois », avait notamment plaidé le nouveau président, le jour de son investiture, le 29 mai. Un changement de cap devenu urgent dans un pays, certes première puissance économique du continent, mais où le taux de chômage est supérieur à 30 % et où plus de 130 millions de personnes vivent dans la pauvreté.
Cette politique assumée de détermination de valeur de la monnaie nationale par les forces du marché prend en tous les cas l’exact contrepied du précédent pouvoir. Déterminé à soutenir coûte que coûte le naira- mis à mal par la chute des cours du pétrole brut et la réduction de la production locale – l’ancien gouverneur de la banque centrale, Godwin Emefiele, n’avait pour sa part cessé d’intervenir sur les marchés. En vain. Entre 2015, année de son arrivée à la tête de la CBN, et 2023, la monnaie nigériane a vu sa valeur sur le marché parallèle passer de 170 nairas pour 1 dollar à près de 800 nairas. Le gouverneur Emefiele a finalement été suspendu de ses fonctions le 9 juin, puis arrêté par la police secrète pour, entre autres raisons, « sabotage économique » et « abus de pouvoir ».