À Cotonou, l’Africa Design School redéfinit les contours de la création en Afrique. Depuis son lancement en 2019, cette institution de formation est devenue un véritable laboratoire d’idées et un phare de création, où les futures générations de designers africains sont formés pour concevoir des solutions innovantes et créatives adaptées aux besoins locaux, tout en intégrant les standards internationaux du design. Kefil Saka, directeur exécutif de l’école, explique à Forbes Afrique comment le Bénin s’impose désormais comme un véritable hub du design sur le continent.
De l’espace urbain aux interfaces numériques, l’Africa Design School s’affirme désormais comme un poumon créatif où se dessine le futur du design africain. Créée en 2019 grâce à une collaboration entre le gouvernement béninois, via l’agence de développement Sèmè City (le hub d’innovation béninois) et l’École de design Nantes Atlantique, l’institution est née de l’ambition de mettre en place sur le continent une école capable de former des designers africains au même niveau de qualité et d’exigence que les grandes institutions internationales, tout en restant ancrée dans les réalités locales avec ses urgences. « L’objectif est de former des designers africains capables de répondre aux problématiques locales, d’abord au Bénin, puis plus largement sur le continent », explique Kefil Saka, directeur exécutif de l’Africa Design School.
« L’objectif est de former des designers africains capables de répondre aux problématiques locales, d’abord au Bénin, puis plus largement sur le continent »
Des Formations de Pointe
En six années d’existence, l’école a mis en place une offre pédagogique complète. Elle propose quatre filières de licence : design numérique, design graphique, design d’espace et design d’objet, ainsi qu’un Cycle master innovation design strategy. « Après avoir acquis l’expertise d’un des métiers du design en licence, le Master vise à forger une capacité à aborder des problématiques globales, systémiques, et renforce l’interdisciplinarité. De même, il est tourné vers l’international, au travers de stages ou d’échanges avec des écoles partenaires », confie Kefil Saka.
Ces formations, dispensées à Cotonou, sont reconnues au niveau international. En effet, l’Africa Design School délivre à ses étudiants un diplôme d’État français grâce au partenariat académique avec l’Université de Nantes. Mais, au-delà de la reconnaissance internationale, l’école revendique son identité africaine. Les projets développés par les étudiants sont pensés pour répondre à des problématiques locales : améliorer l’accès aux services essentiels, concevoir des espaces adaptés aux usages communautaires, créer des interfaces inclusives pour les populations diverses du continent.
« L’Africa Design School délivre à ses étudiants un diplôme d’État français grâce au partenariat académique avec l’Université de Nantes »
Une École Africaine à Dimension Internationale
Depuis son ouverture, l’Africa Design School a déjà formé environ 400 étudiants et 300 sont actuellement inscrits. Plus de la moitié de ces étudiants sont des femmes, un signe fort dans un secteur longtemps dominé par les hommes. « L’école n’a pas de politique spécifique pour attirer les filles, mais nos formations les intéressent naturellement ».
Si 80 % des étudiants sont Béninois, l’école attire également des jeunes venus de Côte d’Ivoire, du Sénégal, du Togo, du Congo, du Burkina-Faso, et même de France et du Liban.
Pour intégrer l’Africa Design School, le candidat doit d’abord être titulaire d’un baccalauréat, puisque l’établissement délivre des licences et des masters. Ensuite, les candidats passent un test de créativité au cours duquel ils doivent produire un récit écrit, à partir de deux mots, ainsi qu’une réalisation artistique (dessin, arts plastiques, etc.). Enfin, un entretien est organisé avec le responsable pédagogique de la filière choisie : il est alors demandé au candidat d’expliquer pourquoi il souhaite s’orienter vers le design et ce qui l’intéresse dans ce domaine. « Nous recherchons avant tout la curiosité, l’ouverture d’esprit et la créativité », explique Kefil Saka.
Cet ancrage africain et cette ouverture internationale se reflètent également dans le corps professoral, composé à la fois de designers béninois expérimentés et de formateurs étrangers, notamment issus de l’École de design Nantes Atlantique, qui animent régulièrement des workshops et masterclasses à Cotonou.
« Depuis son ouverture, l’Africa Design School a déjà formé environ 400 étudiants et 300 sont actuellement inscrits »
L’Accessibilité Comme Mot d’Ordre
Si l’enseignement est de haut niveau, le coût de la scolarité reste volontairement maîtrisé : 2,3 millions de francs CFA par an, soit environ 3 500 euros. Un tarif qui peut sembler élevé dans le contexte local, mais qui reste très éloigné des frais demandés en Europe, notamment à l’Université de Nantes, où une année de formation similaire coûte entre 11 000 et 12 000 euros. « C’est possible grâce au soutien du gouvernement béninois via l’Agence de développement de Sèmè City, qui soutient le projet. Aussi, l’école a mis en place des paiements échelonnés pour permettre à toutes les bourses de payer selon leur rythme. L’école n’a rien d’élitiste », fait savoir Kefil Saka.
