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Les industries créatives numériques, catalyseur du développement en Afrique

D’ici 2050, 2,5 milliards d’individus peupleront l’Afrique, soit le double de sa population actuelle. À l’aune de ce boom démographique, l’avenir du continent dépendra de sa capacité à exploiter les compétences des jeunes et à développer leur potentiel.

Par Mohamed Zoghlami, co-fondateur d’Afric’Up et d’Africa in Colors

Sur ce point, les industries créatives et culturelles (ICC) sont une solution dans l’équation de l’employabilité et de l’entrepreneuriat des jeunes. De fait, ces industries créatives deviennent de puissantes locomotives pour des stratégies de développement des économies africaines et un contributeur significatif au produit intérieur brut du continent. Au Nigeria, Nollywood emploie directement 300 000 personnes- et plus d’un million d’autres indirectement- tandis qu’en Afrique du Sud, les industries créatives et culturelles contribuent pour 3,1% au PIB national et représentent 3,6 % de l’emploi. Un potentiel économique certain qui n’a pas échappé aux investisseurs et institutions. HEVA Fund, le premier fonds du continent dédié à l’investissement dans les ICC, a été fondé au Kenya et a jusqu’à présent investi dans 50 entreprises, soutenant directement plus de 10 000 créateurs tandis que l’Afreximbank a annoncé la création d’un fonds de 500 millions de dollars pour soutenir la production et le commerce des produits culturels et créatifs africains.

Les ICC, un élément clé de la stratégie économique

Les États aussi s’y mettent, de plus en plus de pays faisant des ICC un élément clé de leur stratégie économique, à l’image de certaines initiatives mises en place au Sénégal, au Rwanda, en Éthiopie, au Burkina Faso, au Bénin, au Ghana ou en Côte d’Ivoire par exemple. En Afrique du Nord, l’Égypte s’est distinguée avec la création d’un méga complexe appelé Media Production City, équipé de 14 studios high-tech et d’une zone franche exemptée de taxes tandis que le Maroc s’appuie de plus en plus sur ces manifestations culturelles et que la Tunisie est l’un des rares pays africains à disposer de plusieurs incubateurs / accélérateurs dans les ICC (DigiArt Living Lab, TICDCE, Minassa…) d’écoles et de centres de formation dédiés aux métiers créatifs (3D Netinfo).

Certes, les défis demeurent, le manque de droits d’auteurs et de propriété intellectuelle, la faiblesse des structures de formations aux métiers de la culture, la piraterie, l’insuffisance d’appui à la diffusion et à la distribution et la pénurie de capitaux continuant d’entraver le développement des ICC. Mais avec la globalisation et l’explosion du numérique, tout s’accélère désormais.

« Aujourd’hui, des pans entiers de la culture migrent sur Internet et les réseaux sociaux. Le contenu digital représente une vitrine de choix pour ouvrir l’Afrique au monde, avec ses mythes, son patrimoine son histoire »

Aujourd’hui, des pans entiers de la culture migrent sur Internet et les réseaux sociaux. Le contenu digital représente une vitrine de choix pour ouvrir l’Afrique au monde, avec ses mythes, son patrimoine son histoire. Autant d’éléments fondamentaux du soft power africain. Une nouvelle génération de créateurs de contenus investit les industries créatives pour raconter de nouvelles histoires, et développer un Storytelling « Made in Africa ». Assez des stéréotype, des clichés, des images négatives, des approximations sur l’Afrique. Cette génération « digital native » veut être actrice de sa destinée et écrire sa propre histoire. Avec ses mots, son style.

Le jeu vidéo, support d’expression pour la culture africaine

De ce point de vue, la culture africaine trouve dans le jeu vidéo notamment, un véritable support d’expression, d’ambition à l’international mais également une source de défis pour sublimer et mettre en valeur la magie, la fantaisie de son histoire, de son héritage. Portés par un marché en forte croissance (il y aurait 400 millions de mobile gamers sur le continent, selon étude du cabinet Deloitte), de nombreux studios se créent, reflétant l’appropriation technologique de la jeunesse africaine, sa soif de changer la perception que le monde a du continent, mais surtout cette volonté inébranlable de participer au développement de la création, du divertissement numérique en Afrique en préservant ses valeurs, son identité, sa culture.

Idem pour les« webtoons », ces bandes dessinées publiées en ligne, qui connaissent une croissance très rapide sur le continent, attirant des éditeurs tels que les Éditions Dupuis, qui viennent de lancer le magazine numérique “Moabi ” pour que des auteurs africains racontent des « histoires africaines ». De même, le secteur du film d’animation est aussi en pleine effervescence, avec un intérêt grandissant de Netflix, Disney ou Cartoon Network. Malgré un manque de formation, de financement et de structuration, l’animation africaine prépare sa révolution , portée par l’envie d’histoires locales et le développement des chaînes de télévision africaine, mais aussi par la demande internationale en quête de nouveauté et d’exotisme. Misant sur l’Afrique, Disney s’est ainsi associé à une dizaine de créateurs du continent pour produire une série de courts-métrages animés, « Kizazi Moto: Generation Fire », en exploitant l’attrait pour l’afrofuturisme. La firme américaine s’est par ailleurs alliée au studio panafricain Kugali pour créer une nouvelle série de science-fiction, baptisée Iwaju, qui sera diffusée cette année. Le géant du streaming Netflix a quant à lui commandé sa première série animée africaine auprès du studio sud-africain Triggerfish Animation.

Une filière porteuse de rupture et d’innovation

On l’aura compris, les industries culturelles et créatives feront parties des industries indispensables à l’Afrique de demain, car elles sont porteuses de rupture et d’innovation, et créatrices d’emplois et d’entrepreneuriat. Elles auront cependant besoin de soutien, d’accompagnement, de reconnaissance pour améliorer le travail incroyable déjà effectué par les acteurs de ce secteur créatif. D’autant plus qu’un nouveau chapitre de l’univers numérique en 3D est en train de s’écrire avec le Metaverse, un monde futuriste axé sur le jeu vidéo, le divertissement, la culture, le commerce et le travail dans un cadre de relations sociales virtuelles. Aujourd’hui, plus que jamais, l’Afrique doit s’approprier ces outils numériques du futur, basés sur la créativité, pour promouvoir et défendre sa culture ainsi que son histoire.

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