Du 12 au 14 novembre, Conakry a accueilli la 7ᵉ édition du Transform Africa Summit (TAS), pour la première fois organisée en Afrique francophone. En réunissant gouvernements, institutions, entreprises technologiques et acteurs de l’innovation, le continent a discuté souveraineté numérique, intelligence artificielle et infrastructures. Une édition qui a également servi de vitrine à la Guinée, déterminée à accélérer sa transformation digitale avec le lancement du Pilier 3 de son programme « Simandou 2040 », dédié à la technologie.
Par Dounia Ben Mohamed, à Conakry
Pendant trois jours, la capitale guinéenne s’est transformée en forum continental où s’est dessinée la trajectoire numérique africaine des prochaines années. Le Transform Africa Summit (TAS), pilier de l’Alliance Smart Africa, s’inscrit depuis dix ans comme l’un des rendez-vous majeurs de la gouvernance numérique en Afrique. Pour cette édition 2025, placée sous le thème de l’intelligence artificielle, les échanges ont porté sur la manière dont le continent peut développer des modèles technologiques qui lui ressemblent, respectent ses langues, protègent ses données et renforcent ses capacités locales.
Le président rwandais Paul Kagame, également président du Conseil d’administration de Smart Africa, a rappelé cet enjeu dès l’ouverture : l’IA ne doit pas être « un simple transfert technologique », mais un outil capable de répondre aux défis africains. Entre cybersécurité, infrastructures, data centers, compétences humaines et coopération régionale, l’édition 2025 marque une volonté commune : inscrire l’Afrique dans la construction de l’intelligence artificielle mondiale, et non seulement dans sa consommation.
« L’édition 2025 marque une volonté commune : inscrire l’Afrique dans la construction de l’intelligence artificielle mondiale, et non seulement dans sa consommation »

Conakry, Un Choix Stratégique Pour Une Édition Symbolique
Le choix de la Guinée pour accueillir cette 7ᵉ édition n’est pas le fruit du hasard. Le pays avait manifesté son intérêt dès 2020, avec l’ambition de se positionner comme une plateforme régionale du numérique. L’accueil du TAS lui permettait de montrer ses avancées, mais aussi d’annoncer ses nouvelles orientations. « Hier, la Guinée lançait le plus grand projet minier d’Afrique. Aujourd’hui, elle accueille le plus grand sommet du continent sur le numérique. Deux événements, deux symboles, un seul message : notre pays entre dans une nouvelle ère », a annoncé dès l’ouverture la ministre guinéenne des Postes, des Télécommunications et de l’Économie numérique, Rose Pola Pricemou.
Ainsi, la tenue du TAS à Conakry a servi de rampe de lancement officielle du Pilier 3 de Simandou 2040, entièrement consacré aux technologies, à l’innovation et aux infrastructures digitales.
Le Pilier 3 de Simandou 2040 : la Technologie Comme Nouveau Moteur
Le Pilier 3 place le numérique au cœur d’une transformation structurelle : développement de la fibre, construction de data centers souverains, appui aux startups, technopoles comme le projet Symphonia, digitalisation de l’administration et renforcement de la cybersécurité. L’objectif est de créer une économie plus diversifiée et résiliente, en donnant une place centrale aux technologies émergentes.
Mais la réussite de cette feuille de route nécessite une coordination étroite entre État, entreprises et investisseurs. C’est ici que les experts guinéens présents au TAS ont apporté leur lecture, en mettant en lumière les avancées, mais aussi les défis à relever.
« L’objectif est de créer une économie plus diversifiée et résiliente, en donnant une place centrale aux technologies émergentes »
Infrastructures et Souveraineté : Les Priorités Identifiées par les Acteurs du Terrain
Pour les entrepreneurs guinéens, les ambitions portées par l’État doivent s’appuyer sur des fondations solides. Mory Konaté, CEO de BilletFacile et de Mansa Network, insiste sur l’urgence de renforcer l’infrastructure nationale : « Pour moi, la première priorité, c’est de consolider nos infrastructures de base : une fibre optique fiable, accessible et distribuée sur tout le territoire, et des data centers souverains capables d’héberger nos données stratégiques. Tant que ces fondations ne sont pas solides, on ne peut pas bâtir un écosystème digital compétitif ».
Il estime que cette transformation ne peut réussir sans un rôle fort de l’État : « On ne peut pas construire un écosystème dynamique si les startups guinéennes doivent se battre seules face à des géants internationaux surpuissants. L’innovation ne doit pas être un slogan : elle doit être un axe politique clair, assumé et financé ».
Une Vision Stratégique à Structurer
« La réussite de ce programme, en particulier dans le secteur des technologies, passe par une stratégie sectorielle ambitieuse, des politiques concertées et la facilitation de l’innovation, de l’investissement et du développement par le privé. L’État doit être stratège, organisateur et régulateur », observe Lionel Chobli, président de la Guinéenne de Fibre Optique (GFO). Qui rappelle au passage que la transition numérique guinéenne ne peut être isolée du reste de l’économie : « Les télécommunications et le digital sont indispensables à la bonne marche des secteurs d’activités qui produiront de la richesse, de la croissance et de la prospérité d’ici 2040 ».
Ses propos font écho à l’esprit du TAS : les infrastructures numériques ne sont plus un secteur parmi d’autres, mais une condition préalable au développement industriel, éducatif, sanitaire et administratif.
« L’État doit être stratège, organisateur et régulateur, observe Lionel Chobli, président de la Guinéenne de Fibre Optique (GFO) »
Un Sommet Continental, Une Vitrine Nationale
Si la Guinée a profité du sommet pour présenter sa feuille de route, l’événement est resté avant tout continental. Les panels ont mis en avant des enjeux partagés : souveraineté des données, IA multilingue, finance digitale inclusive, cybersécurité, télé-médecine, modernisation des administrations et innovation locale. Conakry a offert la scène ; l’Afrique a apporté le débat.
Les discussions autour de l’IA ont montré que le continent veut éviter une dépendance technologique, encourager les modèles locaux et renforcer les capacités humaines. Et c’est précisément ce croisement entre ambitions nationales et dynamique continentale qui a donné à cette 7ᵉ édition une portée particulière.
En près d’une décennie, le Transform Africa Summit (TAS) est passé, selon ses promoteurs, d’un simple espace de réflexion à une plateforme d’action concrète pour la transformation numérique du continent. Depuis sa première édition en 2013 à Kigali, le TAS a permis de structurer des initiatives majeures telles que le Smart Africa Digital Academy, le One Africa Network, et le programme Smart Broadband 2025, visant à renforcer l’accès au haut débit et à former de jeunes talents africains. Chaque année, le sommet s’accompagne de partenariats et d’accords concrets : ces dernières éditions ont vu la signature de plusieurs MoU (mémorandums d’entente) entre pays africains, institutions internationales et acteurs privés, confirmant l’esprit de coopération continentale qui anime l’événement.
« Chaque année, le Transform Africa Summit (TAS) s’accompagne de partenariats et d’accords concrets »
Cette 7ᵉ édition n’aura pas fait pas exception. Elle a notamment été l’occasion du lancement de TéLémo, la nouvelle plateforme nationale guinéenne des marchés publics, fruit d’un partenariat entre la Guinée et le Rwanda… Un esprit de panafricanisme qui aura résonné dans les discours et les échanges, un fil conducteur que l’enfant du pays Black M a incarné lors de sa prestation, célébrant l’unité africaine.

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