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Thione Niang Ou Le Rêve Africain

Entrepreneur social, conférencier, auteur, agriculteur, et désormais producteur de cinéma. Thione Niang est tout cela à la fois. Fondateur de l’exploitation agricole JeufZone, un lieu de formation à l’agrobusiness, l’entrepreneur sénégalo-américain est également un ardent défenseur de la jeunesse. Portrait d’un homme qui multiplie les efforts pour que le continent vive enfin son rêve africain.

Par Raïssa Okoï


Ce mercredi 8 janvier, l’heure est à la célébration à l’École Supérieure de Commerce et d’Administration (ESCOA) de Dakar. Les membres de la direction et quelques étudiants sont réunis autour d’un gâteau d’anniversaire en l’honneur de celui qu’ils appellent leur mentor. Thione Niang n’est pas là, mais un des professeurs lance un appel vidéo pour le contacter. À l’autre bout du fil, le quadragénaire au visage juvénile peine à dissimuler sa joie aux premières notes du chant d’anniversaire entonné par la petite assemblée.

Né il y a 47 ans à Kaolack au sein d’une famille modeste de 28 enfants, l’homme porte aujourd’hui de multiples casquettes. Et son parcours atteste de sa détermination absolue. Encore adolescent, il quitte son village natal et rejoint Dakar pour préparer son baccalauréat au lycée Blaise Diagne. Il découvre la vie bouillonnante de la capitale, mais s’y adapte rapidement et suit ses cours tout en travaillant comme ouvrier dans le bâtiment. Cette étape franchie, il décide de tenter sa chance hors du pays de la Teranga. Car le jeune Thione voit grand. Aussi, vise-t-il les États-Unis d’Amérique.


Le Rêve Américain

Après trois visas refusés, il arrive à New York le 25 mai 2000. « Le cœur plein de rêves, empli d’espoir et avec toute mon énergie, je devais tout de suite aller trouver du travail. » Hébergé par un proche, il alterne petits boulots et actions communautaires, malgré son anglais approximatif. Cette expérience sera un tournant, proche d’un récit hollywoodien. Depuis longtemps, Thione est sensible, aux conditions des plus vulnérables. Cette conscience citoyenne le propulse dans la hiérarchie du Parti démocrate. C’est ainsi que six ans plus tard, alors qu’il est membre des Jeunes démocrates, il rencontre le sénateur Barack Obama, qui deviendra en 2009 le 44e Président des États-Unis.

Thione a 30 ans et devient responsable des Jeunes démocrates aux États-Unis, huit ans à peine après son arrivée dans le pays. Un parcours digne du rêve américain pour cet Américain qui rêve d’impacter son pays natal : « Le Sénégal m’a fait naître, et l’Amérique a fait celui que je suis devenu ».

« Le Sénégal m’a fait naître, et l’Amérique a fait celui que je suis devenu ».


2009 : Création de la Fondation Give1Project

Préoccupé par le chômage des jeunes, affecté par le sort des migrants, Thione Niang crée la Fondation Give1Project en 2009 pour renforcer l’engagement des jeunes dans la création et la construction de communautés fortes et autonomes, afin de contribuer au développement structurel de leurs pays. Cette initiative inclut la diaspora et compte des relais dans plus de 30 pays.

Mû par ses convictions et sa passion pour l’Afrique, Thione se nourrit de la pensée des pères du panafricanisme, comme l’intellectuel sénégalais Cheikh Anta Diop ou l’ex-président de la République du Ghana Kwame Nkrumah, qui sont allés étudier à l’étranger avant de revenir au pays. « Ce n’était pas facile et ce n’est toujours pas facile, mais je me bats. Parce qu’un leader doit savoir aller là où il n’y a rien, pour créer quelque chose qui va laisser des traces aux futures générations. (…) C’est dans cette difficulté que l’on va résoudre la dépendance de notre continent, qui a tout et qui manque de tout ».

« Un leader doit savoir aller là où il n’y a rien, pour créer quelque chose qui va laisser des traces aux futures générations »


Retour au Sénégal en 2019

Tout au long de ces années, Thione Niang est souvent revenu dans son pays natal. Il a notamment initié en 2014 le programme Akon Lightning Africa, destiné à vulgariser l’accès à l’énergie. Mais en 2019, celui qui se décrit comme un «entrepreneur en série », décide de s’installer au Sénégal. « Pour moi, quitter Washington et revenir ici, c’était pour montrer aux jeunes d’ici qu’on peut construire chez nous, à commencer par nos villages. Sinon, on va travailler chez les autres et ensuite c’est eux qui vont nous nourrir. Aujourd’hui, je me réjouis de voir beaucoup de gens revenir au pays ».