Cette volonté d’accessibilité se retrouve aussi dans la diversité du recrutement : l’école attire des profils variés, issus de milieux sociaux différents, convaincus que le design peut être un tremplin vers une carrière internationale.
« Si l’enseignement est de haut niveau, le coût de la scolarité reste volontairement maîtrisé : 2,3 millions de francs CFA par an, soit environ 3 500 euros »
Une Pédagogie Tournée Vers l’Expérience
À l’Africa Design School, la professionnalisation fait partie intégrante du parcours. Les stages en entreprise sont obligatoires à chaque étape du cursus : un mois en première année, trois mois en deuxième, quatre mois en troisième année, et jusqu’à six mois en master.
« À l’Africa Design School, la professionnalisation fait partie intégrante du parcours. Les stages en entreprise sont obligatoires à chaque étape du cursus »
Parallèlement, l’école organise, deux fois par an, des rencontres entre étudiants et entreprises partenaires. Résultat : 100 % des étudiants trouvent un stage, et certains se voient proposer un emploi avant même la fin de leurs études. Les débouchés vont de grandes entreprises comme Canal+ et Sofitel à des agences créatives locales ou des projets entrepreneuriaux initiés par les étudiants eux-mêmes. « Le besoin est réel. Nous recevons parfois plus d’offres de stages que nous n’avons d’étudiants à placer. »
Le succès de l’école repose aussi sur un réseau de partenaires particulièrement riche. L’Africa Design School collabore aujourd’hui avec plus d’une centaine d’entreprises et d’institutions au Bénin, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Togo et en France. Ce maillage permet d’offrir aux étudiants des opportunités de stages et de collaborations pédagogiques partout en Afrique de l’Ouest. « Les stages se font principalement au Bénin, mais certains étudiants partent aussi à l’étranger selon leurs projets professionnels. »
« Le besoin est réel. Nous recevons parfois plus d’offres de stages que nous n’avons d’étudiants à placer. »
Des Événements Qui Font Rayonner le Design Africain
L’Africa Design School ne se limite pas à former. Elle se distingue également par son rôle de vitrine pour le design africain. En 2024, l’école a rejoint l’association internationale Cumulus, qui regroupe 400 grandes écoles de design dans le monde. « Nous faisons partie des rares écoles africaines sélectionnées », se réjouit Kefil Saka.
Ainsi, en avril 2025, l’école a accueilli, pour la première fois sur le continent, le « Cumulus Student Camp », un rassemblement d’étudiants internationaux autour de projets collaboratifs interculturels et interdisciplinaires. « Au cours de ce workshop international, des étudiants venus de France, d’Espagne et de Cotonou ont travaillé ensemble autour d’une thématique locale, couleur indigo. »
«En 2024, l’école a rejoint l’association internationale Cumulus, qui regroupe 400 grandes écoles de design dans le monde»
Quelques semaines plus tard, l’Africa Design School lançait la première édition de l’African Design Week, un événement majeur qui a réuni près de 900 participants venus d’une dizaine de pays, avec la présence de figures de renom comme les designers sénégalais Bibi Seck et Ousmane Mbaye.
Dès 2026, l’école s’apprête à franchir une nouvelle étape avec le lancement des « Africa International Design Awards ». Objectif : récompenser les meilleures initiatives de design africain et de la diaspora.
Pour Kefil Saka, cette dynamique illustre la place que le design peut occuper dans le développement de l’Afrique. « En Afrique, chaque problème est une opportunité. Le design est une méthodologie d’innovation qui aide les entreprises à se réinventer et à innover. Avec une jeunesse africaine aussi créative et motivée, les designers que nous formons aujourd’hui seront les dirigeants de demain », conclut le directeur exécutif de l’Africa Design School.
« L’Africa Design School lançait [en juillet 2025] la première édition de l’African Design Week, un événement majeur qui a réuni près de 900 participants venus d’une dizaine de pays »
Bio Express
Kefil Saka
Professionnel béninois spécialisé dans le design numérique et la création graphique, Kefil Saka est diplômé d’un Master en Humanité numérique, création et édition numérique à l’Université Paris 8 Saint-Denis. Il a commencé sa carrière chez Vice Media à Paris, où il a acquis ses premières expériences en agence créative. Après quelques missions en freelance, il est revenu au Bénin en 2020 pour rejoindre l’Africa Design School. Initialement responsable pédagogique, il avait pour mission de lancer la filière design graphique et de superviser la filière design numérique. Grâce à son engagement et à son expertise, il a progressivement évolué au sein de l’école et occupe aujourd’hui le poste de directeur exécutif.
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