Forbes Afrique : Le volet formation reste essentiel. Comment participer à renforcer les compétences des acteurs culturels ?
Nivine Khaled : On peut entendre la notion de formation dans un sens large. Pour le spectacle vivant et les arts visuels par exemple, l’OIF mène des actions qui tiennent compte des nouveaux enjeux liés à la crise sanitaire et à la transformation numérique. Ainsi, dès 2021, nous avons renforcé les compétences d’une vingtaine de jeunes créateurs et créatrices du Nord et du Sud à travers une dizaine de projets (résidences, concerts, expositions et tournées), afin de les former aux nouveaux usages du numérique tels que la captation audiovisuelle, la communication digitale, la création et la promotion de contenus en ligne. Nous accordons aussi une grande importance aux enjeux d’égalité de genre tels qu’avec le programme nigérien « la Ruche », une formation de gestionnaires en administration culturelle destinées aux femmes de la zone Sahel. Nous sommes aussi intervenus en Côte d’Ivoire pour une formation de fabrication de matériaux liés aux enjeux de la transition écologique et enfin, nous avons financé au Maroc une formation aux métiers d’ingénierie du son en faveur de jeunes techniciennes et techniciens du continent africain.
Forbes Afrique : Les ICC se digitalisant, vous avez mis en place une stratégie numérique dédiée. Comment celle-ci s’articule t’elle ?
Nivine Khaled : S’intéresser aux enjeux de la digitalisation des ICC s’inscrit en effet dans la continuité des actions de l’OIF en faveur de la culture. De nombreux défis restent à relever, notamment en ce qui concerne la valorisation des contenus culturels francophones sur les plateformes numériques, la promotion de modèles d’affaires plus équitables et inclusifs, le renforcement des compétences de l’ensemble des acteurs du monde culturel, notamment ceux du Sud, et le renforcement de la capacité de régulation et de gouvernance des États et gouvernement à l’ère du numérique et de l’intelligence artificielle.
« S’intéresser aux enjeux de la digitalisation des industries culturelles et créatives s’inscrit dans la continuité des actions de l’OIF »
Dans le cadre de la Stratégie de la Francophonie numérique 2022-2026, adoptée en 2021, un des cinq axes est dédié à la « découvrabilité » –un beau terme qui nous vient du Québec – des contenus francophones en ligne. Outre la réalisation de divers travaux de réflexion, de recherche et d’analyses prospectives autour de la découvrabilité des contenus culturels francophones en ligne, l’OIF travaille actuellement à la structuration d’un triple volet veille/plaidoyer/formation, qui pourra être finalisé lors de notre prochaine programmation quadriennale. La promotion de la diversité culturelle et linguistique à l’ère du numérique se retrouve également dans les autres d’axes d’intervention de la stratégie précitée. Je pense à la stimulation de l’innovation au service de l’humain, à travers le développement et un usage inclusif des technologies numériques telles qu’une intelligence artificielle, qui serait responsable et respectueuse des droits de l’Homme.
C’est d’ailleurs ce même enjeu de découvrabilité qui a conduit à la création de la plateforme TV5MONDEplus, aujourd’hui accessible sur presque toute la planète. Pour que cette plateforme devienne aussi une vitrine des productions africaines, et plus largement francophones, nous avons mis en place avec TV5MONDE le Fonds Francophonie TV5MONDEplus qui, au bout d’un an a déjà doublé le montant de ses aides à la production et a sélectionné soutenu en 2021-2022 32 œuvres (films et séries) qui seront proposées en exclusivité mondiale sur la plateforme dans quelques mois.
Forbes Afrique : Une dernière question pur conclure. La thématique des ICC sera-t-elle à l’agenda du prochain sommet de la Francophonie à Djerba ?
Nivine Khaled : Il est bon de rappeler que la Secrétaire générale de la Francophonie, Louise MISHIKIWABO, avait initié dès décembre 2021 une conversation francophone au titre révélateur : « la Francophonie au service des industries culturelles et créatives ». Animée par un panel d’experts de haut niveau, la conversation avait pointé du doigt les défis rencontrés par le secteur mais également le riche potentiel des ICC francophones, notamment celles du Sud et les moyens de les promouvoir et d’assurer leur pleine expansion.
C’est dans ce contexte que se tiendra à Djerba, les 19 et 20 novembre 2022, le prochain grand rendez-vous de la Francophonie, axé autour du thème « Connectivité dans la diversité : le numérique vecteur de développement et de solidarité dans l’espace francophone ». La Secrétaire générale y présentera aux chefs d’États et de gouvernements, pour adoption, une Déclaration sur la langue française dans la diversité linguistique de la Francophonie. Ce document devrait reprendre, entre autres, les grandes réflexions autour du rôle stratégique des industries culturelles et créatives, qui contribuent utilement à la croissance économique et au développement durable. Il devrait également évoquer la question, prioritaire pour notre organisation, de la promotion de la diversité culturelle et linguistique francophone, notamment en ligne, en favorisant la création, la circulation et la découvrabilité des contenus et des produits francophones sur la toile.
Par ailleurs, les acteurs culturels seront invités à exprimer l’identité francophone plurielle, en animant et faisant vivre le Village de la Francophonie, qui se tiendra également à Djerba du 13 au 21 novembre. Du cinéma au livre en passant par le spectacle vivant et les arts visuels, autant de manifestations francophones pour célébrer cette diversité qui constitue l’ADN même de la Francophonie. En résumé, les ICC seront bien au programme du 18e Sommet de la Francophonie, moment incontournable de l’agenda international.
Crédit-photo : OIF