Parmi tous les secteurs d’activité qui l’intéressent, l’agriculture a particulièrement retenu son attention, « parce que tout le monde doit manger… On ne peut pas seulement compter sur ce qui pousse à l’extérieur, être de simples consommateurs, alors que nous avons tout ce qu’il faut en Afrique. Donc je suis devenu agriculteur et fermier ».

« Quitter Washington et revenir ici, c’était pour montrer aux jeunes d’ici qu’on peut construire chez nous, à commencer par nos villages »


Une Vision de l’Agrobusiness à 360 Degrés

Thione Niang s’investit dans la production et la distribution agricoles avec JeufZone – qui veut dire Zone d’Action, un domaine agricole situé à une soixantaine de kilomètres de Dakar. Ici, l’objectif est triple : nourrir l’Afrique en produisant des aliments du terroir, former et créer des emplois locaux, et proposer des solutions d’investissement avec un apport minimum de 500 000 francs CFA (environ 765 euros). Inspiré par ses voyages en Amérique latine, Niang développe une vision de l’agrobusiness à 360 degrés : d’une part, JeufZone accueille des visiteurs pour une expérience rurale en famille ou en groupe ; et de l’autre, elle possède une plateforme en ligne qui vend du matériel et des équipements agricoles, en plus de produits comestibles issus de son domaine. « En novembre 2024, on a fêté les 10 ans de JeufZone, avec ses 89 promotions et ses 49 nationalités. »

« L’objectif est triple : nourrir l’Afrique en produisant des aliments du terroir, former et créer des emplois locaux, et proposer des solutions d’investissement avec un apport minimum de 500 000 francs CFA (soit environ 765 euros) »


Stimuler l’Emploi Des Jeunes

La transmission – à travers l’éducation des jeunes, la formation des femmes et le coaching – demeure chevillée au cœur de Thione Niang. Yankhoba Diop, directeur de l’École Supérieure de Commerce et d’Administration de Dakar, explique avec gratitude que « c’est grâce à l’impact de Thione que l’ESCOA a été mise en place, car ce sont d’anciens membres de l’initiative Give1Project, y compris moi-même, qui sont à l’origine et qui gèrent l’école ».

Cette volonté d’influer le cours des choses habite Thione Niang depuis une décennie. C’est en effet en 2015 qu’il écrit le premier de ses six livres. Mémoires d’un éternel optimiste[1] est un récit autobiographique traduit en plusieurs langues, auquel se sont ajoutés des essais et d’autres ouvrages destinés à partager ses expériences professionnelles et ses leçons de vie.

« La transmission, à travers l’éducation des jeunes, la formation des femmes et le coaching, demeure chevillé au cœur de Thione Niang »

Après avoir envisagé de se présenter à l’élection présidentielle de 2024 au Sénégal, Thione Niang multiplie aujourd’hui les projets visant à stimuler l’emploi des jeunes tout en développant davantage le continent. Une de ses priorités repose sur la mise en place d’un agritech lab, afin d’aider les agriculteurs à digitaliser leurs activités et à accéder plus facilement au marché. Avec l’application Tractor Now, il veut « connecter les agriculteurs avec les propriétaires de tracteurs, comme un Uber des tracteurs.

« Je veux connecter les agriculteurs avec les propriétaires de tracteurs, comme un Uber des tracteurs »


De l’Agriculture Au Cinéma

Hormis son intérêt pour l’agrobusiness et la Tech, Thione Niang s’investit dans un autre secteur. Depuis peu, l’enfant de Kaolack s’essaye en effet à la production de “films qui racontent nos histoires”. Ses thèmes de prédilection sont les mêmes : l’éducation, la jeunesse, la prise de conscience du patrimoine africain… “Je débute et mon premier film, Aïcha, a été présenté en avant-première le 10 novembre à Dakar.” Le film est inspiré de l’histoire dramatique et bien trop fréquente de ces filles préposées aux tâches domestiques pour aider leur famille pauvre, au lieu de se concentrer sur l’école.

Cette production a fait travailler plus de 300 personnes et c’est à dessein que l’entrepreneur social a situé l’histoire en zone rurale, pour sensibiliser sur les conditions difficiles que connaissent encore certaines familles.

Mais Thione Niang ne s’arrêtera pas là : “Mon prochain film portera sur les jeunes qui partent au Nicaragua. On veut utiliser le cinéma comme Soft Power (…), et c’est important pour l’emploi. On va montrer au monde la créativité du Sénégal”.

« On va montrer au monde la créativité du Sénégal »

[1] Mémoires d’un éternel optimiste, Thione Niang, Washington Publishing, 2015.



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