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Les Difficultés Comparées de l’Acquisition Foncière en Côte d’Ivoire et au Cameroun

Cote-divoire-Cameroun ©Droits Réservés-Forbes Afrique_Version-Exclu-Web

L’accès à la propriété foncière demeure un enjeu crucial en Afrique subsaharienne, particulièrement en Côte d’Ivoire et au Cameroun, tant pour les locaux que pour la diaspora. Ces deux pays, bien que partageant certaines similitudes économiques et culturelles, présentent des particularités qui influencent directement les processus d’acquisition foncière.

Albert Ménélik Tjamag, COO de PARSCEL.


Le Labyrinthe Foncier Ivoirien

En Côte d’Ivoire, le système foncier est caractérisé par une dualité persistante entre droit coutumier et droit moderne. Cette coexistence, héritage de l’histoire coloniale et post-coloniale du pays, engendre une complexité juridique qui freine considérablement l’accès à la propriété. Selon une étude récente de la Banque mondiale (2019), seulement 4% des terres rurales sont immatriculées en Côte d’Ivoire. Ce chiffre alarmant illustre l’ampleur du défi auquel font face les autorités ivoiriennes. L’absence de titres fonciers formels pour la grande majorité des terres crée une insécurité juridique majeure, dissuadant les investisseurs potentiels, qu’ils soient locaux ou issus de la diaspora. Le processus d’obtention d’un titre foncier en Côte d’Ivoire est particulièrement laborieux. En moyenne, il faut compter 18 mois et débourser l’équivalent de 10,8% de la valeur du bien pour obtenir un titre de propriété en bonne et due forme. Ces délais excessifs et ces coûts prohibitifs constituent un frein majeur au développement du marché immobilier et à l’investissement dans le pays.

En moyenne, il faut compter 18 mois et débourser l’équivalent de 10,8% de la valeur du bien pour obtenir un titre de propriété en bonne et due forme.


Les Défis Camerounais : Entre Tradition et Modernité

Au Cameroun, la situation foncière n’est guère plus simple. Le pays fait face à un pluralisme juridique complexe, mêlant également droit coutumier et législation moderne sans oublier la Common Law de la partie anglophone du pays. Cette superposition de systèmes juridiques crée des conflits fréquents et une insécurité foncière chronique qui handicape le développement économique du pays. Le processus d’immatriculation des terres au Cameroun est tout aussi laborieux qu’en Côte d’Ivoire, sinon plus. Il faut en moyenne 2 ans pour obtenir un titre foncier, avec des coûts pouvant atteindre 15% de la valeur du terrain. Cette lenteur administrative et ces frais exorbitants constituent un obstacle majeur à l’investissement immobilier et au développement des infrastructures. De plus, le Cameroun fait face à des défis spécifiques liés à sa diversité ethnique et culturelle. Les conflits entre communautés locales pour le contrôle des terres sont fréquents, en particulier dans les régions rurales où le droit coutumier reste prédominant.

Il faut en moyenne 2 ans pour obtenir un titre foncier, avec des coûts pouvant atteindre 15% de la valeur du terrain.


Des Défis Communs aux Deux Pays

Malgré leurs différences, la Côte d’Ivoire et le Cameroun partagent des défis similaires en matière d’acquisition foncière :

  1. La corruption et le clientélisme : Ces fléaux gangrènent les administrations foncières, rendant les procédures opaques et imprévisibles. Selon Transparency International, la Côte d’Ivoire et le Cameroun se classent respectivement 104e et 153e sur 180 pays en termes de perception de la corruption en 2020.
  2. Le manque de cadastre fiable : L’absence d’un système cadastral moderne et actualisé complique considérablement l’identification des parcelles et la résolution des litiges fonciers. Dans les deux pays, moins de 10% du territoire est correctement cartographié et enregistré.
  3. Les conflits récurrents : Les litiges entre communautés locales, investisseurs et État sont fréquents. Les dédommagements pour expropriation par exemple sont souvent violents et découragent l’investissement en freinent le développement économique.
  4. L’absence de mécanismes de financement adaptés : Le coût élevé des terrains urbains en Côte d’Ivoire, combiné à l’absence de mécanismes de financement adaptés pour la diaspora, limite l’accessibilité. Au Cameroun, les taux d’intérêt prohibitifs des prêts hypothécaires rendent le crédit foncier peu attractif, repoussant les investisseurs potentiels.

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Vers des Solutions Innovantes

Face à ces obstacles, des initiatives émergent pour faciliter l’accès à la propriété foncière :

  1. La digitalisation des procédures : En Côte d’Ivoire, le projet e-Foncier vise à numériser l’ensemble des titres fonciers et à simplifier les démarches administratives. Au Cameroun, un projet similaire de cadastre numérique est en cours de développement.
  2. La mise en place de guichets uniques : Ces structures centralisées visent à simplifier les démarches administratives en regroupant tous les services nécessaires à l’acquisition foncière en un seul lieu, mais le mille-feuille administratif rend la tâche difficile.
  3. La formation de médiateurs fonciers : Des programmes de formation de spécialistes en résolution de conflits fonciers sont mis en place pour apaiser les tensions locales et faciliter les transactions.
  4. Le développement de produits financiers spécifiques : Certaines banques commencent à proposer des prêts adaptés à l’acquisition de terrains, avec des taux préférentiels et des durées de remboursement plus longues.


L’Impératif d’une Réforme en Profondeur

Il est évident que tant la Côte d’Ivoire que le Cameroun doivent entreprendre des réformes structurelles de leurs systèmes fonciers. Ces réformes devraient viser à :

  1. Harmoniser les différents régimes juridiques : Il est crucial de trouver un équilibre entre le respect des droits coutumiers et la nécessité d’un cadre juridique moderne et unifié.
  2. Accélérer et simplifier les procédures d’immatriculation : La réduction des délais et des coûts d’obtention des titres fonciers est essentielle pour stimuler l’investissement.
  3. Renforcer la transparence et lutter contre la corruption : La mise en place de systèmes de contrôle rigoureux et la digitalisation des procédures peuvent contribuer à réduire les pratiques frauduleuses et l’augmentation des coûts.
  4. Protéger les droits des communautés locales : Tout en favorisant l’investissement, il est crucial de garantir les droits fonciers des populations autochtones et des petits exploitants agricoles.
  5. Investir dans la formation : Le renforcement des compétences des agents de l’administration foncière est indispensable pour améliorer l’efficacité et la qualité des services.


Un Défi Fondamental pour le Développement Économique et Social

L’enjeu de l’acquisition foncière en Côte d’Ivoire et au Cameroun est crucial pour l’avenir. Faciliter l’accès à la propriété foncière est primordial pour stimuler l’investissement, réduire la pauvreté et favoriser une croissance économique inclusive. Les gouvernements ivoirien et camerounais doivent agir rapidement et de manière décisive pour lever les obstacles à l’acquisition foncière. Les réformes nécessaires sont ambitieuses et complexes, mais elles sont indispensables pour libérer le potentiel économique de ces nations émergentes.


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