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Sept défis pour que l’Afrique devienne un leader mondial d’une croissance éco-responsable

Par Christopher Hogg, Professeur affilié à HEC Paris, Directeur académique du GEMM Strategic Management Abidjan et Paris


« Les cadres et dirigeants africains ont une mission à la fois immensément ambitieuse et inspirante : inventer et mettre en place une nouvelle forme de croissance éco-responsable pour accueillir toutes ces nouvelles vies et ces nouveaux talents appelés à devenir les moteurs de l’économie mondiale »

D’ici 30 ans, la population urbaine en Afrique subsaharienne devrait passer de 500 millions d’habitants à près de 1,3 milliard d’habitants (avec en 2050 une population de 2,2 milliards et un taux d’urbanisation de 59 %). En d’autres termes, il s’agit en 30 ans de construire des logements pour accueillir 800 millions de nouveaux citadins, soit plus que ce qu’a fait la Chine entre 1990 et 2020. Il est évident que ces logements ne pourront être construits selon les normes d’aujourd’hui sans effets catastrophiques sur l’environnement et le réchauffement climatique. 

Cet exemple met en évidence deux constats qui s’imposent à tous :

  • L’Afrique subsaharienne sera un territoire primordial de la croissance mondiale des prochaines années, en tout cas dans ses composantes matérielles et énergétiques.
  • Cette croissance ne pourra s’effectuer sans une transformation profonde et radicale de son économie et de ses moyens de production. 

Les cadres et dirigeants africains ont donc une mission à la fois immensément ambitieuse et inspirante : inventer et mettre en place une nouvelle forme de croissance éco-responsable pour accueillir toutes ces nouvelles vies et ces nouveaux talents appelés à devenir les moteurs de l’économie mondiale. Pour se faire, il y a a minima sept grands défis à relever :

1. Favoriser la transition énergétique, en particulier dans les secteurs primaires (mines, agriculture et énergie) et secondaires (industrie et bâtiments) pour diminuer les émissions de gaz à effets de serre, tout en innovant afin d’améliorer significativement la productivité énergétique des usages. Le soleil et la biomasse, grande richesse de l’Afrique, sont bien évidemment des atouts, quitte à réexporter en masse de l’électricité, de l’ammoniac ou de l’hydrogène dans les pays du Nord.

2. Améliorer la gouvernance et la transparence des entreprises privées et publiques pour attirer et sécuriser les grands fonds internationaux qui ont d’ores et déjà identifié l’Afrique comme le continent clé d’une transition énergétique mondiale réussie. Cela favorisera aussi la croissance de grandes ETI (entreprises de taille intermédiaire) régionales et le développement de groupes internationaux, nécessaires à la transformation de l’économie du continent.

3. Promouvoir l’économie de l’innovation en s’inspirant non seulement des nouvelles méthodes de management développées dans le monde la tech américaine, chinoise ou européenne, mais aussi en n’hésitant pas à s’inspirer des meilleures pratiques de l’innovation frugale développées par exemple en Inde ou en Asie du Sud-Est. Le passage de 2 milliards de dollars (un peu moins de 2 milliards d’euros) d’investissement en capital risque sur l’Afrique en 2019 à 6,5 milliards (près de 6 milliards d’euros) en 2022 montre, s’il en est encore besoin, l’appétence des investisseurs pour l’innovation dans cette région du monde.

4. Faire de la diversité une force des entreprises africaines en s’appuyant sur la formidable richesse et diversité de cultures du continent, tout en fournissant un véritable effort pour favoriser encore davantage la tolérance à toutes formes de différences. L’expérience montre que les sites d’innovation et de croissance économique sont le plus souvent des lieux d’ouverture et de tolérance favorisant le vivre ensemble – une valeur que l’on retrouve dans de nombreuses villes d’Afrique.

5. Développer les talents de la jeunesse, car dans un monde désormais vieillissant, l’Afrique sera irriguée de l’énergie et des ambitions d’une jeunesse dont il faudra favoriser et promouvoir le talent créatif. Cela demande d’élever encore plus son niveau d’éducation tant académique que professionnelle (la comparaison avec les très bons résultats obtenus ces dernières années en Asie du Sud ou de l’Est invite à relever fortement les ambitions dans ce domaine). La question de la capacité à manager cette jeunesse au sein des entreprises est également posée. La responsabilité des cadres et dirigeants envers leurs jeunes équipes et leur aptitude à mobiliser et faire grandir ces dernières seront, plus que partout ailleurs, un élément clé de la réussite de nos organisations.

6. S’enrichir avec et non plus contre les autres en abandonnant, peut-être, cette vieille économie centrée sur la compétition féroce de quelques-uns pour acquérir – souvent au détriment des autres – des rentes juteuses (mines, pétroles, monopoles de distribution…), et opter pour une économie plus collaborative où les innovations des plus brillants serviront le développement et le bien-être des communautés. Cette mutation est d’autant plus nécessaire que l’intelligence collective et l’innovation ouverte sont des moteurs puissants de notre croissance moderne.

7. Inventer un nouveau leadership africain. Sans rejeter les formes plus traditionnelles propres aux différentes cultures et régions du continent, celui-ci doit être repensé en étant plus centré sur ce nouvel impératif d’une croissance éco-responsable, sujet finalement commun à toute l’Afrique. Si ce nouveau leadership est défaillant, il est probable que la jeunesse africaine sera bien plus violente et impitoyable avec ses anciens que les jeunes activistes occidentaux le sont aujourd’hui avec leurs aînés en leur reprochant leur inaction climatique.

Ce tableau pourra paraître idéaliste pour certains. Il ne l’est pas. Il est au contraire exigeant. Si l’Afrique ne devient pas demain, grâce à ses talents et ses capacités à innover, un leader mondial de la croissance éco-responsable, c’est l’ensemble du monde qui sera fragilisé. 

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