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Audiovisuel : l’Appétit Grandissant des Géants Mondiaux Pour Le Contenu “Made In Africa”

En pleine expansion, le marché africain de la télévision payante se nourrit de plus en plus de contenu africain, plébiscité par les abonnés du continent. Cette dynamique n’a pas échappé aux leaders internationaux du secteur et fait les affaires des acteurs locaux.

Par Patrick NELLE


En plein essor, « les industries du cinéma et de l’audiovisuel représenteraient 5 milliards de dollars de PIB à l’échelle du continent », a rappelé en octobre dernier l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), dans un rapport destiné à cartographier le 7e Art du continent et à proposer des recommandations pour « organiser la croissance à venir ». De fait, ce potentiel de croissance n’a pas échappé aux géants mondiaux de la télévision payante, qui multiplient aujourd’hui les initiatives sur le continent. Outre les opérateurs historiques que sont le sud-africain Multichoice (20 millions d’abonnés) et le français Canal+ – filiale du groupe Vivendi, qui a multiplié par dix son nombre d’abonnés africains (plus de 6 millions) au cours de la décennie écoulée –, ce sont aujourd’hui les géants américains Netflix, Amazon et Disney+ qui se positionnent sur ce marché en plein boom. Débarquée sur le continent en 2016, la plateforme Netflix totaliserait d’ores et déjà 2,16 millions d’abonnés africains, selon les chiffres du cabinet spécialisé Digital TV Research, plaçant l’entreprise californienne devant Amazon Prime Video ; deux multinationales centrées sur l’offre de streaming vidéo, alors que « Canal+ et Multichoice ont en premier lieu misé sur une offre par satellite », rappelle François Thiellet, un entrepreneur français de l’audiovisuel (Thema TV) et fin connaisseur du continent, qui pilote aujourd’hui le développement des filiales africaines de Mediawan. Sur ce point, l’amélioration sensible de la vitesse d’Internet ouvre aujourd’hui de nouvelles perspectives aux géants du streaming. Le dernier arrivé n’est autre que Disney+, le service de vidéo en streaming du studio américain Disney, qui a effectué son lancement officiel en Afrique du Sud le 18 mai 2022, et poursuivra son expansion vers quatre autres pays africains, principalement en Afrique du Nord (Tunisie, Égypte, Maroc et Libye).


Parier Sur Le Contenu Africain

Les plateformes internationales de télévision payante ont par ailleurs clairement fait le choix de parier sur la diffusion de contenus africains. Un mouvement initié avec succès par des firmes locales telles que la nigériane Iroko TV et qui « correspond tant à la demande et aux aspirations des clients du continent qu’au fait que l’offre de contenu s’est sensiblement améliorée, les séries bricolées et à faibles coûts d’antan cédant désormais la place à une production plus sophistiquée », analyse François Thiellet pour qui « l’élargissement actuel de la base de clientèle permet d’absorber les coûts supplémentaires associés à cette production audiovisuelle de meilleure qualité ». Objectif de cette africanisation accélérée du contenu : conquérir de nouveaux clients dans un contexte où les perspectives de croissance accentuent la concurrence pour capter les recettes. C’est dans ce sens que s’inscrit la multiplication des accords entre ces diffuseurs et les producteurs africains. Outre Canal+ qui a renforcé fin 2019, via sa filiale Thema, sa participation dans le groupe Iroko Partners, Amazon a franchi le pas en décembre dernier, en signant deux accords de licence avec deux importants studios de Nollywood, Anthill Studio et Inkblot Production. Disney+ a pour sa part noué ses premiers partenariats locaux avec le studio sud-africain Triggerfish qui produira notamment Kizazi Moto : Generation of Fire, une série de courts métrages en dix épisodes de réalisateurs du Nigeria, d’Afrique du Sud, du Kenya, du Zimbabwe, d’Ouganda et d’Égypte. La firme américaine est par ailleurs engagée depuis 2021 avec Kugali Media pour produire la série animée de science-fiction Iwaju, un conte nourri du patrimoine culturel yorouba du Nigeria. De tous les diffuseurs, c’est cependant Netflix qui paraît le plus enclin à sortir le grand jeu, le groupe ayant annoncé en avril 2022 sa volonté d’injecter 56 millions de dollars dans la production de films. Et ce, rien qu’en Afrique du Sud. Plus tôt, le contrat de production conclu en juin 2020 entre le nigérian EbonyLife (dirigé par Mo Abudu) et Netflix pour la production et la diffusion de longs métrages était déjà un signe annonciateur du virage africain de Netflix. La même année, la plateforme s’engageait également aux côtés d’Upper Room Productions, l’entreprise de l’acteur britannico-nigérian John Boyega pour la production de films non anglophones en Afrique de l’Ouest et de l’Est.


Le Coût De La Connexion Internet, Un Paramètre Essentiel Pour Le Streaming

Sur le segment streaming, le coût d’Internet reste toutefois un paramètre essentiel pour nombre de clients potentiels : « Pour regarder un film dans de bonnes conditions, il faut compter à peu près 2 Go, ce qui revient à environ 1000 FCFA [1,5 euro] », remarque ainsi Léolin Kamdem, un jeune cadre installé à Douala et abonné Netflix. Par ailleurs, les contenus locaux restent largement accessibles via de nombreux canaux de diffusion alternatifs et moins coûteux que les plateformes de streaming : « Si je veux regarder une série africaine, ce n’est pas sur Netflix que j’irai, mais vers d’autres diffuseurs du style Canal+, où je n’ai pas besoin de dépenser en connexion Internet pour chaque film ou chaque série », poursuit notre interlocuteur. Il n’y a pas de quoi remettre en cause cependant les bonnes perspectives du secteur, assurent les analystes de Digital TV Research, qui estiment que le nombre d’Africains consommateurs de services de streaming vidéo triplera d’ici 2026 pour atteindre les 15 millions d’abonnés. Sans parler des autres offres de télévision payante, du type bouquet satellite (Canal +, StarTimes, Multichoice…) en forte croissance également.


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