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Les quatre bilans de l’emprunteur face aux banquiers

Jean-Claude Samnick Mbombue

Aller au-devant d’un client pour recueillir des informations financières fiables relève de la gageure dans un système économique et financier opaque. Quelles sont les astuces des banquiers pour avoir une information un tant soit peu moins tronquée et celles des entreprises pour se rendre plus bankables ?

Lors du rendez-vous de banquiers d’affaires à Abidjan, Dakar, Durban ou Douala avec le directeur général d’une société en mal de financement, une liste de documents types est requise pour permettre aux analystes financiers d’élaborer le dossier à présenter au comité de crédit. L’un des premiers documents réclamés est le bilan, disponible en ligne dans beaucoup de pays pour des sociétés cotées et non cotées qui ont l’obligation de présenter leurs comptes publiquement. Mais sous nos latitudes, on répond à une question par une question. «Vous voulez le bilan de ma société? Mais lequel?»
À la mine ébahie des banquiers, le chef d’entreprise se rengorge. Les banquiers d’affaires de l’hémisphère Sud aguerris en ont l’habitude, mais les nouveaux venus dans la profession sont toujours abasourdis par cette question. Quel est donc ce secret le mieux partagé entre les initiés du continent? Tout simplement l’existence de plusieurs documents différents : un bilan pour les impôts, un bilan pour les actionnaires, un bilan pour les banquiers et enfin un bilan pour le chef d’entreprise (le bon celui-là, on l’espère). Et pendant la discussion préliminaire avec les analystes financiers, il s’agira d’abord de déterminer quel document servira de base pour évaluer la société et donc lui attribuer ou non un financement.
Le bilan pour les impôts. C’est bien entendu celui qui est minoré et permet de payer le moins d’impôts sur les sociétés possible. Avantage : moins d’impôts à payer. Risque : faire l’objet d’un redressement fiscal.
Le bilan pour les actionnaires. Il permet de minorer les résultats et donc les bénéfices à répartir entre les associés. Avantage : augmenter la part du dirigeant. Risque : possibilité d’être condamné pour abus de biens sociaux par des associés lésés.
Le bilan pour les banquiers. Il permet de présenter l’entreprise sous son meilleur jour et de minorer les charges financières, d’exploitation, les charges exceptionnelles et celles liées aux impôts sur le bénéfice et à la participation, afin de présenter la meilleure situation. Avantage : avoir un bon ratio de crédit. Risque : surévaluer ses rentrées financières et être en difficulté au moment où il faudra mettre le cash-flow en face des échéances de remboursement.
Le bilan pour le chef d’entreprise. Il permet à celui-ci de s’y retrouver dans ses tentatives diverses de minoration et est censé refléter au plus juste la situation financière de l’entreprise. Avantage : c’est celui qui expose le plus fidèlement l’actif et le passif de la société. Risque : étant donné qu’il ne correspond pas aux données des services fiscaux, il y a de fortes possibilités de différences lors de la présentation de certaines parties de l’activité.
Parfois, en ayant en compte d’autres entreprises qui traitent avec un client, les banquiers arrivent à recouper les informations financières et à avoir des chiffres concordants. Les tableaux de flux permettent aussi de remonter les entrées et sorties de la société. Mais le problème de la fiabilité des états financiers demeure. Et elle fausse le marché du crédit. Quand les entrepreneurs se plaignent des taux élevés de crédit, ils devraient aussi savoir que les banques mettent des taux plus forts en fonction du risque. Le non-remboursement est plus élevé si au départ la situation de l’emprunteur n’est pas la plus juste.
D’ailleurs, les tribunaux condamnent assez facilement les emprunteurs qui estiment ne pas être tenus par une notification de crédit obtenue par une surévaluation de leur possibilité de remboursement. En effet, certains débiteurs essaient tant bien que mal de faire annuler leur offre de prêt quand la banque réclame le capital dû dans son intégralité en cas de non-respect des échéances. Ils ont rarement gain de cause, car la justice estime qu’il incombe à l’emprunteur de donner la meilleure information sur sa situation économique et financière avant de demander un prêt. Avis aux amateurs des quatre bilans.

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