Organisé par le président Joe Biden à Washington, le deuxième sommet États-Unis-Afrique visait à renforcer les liens entre l’Amérique et le continent africain, notamment économiques. Dans cette tribune, Angelle Kwemo, Camerounaise installée aux Etats-Unis et ayant officié au Congrès sous le mandat de Barack Obama, revient sur le bilan de cette rencontre.
Par Angelle B. Kwemo, dirigeante du cabinet de conseil AstrategiK Group, spécialisé dans les relations Etats-Unis-Afrique, et fondatrice de Believe in Africa
Pendant une semaine, des chefs d’État ainsi que des chefs d’entreprises américains et africains se sont donné rendez-vous dans la capitale américaine malgré le froid. Ces dirigeants ont pris le temps de présenter leur vision afin d’établir une relation gagnant-gagnant entre leurs pays. Parmi les engagements et les annonces faites, quatre points pourraient notamment avoir un impact : la position de l’Afrique sur la scène mondiale, le marché commun continental, le rôle de la diaspora africaine et le nouvel engagement à long terme axé sur les résultats.
Une place sur la scène mondiale pour le continent
Dans son allocution, le président Biden a exprimé son désir d’aider l’Afrique à obtenir la place qu’elle méritait sur la scène internationale. Il a déclaré que le temps pour l’Afrique d’être laissée-pour-compte dans les discussions mondiales de haut niveau était révolu et que la voix africaine méritait d’être « dans chaque pièce, dans chaque institution où les défis mondiaux [étaient] discutés ». À la lumière de cela, le président américain a déclaré qu’il amplifierait sa voix en appelant à un siège permanent africain au Conseil de sécurité de l’ONU. Il a également exprimé le souhait d’aller encore plus loin et d’appeler à un rôle permanent de l’Union africaine dans le G20. Davantage, le président Biden est allé plus loin, en déclarant que les mots seuls n’aideraient pas l’Afrique à atteindre le statut mondial qu’elle mérite, rappelant qu’il était nécessaire que le continent renforce sa puissance économique. Sur ce front, l’administration Biden a promis 55 milliards de dollars d’investissement ; une somme qui devrait bénéficier à plusieurs secteurs ou initiatives, notamment la santé, l’éradication de la pauvreté mais aussi la promotion de l’énergie verte.
Lors des diverses réunions avec les dirigeants et les délégués africains, des acteurs du secteur privé américain se sont également engagés à investir 15 milliards de dollars dans des projets de développement à travers le continent. En exprimant son désir de voir les projets de développement porter leurs fruits, le président Biden a nommé l’ambassadeur Johnnie Carson représentant présidentiel, chargé de la coordination des différents projets portés par l’exécutif américain.
Des résultats tangibles
Côté africain, plusieurs pays sont revenus avec des résultats tangibles. Le Niger et le Bénin ont ainsi annoncé qu’ils avaient signé le premier programme régional de la Millennium Challenge Corporation (une institution américaine d’aide bilatérale au développement, plus communément appelée MCC, ndlr) – un projet de 504 millions de dollars dénommé « Compact régional » et destiné à accroître le niveau des échanges économiques et la mobilité entre les deux pays. Une initiative saluée par le Secrétaire d’État américain, Antony Blinken, qui voit ces corridors comme « une base essentielle pour les affaires ». La MCC a par ailleurs conclu d’autres accords avec la Gambie, la Mauritanie, le Sénégal et le Togo.
Une réunion à huis clos portant sur l’African Growth and Opportunity Act (Agoa) a également eu lieu. Bien que les détails de la réunion n’aient pas encore été rendus publics, la plupart des délégations africaines auraient exprimé leur souhait de renouveler ce dispositif, qui court, dans sa forme actuelle, jusqu’en 2025 (et permet à plusieurs produits en provenance d’une quarantaine de pays d’Afrique subsaharienne de bénéficier d’un accès préférentiel au marché américain, ndlr).
Parmi les autres principaux engagements signés, citons aussi l’accord Kobold Metals-Zambie, qui verra la société Kobold Metals, soutenue par Bill Gates, investir 150 millions de dollars pour exploiter les mines de cuivre zambiennes. Le gouvernement angolais a de son côté conclu un accord avec ABD Group et Acrow Bridge, qui verra les deux sociétés américaines construire 186 ponts en acier dans tous les districts du pays dans le cadre d’un programme à la valeur estimée à 371 millions de dollars. Cisco Systems Cybastation, Visa et General Electric/Standard Bank ont quant à eux annoncé respectivement des accords de 800 millions de dollars, 1 milliard de dollars et 80 millions de dollars avec divers pays africains.
Soutenir le marché unique africain
Le secrétariat de la zone de libre-échange continentale africaine a également enregistré un important succès et conclu un accord avec l’administration Biden. S’exprimant après la cérémonie de signature, le président américain a notamment déclaré que « le protocole d’accord [ouvrirait] de nouvelles opportunités de commerce et d’investissement entre nos pays et [rapprocherait] l’Afrique et les États-Unis plus que jamais ».
De même, l’implication de la diaspora africaine dans les relations entre les États-Unis et l’Afrique a atteint un nouveau sommet. Par ordonnance, le président Biden a officiellement créé le Conseil consultatif du président sur l’engagement de la diaspora africaine aux États-Unis (PAC-ADE). Un appel lancé dès 2010 par l’ancien membre du Congrès Bobby L.Rush, qui avait introduit le texte de loi H.R 656 « African Investment and Diaspora Act ». Le PAC-ADE approfondira le dialogue entre les responsables américains et la diaspora africaine aux États-Unis. L’ordonnance encourage les efforts visant à faire progresser l’équité et les opportunités pour la diaspora africaine aux États-Unis et à renforcer les liens culturels, sociaux, politiques et économiques entre les communautés africaines, la diaspora africaine mondiale et les États-Unis. Ce faisant, l’administration Biden s’appuiera sur le pouvoir de la diaspora, qui est de loin le plus grand contributeur au bien-être africain, avec des transferts de fonds annuels supérieurs à l’aide américaine, équivalant à environ 100 milliards de dollars.
Les oublis
Autant d’éléments encourageants qui font que le sommet s’est terminé sur une note positive. Cependant deux aspects me laissent dans l’amertume : premièrement, si le bien-être des populations étaient vraiment au cœur de l’engagement américain, il est fort regrettable que les peuples et opérateurs économiques de pays comme le Sud Soudan, le Mali et le Burkina Faso soient otages des actes de leurs leaders. Il s’agit là de pays dont les économies ont besoin d’investissements, au même titre que les autres. Deuxièmement, un détail a attiré mon attention. La couverture médiatique américaine a été très timide si on la compare à celle des visites d’État de grands dignitaires étrangers à Washington DC. Cela démontre le manque d’intérêt du public américain pour l’Afrique. De son salon, l’américain moyen a t’il vu l’Afrique sur le média qu’il regarde le plus ?
Enfin, la finale de la Coupe du monde est une belle illustration de la présence africaine en général. Les Africains pris individuellement sont les meilleurs mais ce n’est pas le cas en tant que pays ou collectivement, à cause de la défiance de leur leadership. Les talents et ressources humaines sont au service des autres. Au final, espérons que les dirigeants africains aient quitté Washington avec la conscience que l’avenir du continent ne dépend ni de Paris, ni de Washington ou encore de Pékin ou Moscou. Celui-ci ne saurait dépendre que des Africains eux-mêmes.
- Tribune
Le Sommet États-Unis-Afrique : un festival d’idées destiné à attirer les investissements sur le continent africain
Partager l’article