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BTP & Infrastructures : Des Besoins Toujours Massifs

Ponts, routes, tours, logements, la politique des grands travaux chère au président Ouattara se poursuit, métamorphosant considérablement le visage d’Abidjan. Destinées à amorcer le changement structurel du pays, ces infrastructures modernes mobilisent les investisseurs du secteur privé et de la construction.

Par Kouza Kiénou


D’un symbole à l’autre. À son inauguration en décembre 2014, le pont Henri Konan Bédié (aussi appelé 3e pont d’Abidjan) symbolisait la « mise en chantier » du pays voulue par le président Ouattara, pour qui l’intense politique de construction lancée au lendemain de la crise postélectorale visait à améliorer l’accès des populations aux infrastructures et services de base. Près de neuf ans plus tard, l’inauguration, en août 2023, du pont Alassane Ouattara (5e pont) constitue un nouvel emblème du changement en cours. Conçu par le groupe ivoirien PFO Africa1, le fier pont à haubans reliant le Plateau et Cocody s’impose désormais comme le symbole d’une modernisation tous azimuts.


Commande Publique Et Investissements Privés

De fait, le secteur du BTP (28 000 emplois, dont 83 % dans de grandes entreprises) s’affiche comme l’un des plus dynamiques du pays. Représentant 4,3 % du PIB national et 21 % du PIB secondaire en 2023, il enregistre une croissance annuelle de 5 % depuis 2015. Du côté de la commande publique, plusieurs projets structurants ont impulsé cette croissance, à commencer par les travaux d’infrastructures du Grand Abidjan (Y4, échangeurs, 4e et 5e ponts, métro…) et ceux de la CAN (quatre stades et villages environnants), mais aussi la redynamisation du programme de logements sociaux, avec un objectif de 20 000 logements2, ainsi que la remise en état du réseau routier national. À quoi s’ajoutent la zone industrielle PK24, celle d’Akoupé, le barrage de Gribo Popoli, la centrale thermique d’Atinkou, l’agrandissement et la modernisation des ports d’Abidjan et de San-Pédro, autant de grands projets d’infrastructures qui impactent le secteur du BTP.


Densification Urbaine Et Rareté Foncière

Celui-ci bénéficie également des investissements privés, en forte croissance3. La demande concerne en particulier l’immobilier résidentiel, le déficit structurel de logements en Côte d’Ivoire étant estimé à 800 000 unités2. Face à la densification urbaine et à la rareté foncière dans la capitale, le choix s’est porté sur des immeubles collectifs de type R+9 à Abidjan et R+4 dans les villes de l’intérieur. Par ailleurs, les entreprises du bâtiment (et notamment du ciment) bénéficient également du développement rapide du secteur minier et pétrolier. Enfin, l’immobilier commercial a lui aussi le vent en poupe, avec la création de nombreuses entreprises et la construction de centres commerciaux, en phase avec le dynamisme du secteur de la grande distribution. Ces vastes chantiers font intervenir des acteurs issus d’horizons multiples (Europe, Chine, Maghreb, pays du Golfe, Turquie…), où se démarquent quelques Ivoiriens (dont PFO, Porteo, Kaydan, NSE CI, LRA…). Confrontés depuis la pandémie de Covid-19 à la hausse des prix des matériaux, ces groupes sont également soumis à des contraintes environnementales de plus en plus fortes pour la construction des bâtiments et à une évolution de la réglementation dans le secteur immobilier.

La future Tour F, actuellement en construction à Abidjan

1. PFO Africa, qui a conçu le parc des expositions d’Abidjan (inauguré en juillet 2023), a aussi été retenu pour la conception de la Tour F, qui culminera à plus de 300 mètres. 

2. Un programme d’urgence portant sur 25 000 logements sociaux (à Abidjan, Yamoussoukro, Bouaké, Korhogo et San- Pédro) va prochainement être lancé, suite à l’octroi en juillet 2024 par la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA) d’un prêt de 68 millions d’euros.

3. Le Programme national de développement (PND) 2021-2025 représente un investissement global de 90 milliards d’euros sur la période, aux trois quarts apportés par le secteur privé.


Stéphane Affro : « Ces quatre dernières années, nous avons développé 1 500 logements »

Avec 15 sociétés et 450 collaborateurs, Kaydan, créé en 2013 par Alain Kouadio, multiplie les chantiers dans le pays. Stéphane Affro, Directeur général de Kaydan Groupe, nous partage la vision de ce groupe présent dans l’immobilier, la technologie et la finance.

Complément d’Interview publiée dans l’Édition N°80 – Propos recueillis par Kouza Kiénou

Stéphane Affro, Directeur Général Du Groupe Kaydan

Forbes Afrique : Kaydan Groupe comprend plusieurs sociétés réunies en trois pôles : technologies, immobilier/infrastructures et finances. Comment assurez-vous la synergie entre ces entités ?

