Investisseur, banquier d’affaires et entrepreneur bissau-guinéen, Paulo Gomes cumule plus de 30 ans d’expérience dans le conseil aux entreprises et aux États. Sa vision stratégique et son expertise guident des projets structurants et des initiatives d’envergure à travers le continent africain. Ancien administrateur à la Banque mondiale, cofondateur de la Chambre de commerce Afrique-Asie du Sud-Est et de l’initiative Afrochampions, ce stratège œuvre avec passion à l’émergence de champions économiques africains, motivé par une volonté de prospérité partagée et durable.
Par Patrick Ndungidi
À la croisée des continents et des ambitions, avec plus de 30 années d’expérience dans les sphères publique et privée, Paulo Gomes allie une expertise financière pointue et une vision profondément ancrée dans l’intégration régionale africaine. Guidé par l’objectif de positionner l’Afrique comme un pilier incontournable sur l’échiquier mondial, cet architecte de stratégies globales construit l’avenir en créant des ponts entre l’Afrique et le reste du monde. Dans cette optique, il a cofondé en 2012 la Chambre de commerce Afrique-Asie du Sud-Est , basée à Singapour, un vecteur stratégique qui s’emploie à renforcer les échanges et les investissements entre ces deux régions. « Nous venons d’y créer un fonds grâce auquel nous comptons développer plusieurs entreprises africaines dans les domaines de l’agroalimentaire, de la logistique, etc. », se réjouit Paulo Gomes.
« Il a cofondé en 2012 la Chambre de commerce Afrique-Asie du Sud-Est, basée à Singapour »
Bâtisseur d’Entreprises Stratégiques
Fondateur du cabinet de conseil stratégique et d’investissements Paulo Gomes & Partners, axé sur des secteurs à fort potentiel, et de la société d’investissement Orango Investment Corporation, le chef d’entreprise est également le cofondateur de New African Capital Partners (NACP), une plateforme d’investissement active dans le domaine financier et les secteurs en croissance des marchés émergents, gérer par le Banquier M. Charles Kie.
Adepte de solutions économiques audacieuses, Paulo Gomes s’est tourné, plus récemment, vers l’aquaculture marine : avec des investisseurs norvégiens, il a cofondé au Maroc, Alta Mar, une entreprise spécialisée en ce domaine. L’aquaculture est un secteur qu’il considère comme stratégique pour répondre à l’augmentation de la consommation de protéines marines en Afrique dans les prochaines années et aussi pour l’exportation en Europe et en Asie. « La croissance urbaine de l’Afrique et la demande en protéines marines va être très importante. Curieusement, il n’existait pas d’entreprise africaine active dans ce domaine », souligne-t-il.
« Fondateur du cabinet de conseil Paulo Gomes & Partners et de la société d’investissement Orango Investment Corporation, le chef d’entreprise est également le cofondateur de New African Capital Partners (NACP) »
Une Philosophie Alliant Profit et Impact
Pour lui, la quête de profits n’est qu’une étape. L’essentiel réside dans leur réinvestissement au service d’actions à fort impact social, capables de transformer des vies et des communautés. « Le profit n’est qu’un aspect de l’équation. L’essentiel est de garder à l’esprit la place essentielle de l’Afrique dans le monde », explique-t-il. C’est pourquoi, à travers ses entreprises et son réseau, l’entrepreneur promeut une vision africaine ambitieuse et travaille à connecter le continent aux dynamiques mondiales émergentes, avec un objectif clair : favoriser la création et la multiplication de multinationales africaines capables de rivaliser sur les marchés mondiaux, tout en accélérant l’intégration continentale. À cet effet, il est l’un des cofondateurs et le coprésident de l’initiative Afrochampions, qui vise la création de multinationales africaines et dont le président est l’ancien président du Nigéria, Olusegun Obasandjo. En outre, sous l’impulsion de ce dernier, Paulo Gomes a également cofondé l’Africa Finance Corporation (AFC), pilier du financement panafricain, qui regroupe aujourd’hui plus de 46 pays et gère un bilan de plus de 20 milliards de dollars. « Beaucoup étaient sceptiques au départ. Le deuxième pays à rejoindre l’AFC, après le Nigéria, fut la Guinée-Bissau. J’ai dû m’y rendre pour convaincre le ministre des Finances, que je connaissais depuis 1997, d’accepter que le pays adhère à l’AFC », se souvient Paulo Gomes.