Stéphane Affro : Né il y a une vingtaine d’années de la volonté de son président, Alain Kouadio, Kaydan s’est renforcé par création successive de filiales, conformément à la stratégie de développement du groupe. Nous sommes aujourd’hui leader sur nos principaux segments d’activités par la mise en œuvre rigoureuse de cette stratégie axée sur l’intégration de nos activités (études, exécution, financement, commercialisation et gestion), le recrutement des meilleurs talents, et enfin notre obsession à parfaire le service rendu au client. Aujourd’hui, Kaydan Groupe, c’est 15 sociétés, 450 collaborateurs, 12 métiers, ainsi que 2 000 ouvriers spécialisés sur l’ensemble de nos chantiers.

Nous intervenons sur trois segments d’activités à travers une dizaine d’entreprises. Dans l’immobilier et les infrastructures, nous sommes un développeur avec un agrément de promoteur immobilier. Nous structurons des projets sur toutes les classes d’actifs : résidentiel, bureautique, hôtellerie et l’ensemble de la chaîne des métiers qui part de la programmation jusqu’à l’exploitation. Nous intégrons dans notre chaîne de valeur la conception architecturale, la conception technique, le bureau d’étude technique, la commercialisation, le financement et la gestion d’actifs pour le compte de tiers. Pour les infrastructures, nous avons développé les études routières de la côtière et d’Assinie. Dans la technologie et les télécoms, nous distribuons des produits et services télécoms et nous déployons les infrastructures (fibre optique, NRO) pour les opérateurs télécoms. Depuis début 2024, nous sommes détenteurs de la Licence C1B qui nous permet d’installer les infrastructures télécom et d’en assurer la commercialisation. Nous développons également des applications et intervenons dans l’assemblage et la distribution d’équipements et solutions intelligentes pour la ville. Dans la finance, nous gérons un fonds d’investissement immobilier, de type private equity à travers notre filiale Caffim Holding et sommes également gestionnaires d’OPCVM agréés par l’AMF UEMOA à travers notre filiale Kaydan Asset Management. Ces pôles d’activité, loin d’être cloisonnés, s’intègrent parfaitement, en synergie, à notre proposition de valeur sur nos différents marchés. 

« Depuis début 2024, nous sommes détenteurs de la Licence C1B qui nous permet d’installer les infrastructures télécom et d’en assurer la commercialisation »

Alain Kouadio, Président Fondateur Du Groupe Kaydan

Quelles sont les ambitions régionales du groupe ?

S. A. : Nous sommes présents au Gabon et nous analysons aujourd’hui des perspectives en Afrique de l’Ouest francophone dans le secteur de l’immobilier, des télécoms et de la construction.

Où en est le projet de mise en place d’un organisme de placement collectif en valeurs mobilières et quelles en sont les modalités pratiques ?

S. A. : L’activité de promotion immobilière est de nature très capitalistique, alors que les banques commerciales ont des limites réglementaires sectorielles, mais également de contrepartie. Ainsi, la recherche de financement alternatif est structurelle à notre activité. Nous avons mis en place une alternative innovante pour le financement de nos programmes. Aujourd’hui, la principale source de financement de l’économie est l’épargne collective. À travers notre filiale Kaydan Asset Management, nous avons développé, en collaboration avec les autorités des marchés financiers, un organisme de placement collectif en valeur mobilière : Kam Croissance+. Ce produit est pour l’instant destiné majoritairement aux gros investisseurs, notamment les banques, les compagnies d’assurance ou encore les caisses de retraite. Notre ambition, dans un futur proche, en prenant en compte toutes les mesures réglementaires, est de mettre sur le marché un produit qui s’adresse au grand public. Ce qui permettra à toute personne souhaitant profiter de la rentabilité qu’offre le secteur immobilier de pouvoir y accéder

« Nous avons mis en place une alternative innovante pour le financement de nos programmes »


Kaydan Technology a obtenu la licence C1B qui confère la possibilité de construire et de commercialiser les infrastructures de fibre optique. Quels sont les objectifs et les priorités que vous lui fixez ?

S. A. : L’obtention de la licence C1B représente pour notre entreprise une avancée stratégique majeure, nous permettant de devenir un acteur clé dans le développement des infrastructures de fibre optique en Côte d’Ivoire. À cet égard, nous avons défini des priorités claires pour maximiser l’impact de cette opportunité.

Notre priorité première est de déployer la fibre optique au sein des cités que nous construisons. En nous appuyant sur un seul standard, le standard Kaydan, nous visons à maîtriser entièrement l’urbanisation et l’architecture de nos cités, garantissant ainsi une intégration optimale de la fibre optique jusque dans les logements de nos souscripteurs. Cette approche permet non seulement de fournir une infrastructure technique de qualité supérieure, mais aussi d’assurer une cohérence architecturale et technologique dans nos projets immobiliers.

Par ailleurs, nous envisageons d’étendre nos actions aux cités voisines de nos développements. En déployant nos infrastructures de fibre optique dans ces zones adjacentes, nous créons une opportunité de croissance significative. Cette initiative vise à améliorer la connectivité dans les communautés environnantes, contribuant ainsi à une uniformisation de l’infrastructure numérique locale.

Dans cette dynamique d’uniformisation, nous souhaitons mettre notre infrastructure à disposition des opérateurs de télécommunications, moyennant des redevances. Cette approche collaborative permet aux opérateurs de bénéficier d’une infrastructure de haute qualité, tout en leur permettant de limiter la mobilisation de lourds investissements. Cette synergie essentielle garantira une couverture réseau homogène et fiable, répondant ainsi aux besoins croissants en connectivité de la population.

Enfin, notre ambition ultime est de positionner la fibre optique comme l’infrastructure numérique de référence en Côte d’Ivoire. Pour ce faire, nous envisageons une collaboration étroite avec l’État, afin de garantir une coordination efficace des efforts et des ressources. Ensemble, nous visons à bâtir une infrastructure numérique robuste, capable de soutenir les ambitions de développement économique et social du pays.

« Notre ambition ultime est de positionner la fibre optique comme l’infrastructure numérique de référence en Côte d’Ivoire »


Comment se porte le secteur des infrastructures, en particulier l’immobilier où le groupe Kaydan est devenu un acteur incontournable ?

S. A. : Le secteur de l’immobilier est en plein essor et c’est un signe de la vigueur économique de notre pays. En tant que développeur immobilier national, nous nous sommes positionnés sur tous les segments du résidentiel afin de répondre au besoin de logement : de l’économique au luxe. Notre marque de fabrique est la livraison d’un actif immobilier de qualité qui permet aux acquéreurs d’y accéder en toute quiétude.

Ces quatre dernières années, nous avons développé 1 500 logements : le programme Symphonia avec 150 logements, situé à la Riviera ; Callisto, à Grand-Bassam, avec 700 logements ; et Bo’Reflets (700 logements), situé à Angré.

Pour le développement d’un programme social et/ou économique, il est nécessaire d’industrialiser l’ensemble du processus et de bénéficier d’exonérations fiscales et douanières qui sont parfois difficiles à mettre en œuvre. Aujourd’hui, Kaydan est en capacité d’adresser l’ensemble de ces enjeux afin de permettre à des acquéreurs des classes moyennes d’accéder à des logements de qualité et à des prix abordables. En début d’année, nous avons ainsi signé une convention avec le ministère de la Construction pour réaliser et commercialiser 10 000 logements sociaux, économiques et de standing avec les résidences Kotibés (350 logements), à San-Pédro, les jardins d’Ahoué (2 phases avec 2 800 logements) à Ahoué, et enfin les résidences Oasis (près de 9 000 logements) à Anyama.

Notre programme immobilier « Les Jardins d’Ahoué », en codéveloppement avec notamment la Caisse de Dépôts et de Consignations de Côte d’Ivoire (CDC-CI), comprenant 2 800 logements (villas et appartements) et dont les travaux ont commencé, est composé à 80 % d’actifs sociaux économiques avec des prix subventionnés selon les barèmes de l’État, c’est-à-dire n’excédant pas 23 millions de francs CFA (environ 35 000 euros). Ces projets, bien qu’à caractère social et économique, bénéficieront de l’ensemble des commodités du label Kaydan, notamment un dispositif de sécurité, un cadre de vie agréable et une conciergerie, afin d’adresser la problématique de gestion de la copropriété.

« En tant que développeur immobilier national, nous nous sommes positionnés sur tous les segments du résidentiel afin de répondre au besoin de logement : de l’économique au luxe »


Portéo, PFO Africa, Kaydan groupe… On constate la montée en puissance d’acteurs locaux dans la construction, au rythme de la multiplication des grands chantiers. Quel commentaire en faites-vous ?

S. A. : Il est encourageant d’avoir des acteurs de référence sur notre marché. Toutefois, nous sommes confrontés aux mêmes défis que l’ensemble des acteurs de la chaîne de la fabrication urbaine sur la documentation juridique. Nous encourageons le ministère de la construction et l’ensemble de la puissance publique à poursuivre les efforts d’amélioration de la sécurité de la documentation foncière, car c’est un levier important pour structurer la dette, qui demeure essentielle à la réussite d’un programme.

Pour l’avenir, nous pouvons regrouper les pistes de réflexion en deux principaux défis pour le développement de notre secteur d’activité. Le premier est l’industrialisation, processus qui permettra de localiser une partie de la valeur ajoutée de la chaîne de production immobilière et offrira aux jeunes Ivoiriens les emplois nécessaires, dans un processus dynamique comme celui de la construction. Le second est la professionnalisation : il faudrait au secteur une réelle professionnalisation des métiers liés à la construction (maçons, menuisiers, ferrailleurs, peintres…), sans quoi, l’activité se trouvera impactée par le non-respect des délais de livraison, les malfaçons et une impossibilité, toujours plus croissante, de couvrir la demande.

Les métiers de la construction doivent être mis en œuvre par les plus passionnés de nos jeunes. Dans cette veine, en partenariat avec le ministère de la Formation professionnelle et de l’Apprentissage, nous avons initié l’École des talents. Ce programme permet de recruter de jeunes passionnés, de les former et de les insérer dans la vie professionnelle du secteur du BTP.

« Il faudrait au secteur une réelle professionnalisation des métiers liés à la construction »


1. Via trois programmes situés à la Riviera, à Grand-Bassam et à Angré.

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