« Il est l’un des cofondateurs et le coprésident de l’initiative Afrochampions, qui vise la création de multinationales africaines »
Une Vocation Précoce au Service de Son Pays
Par le passé, l’homme a en effet travaillé pour les ministères du Plan, de l’Économie et des Finances de la Guinée-Bissau. C’était à la fin des années 1980, peu après la fin de ses études. Menées en France, celles-ci lui ont permis d’obtenir une licence en économie et commerce international à Sciences Po Paris et un diplôme de l’Institut libre des relations internationales et des sciences politiques (ILERI).
Après ce brillant cursus et malgré des opportunités à l’international, Paulo Gomes a décidé de mettre ses compétences au service de son pays natal : c’est ainsi qu’il intègre, en 1995, le ministère du Plan. Ce terrain d’action va marquer le début d’un parcours professionnel exceptionnel. Au sein de ce ministère, Paulo Gomes devient un acteur clé dans des dossiers cruciaux comme la réforme économique entamée par la Guinée-Bissau dans les années 1990 ; l’adhésion de la Guinée-Bissau à la zone franc et le Plan Vision 2025 du pays. Au cours de cette période, il interagit avec d’autres acteurs comme Tidjane Thiam, ancien ministre de l’Économie de la Côte d’Ivoire. Chaque étape de cette carrière publique est marquée par la volonté de bâtir des fondations solides pour l’avenir. Grâce à cette expérience professionnelle, il se familiarise avec les mécanismes des institutions de Bretton Woods, en particulier le FMI, où il effectue une formation en programmation financière d’une durée d’un an, en 1989. « Cette formation a été un élément déterminant puisque, plus tard, j’ai travaillé à la Banque mondiale », explique-t-il.
Une Connexion Inattendue à Harvard
Avant de rejoindre la Banque mondiale, Paulo Gomes effectue un passage de deux ans à Harvard, où il obtient un master en économie et finances publiques. Une étape clé, car il y est repéré par Michael Kennedy – fils de Robert et neveu de John – lors d’un séminaire étudiant consacré au modèle de financement de l’énergie, principalement du pétrole. Il devient ainsi l’assistant de Michael Kennedy au sein de Citizens Energy Corporation et travaille avec lui sur des projets énergétiques en Amérique latine et en Afrique, notamment en Angola. « Ils y avaient un bloc de pétrole, mais l’ont vendu et ont utilisé une partie de l’argent pour créer l’Université catholique de Luanda ». Lorsque Michael Kennedy perd la vie dans un tragique accident de ski, Paulo Gomes retourne en Guinée-Bissau et devient, fin 1997, conseiller du ministre des Finances. Il occupe cette fonction pendant près d’un an, jusqu’en juin 1998, date à laquelle éclate la guerre civile, qui va plonger le pays dans la tourmente.
« Il devient l’assistant de Michael Kennedy au sein de Citizens Energy et travaille avec lui sur des projets énergétiques en Amérique latine et en Afrique »
Une Carrière Internationale au Service de l’Afrique
Son expertise sur les dossiers liés à la Banque mondiale et au FMI lui permet de gagner la confiance des membres de l’UEMOA, notamment celle de l’ancien Premier ministre sénégalais Lamine Loum, qui propose son nom pour devenir administrateur adjoint à la Banque mondiale. « J’ai également bénéficié du soutien de Tidjane Thiam, que je connaissais depuis le début des années 90 », explique-t-il.
Paulo Gomes va finalement passer huit ans à la Banque mondiale. Le temps d’y laisser véritablement une empreinte durable, plaçant l’Afrique au cœur des stratégies mondiales de développement. D’abord administrateur adjoint, poste qu’il occupe durant quatre ans, il est ensuite nommé administrateur de plein titre, pour une période équivalente. À ce poste, il est responsable de 24 pays d’Afrique, gérant le plus vaste portefeuille de la banque en termes de nombre de pays. « J’ai collaboré étroitement avec le président de la Banque mondiale de l’époque, James Wolfensohn, son successeur Paul Wolfowitz et le Conseil d’administration sur l’élaboration et la mise en œuvre des stratégies publiques et privées de l’institution. »
« Paulo Gomes va finalement passer huit ans à la Banque mondiale. Le temps d’y laisser véritablement une empreinte durable, plaçant l’Afrique au cœur des stratégies mondiales de développement »
Réformes Majeures à la Banque Mondiale
Ainsi, en tant qu’administrateur de la Banque mondiale, Paulo Gomes a initié des réformes audacieuses et a influencé des décisions stratégiques majeures, notamment le retour de l’agenda des infrastructures au cœur des priorités de l’institution et l’adoption de politiques d’intégration régionale. « Avant cela, la Banque n’avait pas de stratégie régionale, car son modus operandi consistait à intervenir pays par pays ».
« En tant qu’administrateur de la Banque mondiale, Paulo Gomes a influencé des décisions stratégiques majeures, notamment le retour de l’agenda des infrastructures au cœur des priorités de l’institution et l’adoption de politiques d’intégration régionale »
Paulo Gomes a été également un acteur clefs dans la réforme de l’International Finance Corporation (IFC), la branche du groupe de la Banque mondiale consacrée au secteur privé, et à ce titre, jouant un rôle central dans l’orientation actuelle de la stratégie de l’IFC. De plus, en vue de renforcer les capacités locales, il a initié un programme de formation de cadres africains au sein de la Banque mondiale, afin qu’ils puissent y travailler dans différents départements pour des périodes de six mois à un an. Objectif : former une masse critique de cadres africains, afin de leur permettre de maîtriser le fonctionnement de la Banque, de se positionner pour négocier efficacement et de formuler des recommandations stratégiques. « Ce programme, initialement conçu pour les Africains, a été élargi à l’ensemble du groupe de la Banque mondiale et à tous ses pays membres. Il est devenu un véritable succès, et j’en suis particulièrement fier », se réjouit Paulo Gomes.
« Il a initié un programme de formation de cadres africains au sein de la Banque mondiale, afin qu’ils puissent y travailler dans différents départements pour des périodes de six mois à un an »
S’Épanouir Dans le Secteur Privé
Fin 2006, l’administrateur prend la décision de quitter la Banque mondiale, après avoir décliné la proposition de Paul Wolfowitz, qui souhaitait le promouvoir comme directeur général de l’institution. « J’ai longuement hésité ; mais j’ai finalement décliné cette offre, car je ressentais le désir de m’épanouir davantage dans le secteur privé », explique-t-il.
En quittant la Banque mondiale, Paulo Gomes répond à l’appel du président nigérian Olusegun Obasanjo de créer une institution africaine de financement. Ainsi naît l’Africa Finance Corporation (AFC). En outre, grâce à sa rencontre avec Gervais Koffi Djondo, cofondateur d’Ecobank, Paulo Gomes participe à un autre projet majeur : la création de la compagnie aérienne ASKY, inspirée de l’esprit de l’ex Air Afrique, mais avec une vision moderne. ASKY est aujourd’hui un acteur majeur de l’aviation africaine et un modèle de succès.
« Grâce à sa rencontre avec Gervais Koffi Djondo, cofondateur d’Ecobank, Paulo Gomes participe à un autre projet majeur : la création d’ASKY Airlines »
Un Engagement Pour le Développement Durable
Toutes ces réalisations incarnent véritablement l’engagement de Paolo Gomes en faveur de l’intégration africaine. Toutefois, les ambitions de l’homme d’affaires ne s’arrêtent pas à ses succès économiques. Paulo Gomes est également très impliqué dans les enjeux de conservation de l’environnement et de développement durable. En tant que cofondateur de la Fondation Bio-Guinée, il œuvre ainsi, depuis près d’une décennie, à la préservation des aires protégées de son pays d’origine. Également membre fondateur du Fonds vert pour le climat de l’ONU, il en a été le seul membre du conseil d’administration issu du secteur privé. Paulo Gomes est également membre du conseil d’administration du fonds spécial Covid-19 de l’Union africaine et membre du comité de direction du Pan African Conservation Trust (APACT).
Sa candidature à l’élection présidentielle de son pays, en 2015, illustre l’engagement de Paulo Gomes – qui se dit profondément marqué par l’héritage patriotique d’Amílcar Cabral – pour le renouveau politique et le développement économique de la Guinée-Bissau. Arrivé en troisième position, à la surprise générale, il a néanmoins choisi, par la suite, de se recentrer sur ses activités internationales et privées. Il vient de produire le documentaire le plus complet sur Amilcar Cabral, dans le contexte du centieme anniversaire de la naissance de ce leader Pan Africain.
Aujourd’hui, Paulo Gomes poursuit ses projets d’investissement en faveur d’une Afrique plus intégrée et plus influente. Il continue également de bâtir des ponts économiques entre l’Afrique et le reste du monde, afin de contribuer à faire du continent un acteur majeur sur la scène mondiale.
« Paulo Gomes est également très impliqué dans les enjeux de conservation de l’environnement et de développement durable »